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Un oppressant Trouvère à Monaco

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Monte-Carlo. Opéra Garnier. 24-IV-2017. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Il Trovatore, drame en quatre parties, sur un livret de Salvatore Cammarano et Leone Emanuele Bardare. Mise en scène : Francisco Negrin. Décor et costumes: Louis Désiré. Lumières : Bruno Poet. Avec : Nicola Alaimo, Le Comte de Luna ; Maria Agresta, Leonora ; Marina Prudenskaya, Azucena ; Francisco Meli, Manrico ; José Antonio Garcia, Ferrando ; Karine Ohanyan, Inès ; Christophe Berry, Ruiz ; Giani Cossu, Un messager. Choeur de l’Opéra de Monte-Carlo (chef de choeur : Stefano Visconti) et Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, direction : Daniel Harding.

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    Un magnifique quatuor vocal dominé par le Manrico de se déchire dans une vision scénique résolument placée sous le signe du fatum.

    97-IL TROVATORE ©2017-ALAIN HANEL-OMC (35)

    A l'instar d'un Stephano Poda, aime à installer ses spectacles dans le cadre d'un décor unique qui affiche d'emblée la couleur. Le cul de basse-fosse pour Macbeth en 2012 laisse la place, cette fois, au cadre à fort pouvoir esthétique d'une forteresse de béton ouverte sur un voile de brumes chéraldiennes. Un plateau au biais pentu, griffé d'une travée d'où surgiront de wilsoniennes bandes de lumière. De très beaux effets de lumière. De vraies flammes. Pas de doute : on est bien à l'opéra.
    Et ça démarre très fort avec un prologue muet qui exauce le vœu originel de Verdi en mettant d'emblée en avant le personnage dont le compositeur rêvait de faire l'héroïne de son nouvel opéra : Azucena. Dans le livret qu'il avait commandé à Salvatore Cammarano, il n'y avait qu'une prima donna et l'on ne trouvait pas trace de ce qui allait devenir deux des morceaux de choix de l'œuvre : Tacea la notte et D'amor sull'ali rosee, rajoutés par Leone Emanuele Bardare après que la camarde eut empêché Cammarano d'achever le grand œuvre. On sent bien, dans les échanges épistolaires entre Verdi et son premier librettiste combien le livret du Trouvère fut très certainement la noix dure à craquer qu'eurent à se refiler les deux hommes. Réputé compliqué, il n'est finalement ni plus ni moins que l'équivalent, très prisé au cinéma, des films à twist dont un M. Night Shyamalan a fait sa spécialité.

    Negrin met donc au premier plan le drame, entre amour filial et amour maternel, d'Azucena. La mère de la gitane, qui fut brûlée pour sorcellerie (coutume jadis des plus tendance), apparaîtra souvent, juchée en fond de scène sur une ligne rougeoyante surgie des profondeurs. Il en sera de même pour l'enfant brûlé, cantonné à la travée avant. La présence d'une faux passée de mains en mains parachève le concept d'une histoire catastrophique racontée à un groupe d'enfants, à qui on apprendra le maniement des armes, écho de l'arrière-plan historique de guerre civile du thriller horrifique qu'est Le Trouvère, œuvre noirissime du premier roulement de timbale au couperet du Quale orror final. Le spectaculaire décor de Louis Désiré, judicieusement délesté de toute anecdote (un parallélépipède servant de bûcher, de table, de cachot) n'aura donc pas menti. Noir c'est noir. Dans cet espace idéal, seulement animé par de fascinantes translations lumineuses (quoiqu'au sens parfois surprenant : si la signification d'une croix ainsi formée au couvent est justifiée, l'apparition d'une croix de Lorraine le semble moins), il apparaît peu à peu qu'à l'instar de son collègue Poda, Negrin s'en remet à une direction d'acteurs sans véritable surprise. Alors que l'on se prenait à imaginer que ce décor écrasant allait s'animer d'une ultime translation  jusqu'à écraser effectivement les personnages sous le poids de karmas trop lourds, le metteur en scène espagnol se contente de raconter l'histoire, ce qui n'est déjà pas mince.

    97-IL TROVATORE ©2017-ALAIN HANEL-OMC (9)

     

    Il est en cela plus que secondé par l'atout une puissante équipe musicale. La Leonora de fait une apparition enchanteresse dans la première partie. Sa voix ample et charnue au service du cantabile comme de la cabalette, est un délice pour l'oreille. La prestation sera jusqu'au bout d'un haut niveau, même si la tragédienne sera un peu en reste (la faute à deux costumes, orange puis rouge, peu seyants, le noir lui allant de toute évidence mieux ?) Le Luna de est grandiose. L'Azucena de , téléguidée par une gestique expressionniste, maquillée comme un camion, transcende pourtant les caricatures. Sa voix jeune, sans aucun des effets de poitrine de plus d'une de ses devancières, est la révélation de la soirée. Ce très beau trio se voit coiffé par la flamboyante prestation de . Le ténor italien a tout pour lui : la voix, d'une grande beauté, capable du contre-ut non écrit mais aussi de toutes les subtilités, n'est jamais démonstrative et rend le personnage très attachant. Si le Ferrando de José Antonio Garcia n'évolue pas sur les mêmes cimes, l'Inès de et le Ruiz du sous-distribué sont irréprochables. La partie inférieure du décor est percée de niches à choristes. Ces derniers, utilisés moins comme êtres humains que comme menaçantes métaphores du drame rampant, sont puissants et sûrs d'eux, même si très légèrement en décalage avec un peut-être plus concerné par les parties les plus sombres (magnifiques accents sépulcraux dans les échanges Manrico/Azucena du premier tableau de la deuxième partie et dans le glas traviatesque du Miserere) que par les moments purement belcantistes.

    Beau spectacle qui permet de toutes façons d'affirmer sans réserves : à Monaco, on les tient, les fameux quatre chanteurs de Toscanini (en fait de Caruso, nous apprend l'excellente plaquette-maison) !

    Crédits photographiques: © Alain Hanel

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