Argerich et Kovacevich, un duo d’exception à la Philharmonie
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Paris. Philharmonie 1, Grande salle Pierre Boulez. 22-IV-2017. Claude Debussy (1862-1918) : Prélude à l’après-midi d’un faune – transcription pour deux pianos. Lindaraja pour deux pianos. En Blanc et Noir. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Danses symphoniques. Stephen Kovacevich, Martha Argerich : piano.
Le duo de légende Argerich-Kovacevich se produisait à la Philharmonie de Paris. C'était l'occasion de redécouvrir le répertoire pour deux pianos sous les doigts de deux artistes immenses, connus pour leur fascinante personnalité musicale.
La première partie du concert est consacrée à Debussy. Le Prélude à l'après midi d'un Faune, poème symphonique d'après l'œuvre de Mallarmé, nous plonge dans un écrin idyllique tel un tableau musical impressionniste qui déroule un tapis sonore aux teintes pastel. Le toucher des deux compères est évocateur à souhait et crée un climat de sérénité propice à la rêverie. Une harpe cachée dans le piano de Martha Argerich nous envoûte par son chant poétique. Ses basses sont soyeuses tandis que Stephen Kovacevich cisèle un dégradé d'harmonies dont l'éclat des couleurs est à l'unisson avec le caractère de la pièce.
Dans l'œuvre suivante, le thème initial de Lindaraja nous fait véritablement voyager. L'approche rythmique de cette danse appelée habanera ne cherche pas à prendre le pas sur le fond. La modernité de langage, parfois abstraite, reste accessible grâce à cette faculté de varier les ambiances et de les faire vibrer.
Les deux pianistes illustrent à nouveau leur indéfectible complémentarité de jeu et d'écoute mutuelle dans Blanc et Noir. Parfois jugée abstraite et austère, la version entendue capte nos sens, portée par un phrasé inspiré comme on en entend rarement. On assiste à une captivante partie de cache-cache dans Avec Emportement (quel swing !). Argerich n'a pas son pareil pour relancer le propos avec spontanéité. Elle trouve le ton juste dans un tourbillonnant Scherzando, volet virtuose aux accents tourmentés.
Après l'entracte, les Danses symphoniques de Rachmaninov dévoilent une autre facette du piano. Comme Stravinsky, le compositeur russe a envisagé l'instrument au maximum de ses possibilités. On serait tenté de mettre l'accent sur l'aspect percussif dans la première danse et c'est pourtant la chaleur des cordes, permettant de libérer ce son plein, ces cascades cristallines, qui est remarquable. Le spectateur devient acteur dans la découverte de ces atmosphères immaculées, des plages parfois éthérées dont la beauté se révèle terriblement touchante. Dans l'Andante con moto, les deux pianistes se fondent avec bonheur dans le caractère fantasque de ce mouvement dont la fantaisie n'en est que plus nostalgique. Les accents de danse, au tempo de la valse, deviennent troublants. Si la mélodie initiale est rendue avec sensibilité, ce rythme virevoltant semble presque insaisissable. Inspiré de la psalmodie russe orthodoxe, le final apporte, quant à lui, lumière et contrastes à travers une lecture revisitée.
Généreux jusqu'au bout de la soirée, le duo offre trois bis. Tout d'abord la Danse de la fée dragée, extraite du Casse-Noisette de Tchaikovski. Sous les doigts de Martha Argerich, la féerie opère et on a l'impression d'entendre un célesta ! Puis, une reprise de Lindaraja, pour enfin terminer sur une note intime, le Liebeslieder Walzer de Brahms qui réunit les deux pianistes dans un quatre mains irrésistible.
Crédits photographiques : © Caroline Doutre
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Paris. Philharmonie 1, Grande salle Pierre Boulez. 22-IV-2017. Claude Debussy (1862-1918) : Prélude à l’après-midi d’un faune – transcription pour deux pianos. Lindaraja pour deux pianos. En Blanc et Noir. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Danses symphoniques. Stephen Kovacevich, Martha Argerich : piano.