Plus de détails
Salzbourg. Felsenreitschule. 20-VIII-2017. Aribert Reimann (né en 1936) : Lear, opéra en deux partie sur un livret de Claus H. Henneberg d’après la pièce de William Shakespeare. Mise en scène : Simon Stone. Décors : Bob Cousins. Costumes : Mel Page. Lumières : Nick Schlieper. Dramaturgie : Christian Arseni. Avec : Gerald Finley, König Lear ; Evelyn Herlitzius, Goneril ; Gun-Brit Barkmin, Regan ; Anna Prohaska, Cordelia ; Lauri Vasar, Graf von Gloster ; Kai Wessel, Edgar ; Charles Workman, Edmund ; Michael Maertens, Narr (Idiot) ; Matthias Klink, Graf von Kent ; Derek Welton, Herzog von Albany ; Michael Colvin, Herzog von Cornwall ; Tilmann Rönnebeck, König von Frankreich ; Franz Gruber, Bedienter ; Volker Wahl, Ritter. Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor (chef de chœur : Huw Rhys James) ; Wiener Philharmoniker, direction : Franz Welser-Möst
Sans se permettre une création comme l'an passé avec L'Ange Exterminateur d'Adès, le Festival de Salzbourg 2017 n'en oublie pas moins le répertoire contemporain et monte Lear du compositeur allemand Aribert Reimann.
Des opéras de la seconde moitié du XXe siècle, celui-ci composé à la demande de Dietrich Fischer-Dieskau et commandé officiellement en 1975 par la Bayerische Staatsoper, est maintenant assuré de passer à la postérité, lorsque son créateur, encore vaillant en ce soir de première pour venir embrasser chaleureusement l'équipe musicale et scénique aux saluts, ne sera plus de ce monde. La distribution portée par l'excellent Gerald Finley dans le rôle-titre rencontre la puissance des Wiener Philharmoniker en fosse, auxquels la direction de Franz Welser-Möst aurait pu apporter plus de mordant pour s'adapter encore mieux à la mise en scène, magistrale autant que huée, de Simon Stone.
Tiré de l'une des pièces les plus noires de William Shakespeare, Le Roi Lear, l'opéra de Reimann créé en 1978 à Munich semblerait facilement adaptable avec une violence de bon aloi sans doute attendue par une partie du public, surtout lorsque les noms de metteurs en scène comme Hans Neuenfels (pour la Komische Oper Berlin en 2009) ou Calixto Bieito (pour Paris en 2016) sont proposés pour mettre en valeur le drame. Pourtant et à l'instar de ses aînés, le jeune et très prometteur Simon Stone refuse à Salzbourg les images gratuites tout en utilisant un certain nombre de codes et d'idées déjà vues ailleurs dans des mises en scène d'autres œuvres. Il livre une production froide, glaciale autant que glaçante, à l'image de la scène de la Felsenreitschule, d'abord joli jardin d'été avant de devenir un paysage d'hiver des plus rudes, blanc et aride, dans les derniers tableaux.
L'introduction présente le roi Lear partageant son royaume entre ses trois filles, et si Gerald Finley entre en scène avec le charisme qu'on lui connaît et une voix déjà chaude pour aborder la première phrase a cappella sur un fa dièse chanté recto tono, on ne peut en dire autant de la Goneril d'Evelyn Herlitzius, dont la voix trouée et mal placée peine à dépasser un orchestre pourtant encore sur la sourdine dans cette première partie. Comme sa sœur Regan, tenue par une Gun-Brit Barkmin plus solide dans le médium et à l'aigu dès le premier aria et plus volumineuse, avec une voix plus droite et donc plus à l'aise dans l'acoustique difficile mais ô combien magique de la salle du Manège aux Rochers, Goneril est présentée en bourgeoise des années 1970, tailleur serré et coupe à frange stricte. Cet habit et la dramaturgie imposée n'aident pas non plus Herlitzius à exalter son rôle ; elle peine à développer le jeu de scène qu'on lui connaît quand Gun-Brit Barkmin se satisfait de ce qu'on lui propose pour jouer Regan.
Alors qu'on lui connaît une projection plus petite, la mozartienne Anna Prohaska tient de manière précise et très audible le rôle de la sœur la plus importante, Cordelia, celle qui aidera et aimera son père jusqu'à un dernier tableau touchant, même si l'on a entendu plus fin et plus sensible récemment avec Siobhán Stagg à Hambourg et Annette Dasch à Paris. En débutant sur un parterre de fleurs, l'action montre la joie d'un roi au commencement radieux, puis vite meurtri, même si Stone légitime en quelque sorte l'action de bannissement des deux mauvaises filles par une monstrueuse orgie de débauche organisée par le souverain. Alors apparaît l'automne avec la pluie et déjà la complainte d'un Lear qui se dénude au fur et à mesure de sa déchéance, Finley étant ici magnifique dans les variations et la prosodie pour l'air Blast, Winde.
Dans ce drame où les fous guident les aveugles, Edgar suit la même décadence que son roi. Alors que ce fils rejeté par Gloucester est d'abord présenté en policier, Simon Stone jouant la provocation en cherchant à expliquer par là que l'homme a raté sa vie, il apparaît ensuite presque nu sur la scène dévastée pour porter haut sa déploration, assisté en fosse par un magnifique solo de flûte basse. Le contre-ténor Kai Wessel impressionne plus scéniquement que vocalement dans ce rôle, son chant en voix de tête peinant dans les hauts aigus ; il revient en seconde partie costumé en Mickey et offre sa tête de costume pour redonner un temps la vue à son père, afin de l'éclairer sur la stupidité de ses erreurs. Ce père est tenu par l'excellent Gloucester de Lauri Vasar (déjà entendu dans le personnage à Paris et Hambourg) à qui l'on vient de crever les yeux, le premier retiré par un Cornwall (Michael Colvin) en habit d'équarrisseur devant une mare de sang avec laquelle sera baptisée ensuite une partie d'un faux public placé sur des gradins derrière la scène.
Pour accompagner le chœur de très haut niveau et le plateau dont il faut encore citer le Comte d'Albany puissamment projeté de Derek Welton, en ce moment aussi Klingsor à Bayreuth, l'Edmund plein de tension de Charles Workman plus à l'aise dans les aigus saturés que Matthias Klink en Kent, et enfin l'Idiot de Michael Maertens, la fosse bénéficie du fantastique Orchestre philharmonique de Vienne. Franz Welser-Möst joue d'abord d'un volume sonore très mesuré, trop même dans le premier interlude où les percussions placées en hauteur tout à cour se font à peine entendre, pour ensuite jouer l'intelligence d'un crescendo sonore en forme de grande arche de plus de quarante minutes, dont les explosions de l'Interlude III renforcent l'attention dans le calme réapparu juste après, pendant les lamentations de Lear et d'Edgar. La battue très rigoureuse du chef autrichien, particulièrement bien gérée dans la verticalité, laisse toutefois regretter qu'avec un tel orchestre, irréprochable dans tous les pupitres, il manque de sous-tension dans les violons et de pointes et de mordant dans le rendu global, à l'image de ce qu'avait su faire Sebastian Weigle à l'Opéra de Francfort. Tout cela n'est cependant que détail dans cette très grande soirée !
Crédits photographiques : © Salzburger Festspiele / Thomas Aurin
Plus de détails
Salzbourg. Felsenreitschule. 20-VIII-2017. Aribert Reimann (né en 1936) : Lear, opéra en deux partie sur un livret de Claus H. Henneberg d’après la pièce de William Shakespeare. Mise en scène : Simon Stone. Décors : Bob Cousins. Costumes : Mel Page. Lumières : Nick Schlieper. Dramaturgie : Christian Arseni. Avec : Gerald Finley, König Lear ; Evelyn Herlitzius, Goneril ; Gun-Brit Barkmin, Regan ; Anna Prohaska, Cordelia ; Lauri Vasar, Graf von Gloster ; Kai Wessel, Edgar ; Charles Workman, Edmund ; Michael Maertens, Narr (Idiot) ; Matthias Klink, Graf von Kent ; Derek Welton, Herzog von Albany ; Michael Colvin, Herzog von Cornwall ; Tilmann Rönnebeck, König von Frankreich ; Franz Gruber, Bedienter ; Volker Wahl, Ritter. Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor (chef de chœur : Huw Rhys James) ; Wiener Philharmoniker, direction : Franz Welser-Möst
C’est un solo de flûte basse et non de flûte alto qui accompagne la complainte d’Elgar à la Scène 4. Par ailleurs, je m’interroge sur le concept de « hauts aigus ». C’est en opposition aux aigus graves je suppose ?
Merci pour votre remarque
Merci pour votre remarque