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À Genève, on danse l’art de Maria Callas

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Genève. Opéra des Nations. 10-X-2017. Callas, ballet de Reinhild Hoffmann sur des airs de Léo Delibes, Charles Gounod, Giuseppe Verdi, Ambroise Thomas, Georges Bizet, Gaetano Donizetti, Christoph Willibald Gluck, chanté par Maria Callas. Chorégraphie : Reinhild Hoffmann. Assistant à la chorégraphie : Susan Barnett. Décors : Johannes Schütz. Costumes : Joachim Herzog. Lumières : Alexander Koppelmann. Avec Yumi Aizawa, Céline Allain, Louise Bille, Ornella Capece, Léa Mercurol, Diana Duarte, Tiffany Pacheco, Sara Shigenari, Lysandra Van Heesewijk, Madeline Wong (Danseuses) ; Valentino Bertolini, Natan Bouzy, Zachary Clark, Armando Gonzalez Besa, Xavier Juyon, Juan Perez Cardona, Simone Repele, Sasha Riva, Geoffrey Van Dyck, Nahuel Vega (Danseurs).

La chorégraphe Rheinhild Hoffmann recompose pour le corps de ballet du Grand Théâtre de Genève, son ballet Callas créé à Brême en 1983. Spectacle éminemment émouvant d'une part par l'apport théâtral que la chorégraphe allemande demande aux danseurs et d'autre part, par l'incroyable et bouleversante présence de la voix de .

Callas.01Plus qu'un ballet, c'est un véritable opéra que la chorégraphe allemande propose. Un opéra se refusant de raconter la vie de la diva grecque, comme l'ont fait maints cinéastes, ou biographes. S'appuyant sur quelques-uns des rôles qui ont fait l'incarnation même de , Rheinhild Hoffmann cerne l'aspect profondément émotionnel de la diva. Le choix des musiques explore l'intime de la chanteuse et illustre l'esprit subtil de la personne, de l'artiste. La Callas de Rheinhild Hoffmann n'est ni dans la technique de son chant, ni dans la caricature de sa vie, mais dans l'appropriation romanesque des personnages qu'elle a interprétés. Dans sa danse, c'est la personnalité du danseur qui prime. Il devient acteur de son personnage, la danse n'étant que le moyen de l'incarner.

Et entendre la voix de Callas dans l'ambiance d'un théâtre, avec l'entourage d'un public, est une expérience inouïe. Quand bien même chacun sait que ce ne sont que des enregistrements de la diva qui sont diffusés, Callas s'arroge l'espace pour submerger l'auditoire de son art, de son génie. Nul doute que cette présence, que cette perfection vocale, que cet engagement artistique de chaque instant est un moteur pour le danseur. La danse s'invite au théâtre. Rarement le ballet du Grand Théâtre de Genève a été aussi théâtralement investi.

Avec un rideau de scène sur le fond du plateau, Rheinhild Hoffmann propose une mise en abyme où le spectateur est tantôt devant la scène ou dans les coulisses. Alors que le spectacle va débuter, les sons de l'orchestre s'accordant en bruit de fond, un couple fait son entrée cherchant sa place pour assister à la représentation sur l'Air des clochettes de Lakmé de Léo Delibes. L'occasion de montrer avec humour et précision, les travers des retardataires. Quand un sonnant « Je veux vivre dans ce rêve » de Roméo et Juliette de Gounod, emmène ces deux danseurs (dynamique et gracieux ) dans un tournoyant ballet qui se termine avec cette « Callas » sortant de scène avec la foule des autres danseurs brandissant leurs programmes pour les faire dédicacer par la diva. Belle introduction du rêve des premiers succès.

Callas.02S'enchaîne alors l'une des plus inspirées pièces de ce ballet avec l'évocation de l'un des grands rôles de avec sa Lady Macbeth du Macbeth de Giuseppe Verdi. Dans sa danse (superbe, majestueuse et habitée ), c'est Callas la tragédienne qu'on voit. Sur l'air « Vieni t'affretta », dans son immaculée robe blanche, la détermination bestiale de Lady Macbeth se prépare aux assassinats qui la conduiront au pouvoir. Dans des gestes d'un esthétisme renversant, elle chausse des souliers rouges qui laisseront sur sa robe la marque indélébile de ses meurtres. Souci du détail, de la dramaturgie, qui amènent l'évidence de l'air de la folie de Lady Macbeth « Una macchia è qui tuttora ». Admirable théâtre !

Bientôt Carmen de Bizet ouvre le rideau sur les personnages qui ont fait la carrière de Maria Callas. Superbe défilé des magnifiques et précis costumes () qui ont pérennisé l'image de la diva. Ce sont les Tosca, Norma, Medea, Turandot et autres Rosina du Barbiere di Siviglia ou le grand manteau noir bordé d'hermine d'Amelia du Ballo in Maschera qui meublent la scène alors que dans sa robe virginale l'Amina de la Sonnambula de Bellini, immortalisée à La Scala de Milan par Luchino Visconti, déambule lentement avec son diadème fleuri et son bouquet de fleurs flétries à la main alors que Callas chante la romance « Il dolce suono » de Lucia di Lammermoor de Donizzetti.

Autre moment d'une grande beauté esthétique et artistique, cette table de toile sur laquelle Callas marche dans la gloire d'une reine de l'art, avec en support musical l'incantation aux « Divinités du Styx » d'Alceste et l'admirable « J'ai perdu mon Eurydice » d'Orphée et Eurydice de Gluck.

Dans ce très beau spectacle, on raconte. On raconte le théâtre d'une vie, de l'émerveillement des premiers succès de l'artiste à la solitude. la mort. Ainsi cet ultime tableau où la diva, fatiguée, dépose un métronome à ses pieds, un métronome qu'elle tend à reprendre pour en remonter le mécanisme qui s'éteint, cette vie qui s'en va. Et, s'approchant du rideau de scène qu'elle entrouvre, pour une dernier regard vers le passé, cette image poignante n'est pas sans rappeler l'ultime photographie de Maria Callas, derrière le rideau de la fenêtre de son appartement parisien, tragique personnage dans la solitude de ses dernières heures de vie.

Sans oublier l'intensité et la subtilité des éclairages (Alexander Koppelmann), ni l'humour de en femme de ménage imitant la diva en débarrassant les accessoires restés sur la scène, peut-être aurait-on aimé plus de musique, les quelques scènes prolongées dans le silence ne réussissant pas à perpétuer l'émotion que procure la projection inoubliable de la voix de Callas.

Crédit photographique : © Gregory Batardon

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