Neuvième de Mahler par les Berliner Philharmoniker et Bernard Haitink
Plus de détails
Berlin. Philharmonie. 2-XII-2017. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 9 en ré majeur. Berliner Philharmoniker, direction : Bernard Haitink.
En prenant trois soirs l'orchestre de Simon Rattle pour y diriger la Symphonie n° 9 de Gustav Mahler, Bernard Haitink ne parvient pas à adapter le jeu des Berliner Philharmoniker à son style et livre une lecture sans force, émaillée d'effets entendus habituellement avec le chef britannique et jamais auparavant avec lui.
Même avec des noms idéaux au programme, le résultat d'un concert peut fluctuer du génial au passable. Malheureusement, le concert du Philharmonique de Berlin sous la direction du chef le plus célèbre aujourd'hui pour Mahler fait partie de la seconde catégorie.
L'Andante comodo de la Neuvième Symphonie en ré majeur débute avec une belle texture chez les seconds violons, mais déjà les pizzicati des altos et des violoncelles vibrent sans toucher, et leur netteté – on peut même parler de dureté – se ressent véritablement à l'entrée des premiers violons. Heureusement, il y a au cor anglais Dominik Wollenweber, superbe dès le début et exceptionnel dans ses deux dernières interventions à l'Adagio final. Mais si Albrecht Meyer a laissé sa place de premier hautbois à un musicien moins subtil, c'est surtout l'absence d'Emmanuel Pahud et de Matthieu Dufour au premier pupitre de flûte qui tire vers le bas la petite harmonie. Le flûtiste présent semble fait pour le jeu de Simon Rattle et applique des effets de volumes et de styles à chacune de ses parties. Il se détache alors anormalement d'une masse déjà peu concentrée sous les mains d'un Bernard Haitink arrivé fatigué au pupitre sur la scène de la Philharmonie de Berlin.
Le timbalier comme le premier basson font aussi de l'effet pour introduire la partie suivante du premier mouvement, juste avant une harpe également trop détachée de l'ensemble ; elle le sera encore plus au Rondo. Les cuivres jouent juste, mais ils présentent une aigreur que l'on ne trouvait pas dans les dernières interprétations de ce chef-d'œuvre par le chef néerlandais avec d'autres orchestres. Le temps passe donc jusqu'à une coda portée seulement par les soli du premier violon Noah Bendix-Balgley, seul musicien véritablement musical dans le quatuor ce soir.
Les Berliner Philharmoniker avaient interprété la symphonie pour la dernière fois en 2011 sous la direction de Simon Rattle. Lors de ce concert d'abonnement en 2017, on ressent sa présence dans de nombreuses phrases et de nombreux accents, aussi flagrante que la perte d'une masse et d'une chaleur allemande que l'on ne retrouve plus sous cet orchestre, sauf quand il est concentré par les battues les plus denses du parcours international, celles de Blomstedt, Gatti ou Thielemann. Le résultat de cette Neuvième avec Haitink est donc très différent et beaucoup moins émotionnel qu'avec les Wiener Philharmoniker à Salzbourg cet été. Il semble même parfois que le chef laisse les Berliner se diriger eux-mêmes, comme à la reprise du Tempo II au Ländlers, où le deuxième premier violon se retourne à deux moments vers son groupe pour les préparer à attaquer staccato cette partie. La fin du mouvement sera laborieuse dans sa dynamique, avec là encore un problème d'aigreur au hautbois.
Ni nostalgie dans l'Andante, ni tension ni violence dans les deux mouvements médians, donc pas de tristesse et peu d'émotion au Finale. Les attaques de cordes appuyées plus qu'à l'habitude lorsque l'on connait la douceur du chef montrent là encore le manque de fusion entre sa direction et l'orchestre. Et même si le tempo n'est pas particulièrement rapide, il n'y a ni impression de langueur, ni à l'opposé la sensation que Haitink veuille démontrer une idée particulière. L'Adagio s'écoule en remettant en avant les belles sonorités du premier violon, vibrant sans non plus que cette corde fasse apparaître la vie qui s'éteint ou au contraire la flamme qui tente de tenir face aux difficultés du monde. Peut-être cherchions-nous à ressortir troublé voire marqué ; nous n'aurons eu qu'une lecture relativement extériorisée d'une partition dans laquelle Haitink a enfoncé son visage toute la soirée, alors qu'il la connait pourtant par cœur depuis plus de cinquante années.
Crédit photographique : Berliner Philharmoniker © Monika Rittershaus
Plus de détails
Berlin. Philharmonie. 2-XII-2017. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 9 en ré majeur. Berliner Philharmoniker, direction : Bernard Haitink.
Eh ben … Et dire que deux générations de « critiques » ont stigmatisé, moqué ou condamné sans appel le « beau son » de l’orchestre de Karajan … J’ai, en vinyle et en CD la TOUTE PREMIERE version (une deuxième a suivi peu après qui l’a supplantée, à mon avis injustement) de cette 9ème Symphonie de Gustav Mahler … INOUBLIABLE et quasi INSURPASSABLE !!!
Moui, enfin, depuis Kara, il y a eu Abbado (DG, 1999) et Rattle (EMI, 2007) avec le même orchestre qui ont tous les deux laissé des gravures de cette partition qui changent complètement la donne. Abbado, c’est la version classique, équilibrée, lyrique, passionnée, peut-être la référence moderne de cette symphonie, l’avenir le dira. Rattle, c’est sombre, écrasant, tellurique.
Karajan, quant à lui, a aussi enregistré la 6ème de Mahler (DG, 1975/77). Ça, à mon avis, c’est vraiment incontournable pour le coup.
Autrement, si c’est Haitink qu’on recherche, alors son meilleur enregistrement de la 9ème de Mahler reste celui de 2012 avec l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise (chez BR-Klassiks).
Oserais-je évoquer la version enregistrée par un certain Myung-Whun Chung avec l’Orchestre Philharmonique de Séoul (DG, 2014) ? Ça ne sera sans doute pas du goût de tout le monde mais bon… Le Rondo-Burleske est notamment hallucinant de virtuosité et de précision.