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Munich. Nationaltheater. 11-VII-2017. Franz Schreker (1878-1934) : Die Gezeichneten (Les Stigmatisés), opéra en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski ; décors et costumes : Malgorzata Szczęśniak ; vidéos : Denis Guéguin. Avec : Tomasz Konieczny (le duc Adorno/Capitaine de justice) ; Christopher Maltman (comte Tamare) ; Alastair Miles (Lodovico Nardi) ; Catherine Naglestad (Carlotta Nardi) ; John Daszak (Alviano Salvago) ; Heike Grötzinger (Martuccia)… Chœur de l’Opéra national de Bavière (préparé par Sören Eckhoff) ; Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière, ; direction : Ingo Metzmacher.
Œuvre hors normes éminemment problématique, Les Stigmatisés peuvent-ils être sauvés par la scène ?
Près de trois heures de musique, une petite trentaine de solistes, chœur et orchestre pléthoriques : Les Stigmatisés de Schreker ne font pas dans la demi-mesure – et ce qui est vrai pour la musique l'est d'autant plus pour le livret, écrit par le compositeur sans souci de concision, ni même d'intelligibilité. Créé en 1918 mais à bien des égards vecteur typique de conceptions artistiques fin de siècle, l'opéra a regagné depuis un quart de siècle une place croissante, sans doute parce que l'impasse esthétique de Schreker a pu être prise comme fer de lance d'une critique de la modernité musicale incarnée par la descendance de l'École de Vienne.
Quelques places restent vides après l'entracte, et le public d'habitude si enthousiaste de Munich se dirige vers la sortie après un délai inhabituellement court : la vente des billets n'avait pas été très dynamique, et le résultat justifie une telle prudence. Il faut reconnaître que Krzysztof Warlikowski n'est pas parvenu à construire un spectacle véritablement fécond à partir des pesantes considérations de Schreker sur l'art, la différence, la beauté et l'âme humaine. Les allusions au cinéma (Le Golem, Nosferatu et les autres), à la littérature (Joséphine, la Cantatrice, ou le Peuple des souris de Kafka) et surtout à l'art contemporain ont beau être pertinentes et bien réalisées, il ne peut rivaliser avec le ton d'emphase exaltée que Schreker, sans souci de nuance ni de variété, étend uniformément sur l'ensemble de l'œuvre. Il en reste de belles images, une direction d'acteurs soigneuse et forte, et le sentiment qu'on ne pouvait sans doute pas faire beaucoup mieux.
Il faut donc se consoler avec une distribution de grande qualité, plutôt qu'avec un orchestre et une direction d'Ingo Metzmacher qui n'atténuent pas la monotonie de la soirée et ne font que trop sentir l'épaisseur du trait orchestral de Schreker. Catherine Naglestad, annoncée souffrante, s'en tire néanmoins avec les honneurs, mais ce sont les hommes qui mènent la danse : John Daszak, torturé et lumineux, fait un retour bienvenu à Munich ; Christopher Maltman est en glorieuse voix, et il sait la noircir pour caractériser son personnage ; surtout, Tomasz Konieczny a un mordant, une ironie qui vont à merveille dans le rôle du duc Adorno. Ces trois chanteurs aident à passer le temps, et le travail de troupe autour d'eux est également un bel atout.
C'est cependant John Daszak qui a le meilleur moment de la soirée : après l'entracte, Warlikowski lui fait dire un texte assez amusant où Schreker rassemble tout ce que les critiques de son temps ont pu dire de bien ou de mal sur lui. La musique se tait, et ce moment de pur théâtre en dit infiniment plus sur la condition de l'artiste que trois heures de Stigmatisés.
Crédit photographique : © Wilfried Hösl
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Munich. Nationaltheater. 11-VII-2017. Franz Schreker (1878-1934) : Die Gezeichneten (Les Stigmatisés), opéra en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski ; décors et costumes : Malgorzata Szczęśniak ; vidéos : Denis Guéguin. Avec : Tomasz Konieczny (le duc Adorno/Capitaine de justice) ; Christopher Maltman (comte Tamare) ; Alastair Miles (Lodovico Nardi) ; Catherine Naglestad (Carlotta Nardi) ; John Daszak (Alviano Salvago) ; Heike Grötzinger (Martuccia)… Chœur de l’Opéra national de Bavière (préparé par Sören Eckhoff) ; Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière, ; direction : Ingo Metzmacher.
Et de nouveau une critique attendue destinée à un public en manque de confirmation de son conformisme… Quand cela donc finira-t-il?
Cher lecteur, chère lectrice, si j’avais voulu donner dans le conformisme bon genre, j’aurais au contraire, comme tant d’autres, crié au chef-d’œuvre scandaleusement méconnu, ce qui est la tonalité générale de la critique pour toutes les productions de cette œuvre.