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Reims. Opéra de Reims. 28-IV-2017. Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817) : Le Jeune Sage et le Vieux fou, comédie en un acte et en prose sur un livret de François-Benoît Hoffman. Mise en scène et scénographie : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola. Costumes : Valia Sanz. Lumières : Pierre Daubigny. Avec : Denis Mignien, Merval ; Hadhoum Tunc, Cliton ; Antonine Bacquet, Elise ; Anne-Marie Beaudette, Rose ; Patricia Bonnefoy, Frontin, un valet. Ensemble Les Monts du Reuil avec les instruments à vent de l’Orchestre de l’Opéra de Reims, direction musicale : Pauline Warnier et Hélène Clerc-Murgier.
La région Grand Est répond naturellement présente à l'appel pour faire découvrir la musique d'un enfant du pays. La commémoration du bicentenaire de la mort d'Étienne-Nicolas Méhul, le plus grand compositeur d'opéra durant la Révolution française mais aujourd'hui oublié, n'a pas suscité une effervescence particulière dans les grandes maisons. Le seul fait que l'Opéra de Reims se soit lancé dans l'aventure avec Le jeune sage et le vieux fou place cette nouvelle production de la troupe Les Monts du Reuil comme un événement.
Que Reims mette à l'honneur le brillant musicien ardennais qu'était Étienne-Nicolas Méhul auquel ResMusica consacre cette année un dossier à l'occasion du bicentenaire de sa mort, quoi de plus logique ! En confrontant Uthal, enregistré cette année par le Palazetto Bru Zane, Stratonice, qui a revu le jour grâce à la troupe talentueuse Les Emportés, et maintenant Le jeune sage et le vieux fou proposé par Les Monts du Reuil, la richesse du terrain d'exploration et d'expérimentation qu'offrait le genre de l'opéra-comique à l'époque est flagrant.
Ici, François-Benoît Hoffman nous entraîne dans de la pure comédie où les ariettes simples à retenir, se mêlent à une succession de quiproquos plus loufoques les uns que les autres. Mais il faut bien avouer que l'intrigue reste toutefois bien trop simpliste pour tenir en haleine le spectateur d'aujourd'hui, constat que le metteur en scène Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola semble combler en faisant participer de manière très active les musiciens en première partie de soirée autour d'une table de festin ou sur une terrasse de café (Patricia Bonnefoy au violon tient même le rôle de Frontin), pour ensuite faire déplacer constamment par les protagonistes des panneaux de bois sur des supports peu stables, faits de bric et de broc dont les miroirs éblouissent certaines personnes de l'assistance, et cela sans que l'on ne comprenne vraiment ce que leur disposition évoque, excluant même parfois le spectateur en installant régulièrement un mur entre le plateau et la salle, alors que les musiciens sont sagement disposés tel un opéra en version de concert. Comme nous l'expliquaient dans un récent entretien les deux directrices musicales de la compagnie, Pauline Warnier et Hélène Clerc-Murgier, chaque production est réfléchie pour pouvoir s'exporter dans des endroits inédits. Mais il reste étonnant qu'une fois que la troupe se retrouve dans un vrai théâtre, les moyens offerts par la salle soient sous-exploités. Ainsi, à plusieurs reprises, les interprètes se retrouvent dans la pénombre faute de poursuite.
Avec Stratonice qui avait été donné sous la forme piano/voix par Les Emportés, on regrettait de ne pas retrouver la force orchestrale qui avait fait les beaux jours du compositeur. Ce soir, la légèreté des mélodies du Jeune sage et le vieux fou et la simplicité d'écriture de cette musique n'engendrent pas la même frustration (et autorisent d'ailleurs les nombreux déplacements des musiciens), mais on regrette une instrumentation réduite : les couleurs sonores de l'ouverture pour présenter les deux héros, en raison d'une formation de seulement dix musiciens, ne paraissent être que des esquisses de la partition qui implique initialement deux flûtes seules dans le grave associées au jeune sage, alors que la personnalité du vieux fou est normalement exposée par le rythme affirmé d'un nombre bien plus important de violoncelles, trombones et contrebasses.
Cet opéra-comique dispose d'agréables ariettes, pas toujours bien servies par la distribution. Tout est bon, tout est confondu dévoile les limites des aigus de la soprano Hadhoum Tunc, détentrice du rôle de Cliton le jeune sage, alors que la partition ne présente aucune difficulté particulière. Avec un chant qui manque cruellement de fluidité et à travers une diction souvent molle, les aigus de cette première ariette sont bien étriqués alors que La sagesse aura raison perd de sa consistance dramatique. Dans la peau du vieux fou, Denis Mignien détient un réel impact comique même si la folie tant attendue ne compose jamais réellement son jeu. Sa prestation dans ses deux ariettes, Vive l'allégresse et Le papillon léger, révèle un chant propre, sans fioritures mais somme toute assez ordinaire.
La folie vient de la pétillante Antonine Bacquet, tante entremetteuse pour marier sa nièce Rose. Le chant est fluide, corrosif et l'investissement scénique total. Anne-Marie Beaudette est l'élément le plus solide de la distribution vocale. Sa niaiserie volontaire dans les premières interventions de Rose (la volonté de faire rire absolument implique ici une direction d'acteurs parfois un peu grossière), ne fait pas d'ombre à son timbre riche, une technique vocale solide, une projection claire et une interprétation musicale pleine de finesse.
Crédits photographiques : Le Jeune sage et le Vieux fou par Les Monts du Reuil © Florent Mayolet
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Reims. Opéra de Reims. 28-IV-2017. Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817) : Le Jeune Sage et le Vieux fou, comédie en un acte et en prose sur un livret de François-Benoît Hoffman. Mise en scène et scénographie : Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola. Costumes : Valia Sanz. Lumières : Pierre Daubigny. Avec : Denis Mignien, Merval ; Hadhoum Tunc, Cliton ; Antonine Bacquet, Elise ; Anne-Marie Beaudette, Rose ; Patricia Bonnefoy, Frontin, un valet. Ensemble Les Monts du Reuil avec les instruments à vent de l’Orchestre de l’Opéra de Reims, direction musicale : Pauline Warnier et Hélène Clerc-Murgier.