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Il y a 110 ans, la mort de l’humaniste engagé Edvard Grieg

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Il y a 110 ans, le 4 septembre 1907 à Bergen, disparaissait , le musicien le plus célèbre de Scandinavie.

griegogninaDans la revue mensuelle Musica n° 62 de novembre 1907, le musicographe Louis Schneider consacra un bel hommage au compositeur défunt : « Grieg est une intéressante personnalité de la musique moderne. On peut le classer parmi les premiers après des maîtres tels que Beethoven, Mozart, Schubert et Schumann : c'est un descendant de ce dernier compositeur, plus riche au point de vue harmonique, d'une « universalité » d'idées moins puissantes. Mais ce fut un exquis poète et un grand caractère. Sa vogue en France est très grande […] Grieg  est un des rares musiciens qui soient prophètes dans leur pays. Il est le compositeur national par excellence. » La disparition du maître norvégien à l'âge de 64 ans marqua d'autant plus profondément le monde musical que sa renommée s'étendait à toutes les salles de concert européennes et ce, depuis plusieurs décennies.

Pour apprécier l'étendue de sa présence, à Paris par exemple, les œuvres de Grieg furent interprétées de très nombreuses fois et parfois par lui-même en 1889, 1894 et 1903. La présence de sa musique dans de nombreuses programmations de concerts de la capitale démontre combien son art plaisait encore massivement au public parisien. Après sa disparition, entre mai 1910 et juin 1950, on recense pas moins de 782 concerts incluant au minimum une de ses œuvres. Entre 1910 et 1929, la célèbre formation instrumentale de Francis Touche, aujourd'hui bien oubliée, joua une ou plusieurs œuvres de musique nordique lors de 296 concerts. Plus tard encore, entre 1930 et 1939,  alors que la mort de Grieg remontait à un quart de siècle environ, Paris proposa au minimum 254 interprétations griegiennes. Bien sûr le cas de la France vis-à-vis de l'auteur de Peer Gynt et du célébrissime Concerto pour piano en la mineur  ne fut pas unique, preuve que le mouvement antiromantique et les courants modernistes qui se développèrent au cours de sa carrière et après sa mort n'entamèrent qu'à peine son immense renommée comme pianiste, chef d'orchestre et compositeur. L'homme que l'Europe pleura jouissait d'une gloire indiscutable comme chantre inspiré de la musique populaire de sa Norvège natale qu'il sût enrichir après les encouragements du célèbre et après sa formation au Conservatoire de Leipzig dont il s'éloigna du style romantique tel que développé par Mendelssohn et le Danois qui fut un temps son professeur. Homme sage et posé, humaniste intransigeant, ses commentaires à propos de l'Affaire Dreyfus lui valurent une vive opposition de la part de certains milieux en France.

Tout au long de son existence, souffrit d'une assez faible constitution. Très tôt, des problèmes pulmonaires lui causèrent de forts et fréquents tracas. Il était sujet à des bronchites à répétition, provoquant des épisodes asthmatiques et des surinfections sérieuses à une époque où les antibiotiques n'existaient pas encore. Plus le temps passait, plus son état se détériorait et plus s'installait une véritable insuffisance respiratoire provoquant une infirmité pénible. Ses ennuis de santé avaient commencé au printemps 1860 lorsqu'alors âgé de 17 ans, il fut victime d'une pneumonie à Leipzig. On décela un début de tuberculose pulmonaire, cette terrible maladie qui constitua un authentique fléau tout au long du XIXe siècle puisque la médecine de l'époque ne savait pas combattre efficacement  le bacille de Koch. Grieg perdit l'usage d'un poumon et dès lors ne cessera pour le restant de ses jours de souffrir de troubles respiratoires chroniques émaillés de poussées paroxystiques dangereuses. L'alternance de poussées aiguës et de rémissions provisoires ponctuait son emploi du temps, l'obligeant souvent à s'éloigner des montagnes froides et humides qu'il adorait au profit de séjours à Bergen, à Copenhague et dans des établissements de cures.

En dépit de ce lourd handicap, ses dix cahiers de Pièces lyriques pour piano seul, ses trois Sonates pour piano et violon, son profond Quatuor à cordes en sol majeur, son Concerto déjà évoqué, sa musique de scène pour illustrer le Peer Gynt d'Henrik Ibsen pérennisée par les deux suites orchestrales qu'il en tira, ses délicates chansons lyriques entretinrent sa gloire de son vivant et charmèrent constamment les publics occidentaux qui en redemandaient immanquablement.

Les funérailles constituèrent un extraordinaire événement public, des condoléances parvinrent du monde entier, de nombreux amis et relations vinrent de partout, tandis qu'un orchestre et un chœur participèrent aux cérémonies. On interpréta Dernier printemps et la Marche funèbre pour Rikard Nordraak que Grieg composa lors de la mort de son ami quarante ans auparavant. Pour la procession funéraire, un orchestre militaire joua la Marche funèbre de Chopin. Des milliers d'anonymes se joignirent à la procession qui emmena la dépouille mortelle au crématorium. Les cendres ne regagneront le monument funéraire de son très cher Troldhaugen (La vallée des trolls), fjord situé près de Bergen, que l'année suivante.

Tchaïkovski dans Voyage à l'étranger écrivit : « Il n'est pas étonnant que Grieg soit si prisé et qu'il soit partout si populaire, car les qualités de Grieg, déjà peu courantes, se trouvent en outre magnifiées par une simplicité remarquable, par une absence totale de préciosité et de prétention à sembler profond ou nouveau. Rien d'étonnant à ce que son nom figure sur tant de programmes de concerts, en Allemagne comme en Scandinavie, à Paris comme à Londres ou à Moscou. » Lyrique, nationaliste, sincère et authentique,  Grieg aura laissé une puissante empreinte, musicale et humaine, à tous ceux qui rencontrèrent le personnage et sa musique.

Image : Portrait ; Nina et © Edvard Grieg Museum

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