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Jean-Luc Caron, musicologue spécialisé dans l’étude et la diffusion de la musique nord-européenne, entraîne depuis quelques années les lecteurs de ResMusica dans une ballade étonnante en pays scandinaves. Pour accéder au dossier complet : Brèves scandinaves
Grâce à l'attribution de bourses d'études généreuses, un certain nombre d'artistes, souvent peu argentés, ont trouvé et exploité des opportunités uniques de parfaire leur formation en se confrontant à ce qui se faisait de mieux sous d'autres cieux.
Au Danemark, Carl Andreas Ancker (1828-1857) possédait une grande fortune héritée de son père marchand de textile. Peu après la mort de ce dernier, il se trouva par héritage à la tête d'un gros capital. Carl Andreas, passionné de culture, décida en 1857 d'orienter une partie de sa richesse en faveur de jeunes artistes danois prometteurs, grâce à la suggestion de l'écrivain satiriste danois Meir Aron Goldschmidt. Cette généreuse disposition fut mentionnée dans son testament. Malheureusement, deux mois après son mariage en septembre 1857, Ancker décéda des suites d'un accident vasculaire cérébral.
Une subvention annuelle de 1 800 couronnes était destinée à être décernée à quatre personnes : un poète, un compositeur, un peintre et un sculpteur. Chaque récipiendaire était alors invité à se rendre à l'étranger pour une durée d'environ six mois. Les premiers bénéficiaires de la Bourse Ancker furent l'écrivain Johan Ludvig Heiberg, le peintre H.W. Bissen, les compositeurs J.P.E. Hartmann et Niels Gade, principaux créateurs du XIXe siècle danois. Le ministère de la culture manœuvra les destinées de cette bourse et nomma les gestionnaires, des personnalités importantes, dont plusieurs avaient remporté cette bourse dans leur jeunesse, chargés de gérer cette Anckerske Legat, « la seule bourse d'études d'une importance réelle pour les compositeurs danois », reconnut le compositeur Knudåge Riisager.
Parmi les musiciens qui bénéficièrent de cette aide précieuse, une partie n'a pas laissé de traces bien visibles dans l'histoire de la musique danoise, une autre partie encouragea de véritables caractères créateurs dont nous avons pu suivre l'existence dans la Série des Danois publiée dans nos colonnes depuis plusieurs années. La destination très majoritaire fut l'Allemagne et également, à un moindre degré, l'Italie et la France. Certains créateurs, des plus capables, se contentèrent d'assister à de nombreux concerts représentatifs des dernières productions majeures de leur temps, d'autres prirent les conseils ou les leçons de maîtres hautement réputés.
Nous citerons quelques noms majeurs. Johan Gottfred Matthison-Hansen (1832-1909), compositeur et organiste qui séjourna surtout en Allemagne grâce sa bourse accordée en 1862 ; puis en 1863, ce fut au tour de Friedrich Glæser (1835-1891) de se rendre à Paris et à Vienne. Christian Frederik Emil Horneman (1840-1906) retenu en 1866 prit la direction de Munich et Leipzig et l'année suivante le fils du fameux J.P.E. Hartmann, Emil Hartmann, put parfaire sa formation à Leipzig, Paris, Vienne et en Italie. En 1869, son beau-frère August Winding (1835-1899) suivit à peu près le même parcours. Prirent la relève un certain nombre de musiciens dont les noms évoquent peu de choses au non spécialiste mais qui apportèrent leur contribution à la vie musicale du Danemark. Peter Erasmus Christian Lange-Müller (1850-1926) reçut sa bourse en 1879 et se concentra sur l'Allemagne (dont Leipzig) et Paris. Suivirent Victor Emmanuel Bendix (1883), Louis Theodor Schytte (1884), Gustav Carl Helsted (1885), August Enna (1888), Louis Glass (1889)…
Enfin, vint le tour de Carl August Nielsen (1865-1931) d'être distingué en 1890. Son voyage d'études le conduisit à Berlin, Leipzig, Florence, Rome et finalement Paris où il rencontra l'amour. Son ami, le populaire violoniste Fini Henriques (1867-1940) se concentra sur les centres germaniques en 1891. D'autres suivirent naturellement.
La bourse d'études Ancker permit à de nombreux musiciens danois d'élargir leurs horizons, de quitter la seule sphère scandinave, afin de se confronter et de s'enrichir de la foisonnante vie musicale et artistique des principaux centres européens. Après la Première Guerre mondiale, le prestige de la bourse Ancker s'atténua sensiblement, notamment en raison de difficultés financières obligeant à diminuer drastiquement le rythme et le montant des dotations.
Images libres de droit : Carl Andreas Ancker ; Carl August Nielsen
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