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Concerts de chambre au Festival Chostakovitch de Gohrisch

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Gohrisch. Konzertscheune. 23 & 24-VI-2017. Sofia Gubaïdulina (née en 1931 ) : In Erwartung, pour quatuor de saxophones et sept percussions. Verwandlung, pour trombone, quatuor de saxophones, contrebasse, violoncelle et tam-tam. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Sonate pour piano n°1, op.12. Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes en do mineur (n°1), op. 35. Viktoria Postnikova, piano ; Helmut Fuchs, trompette ; Frederic Belli, trombonne ; Raschèr Saxophone Quartet. Slagwerk Den Haag. 24 Préludes et Fugues, op. 27 Parties I & II. Alexander Melnikov, piano.

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4852_Rascher+Percussion+GubaidulinaInitié en 2010, le seul festival au monde dédié à ouvrait sa 8e édition ce week-end à Gohrisch. Pour la première fois, son créateur , venu à Paris l'an passé nous en parler, a réussi à combiner cet évènement de quelques jours avec un concert de la Staatskapelle Dresden, dont il est le programmateur. Guennadi Rojdestvensky dirigeait donc deux symphonies du maître russe le jeudi à la Semperoper, quand sa femme participait le vendredi au concert d'ouverture à Gohrisch, concert dans lequel le Concerto pour piano et trompette de Chostakovitch était mêlé à deux pièces de Sofia Gubaïdulina. Le samedi, démontrait une nouvelle fois son exceptionnelle maîtrise des 24 Préludes et Fugues, joués en deux parties au cours de la même journée.

Gohrisch, c'est un petit village à trente kilomètre de Dresde, à cinq kilomètres de la ville thermale de Bad Schandau, inconnue en France mais célèbre en Saxe et dans la région pour son atmosphère calme et ses paysages superbes marqués de rochers improbables, d'où une gorge non loin de là a inspiré Carl Maria von Weber pour Der Freischütz. En 1960, convié à Dresde pour écrire la musique du film Cinq jours et cinq nuits vient s'échapper trois jours dans le village pour oublier le spectacle de dévastation dont fait encore état la capitale saxonne. Il compose alors du 12 au 14 juillet l'un de ses chefs-d'œuvre absolus, le Quatuor n° 8, dans une pièce encore visible aujourd'hui. Cette idée simple, a su la développer pour imaginer un festival dédié au compositeur russe !

Concert d'ouverture : Chostakovitch et Gubaïdulina

Cette saison, il a bénéficié de la possibilité d'y ajouter un concert à Dresde, en plus d'un concours de circonstances qui a conduit à ce que La Passagère, opéra de l'élève et ami intime de Chostakovitch, Mieczysław Weinberg, soit joué au même moment, tandis qu'à Gohrisch était présente la Kapell-Compositrice actuelle de Dresde, , pour assister à l'exécution de plusieurs de ces œuvres.

Le concert d'ouverture débute justement par l'une de ses pièces, In Erwartung, pour quatuor de saxophones et sept percussions. La pièce débute par des accords clairs aux percussions, puis par des réponses en notes piquées des saxophonistes, placés à gauche et à droite du parterre avant de revenir sur scène. Les musiciens du Raschèr Saxophone Quartet utilisent pour l'occasion toute une palette de saxophones, du sopranino au baryton, avec une rigueur impeccable pour s'accorder aux régulières cassures de la partition et aux percussions diverses des musiciens du .

La seconde partie revient à Chostakovitch avec une inédite et très intéressante version du Concerto pour piano et trompette arrangée par les artistes eux-mêmes en concerto pour piano, trompette et quintette à cordes. Cette version permet de profiter avec plus de netteté des parties individualisées de cordes, superbes de tenue grâce aux membres de la Sächsische Staatskapelle Dresden, en plus de la trompette épatante d'Helmut Fuchs, lui aussi intégré à la formation saxonne. Au milieu, se glisse avec une aise impressionnante pour développer les arpèges d'une partition qu'elle connaît sur le bout des doigts.

5030_Rascher+Bell+StreicherLa dernière œuvre de la soirée revient à Sofia Gubaïdulina. Verwandlung est composée pour trombone, quatuor de saxophone, violoncelle, contrebasse et tam-tam. Si la trompette avait largement convaincu dans la pièce précédente, ce n'est rien par rapport à la prestation du tromboniste Frederic Belli. La pièce démarre sur un développement de thèmes courts par le quatuor de saxophones avant de conduire à une certaine cacophonie, interrompue au fur et à mesure par le trombone, débarquant du fond de scène en cape et costume moulant, avant de prendre le dessus grâce à une partition qu'il maîtrise par cœur, sans pouvoir se référer à l'écrit puisqu'il bouge en permanence dans la salle. Il développe ensuite un long soli interrompu par ses propres hurlements, avant que les autres instrumentistes ne recommencent à oser jouer, et laissent intervenir en fin de pièce les cordes et le tam-tam, ce dernier également affublé d'une cape pour traverser la scène et sonner le gong final.

Concerts Melnikov : 24 Préludes et Fugues de Chostakovitch

5299_Melnikov aurait pu intervenir aussi le lendemain pour jouer les Préludes de Chostakovitch, mais elle a laissé la place à l'un des plus grands interprètes actuels de ces pièces, dont tout passionné connaît l'enregistrement pour Harmonia Mundi réalisé entre mai 2008 et mars 2009, celui du pianiste . Au premier concert, le samedi midi, l'artiste arrive dans la grange du festival surchauffée en montrant des signes extérieurs de fatigue. Il initie un premier Prélude froid et distant, interrompu après quelques secondes seulement par une sonnerie de téléphone. Étonnamment, le pianiste va lui aussi s'interrompre, jouer au piano la sonnerie, puis dire au public « Noch einmal » (Encore une fois). Il réintroduit le premier Prélude, mais à notre plus grande surprise l'interruption l'a concentré, et le son s'ouvre alors immédiatement pour trouver tout de suite plus de sensibilité. Les arpèges du deuxième prélude se déploient alors avec douceur et retenue dans une gestion du toucher toujours si spécifique à l'école russe. Les fugues rappellent évidemment Bach, comme le jouait Richter. Au Prélude n°4, l'Andante finit de convaincre le public concentré d'une salle d'environ cinq cents chaises presque toutes occupées.

La seconde partie jouée en après-midi présente d'abord les Préludes et Fugue 13 à 16 puis après une pause les derniers jusqu'au 24e. Là encore ces pièces trouvent un interprète idéal, plus aussi agile dans les passages de forte dextérité qu'une décennie plus tôt, mais dont les mains pèsent à chaque instant sans jamais non plus alourdir la partition. Pour cette occasion, Guennadi Rojdestvensky et sa femme sont eux-mêmes venus, ainsi que la compositrice de la veille. Bien que jeune, ce festival a déjà une ambiance et une histoire…

Crédits photographiques : © Matthias Creutzinger 

 

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