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Piotr Anderszewski discutable dans Mozart et Schumann

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Fantaisies. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en ut mineur K.475 ; Sonate en ut mineur K.457. Robert Schumann (1810-1856) : Fantaisie en ut majeur op.17, Geistervariationen en mi bémol majeur WoO.24. Piotr Anderszewski, piano. 1 CD et 1 DVD (consacré au film de l’interprète : « Je m’appelle Varsovie ») Warner Classics. Enregistré en juillet 2006 (Mozart), avril-mai 2013 (Schumann, Fantaisie), mai 2015 et octobre 2016 (Schumann, Variations) au Philharmonique de Varsovie. Notice trilingue (français, anglais et allemand). Durée : 79’14 (CD) et 36′ (DVD).

 

anderszewki nous propose un programme unifiant Mozart et Schumann sous le vocable de la fantaisie : un disque solidement pensé, mais sans doute discutable dans la réalisation et les partis-pris de l'artiste. On pourra adorer ou détester, mais il sera difficile de rester indifférent.

Le terme de fantaisie a de multiples sens en français, et une connotation souvent joyeuse. Les deux fantaisies pianistiques reprises sur ce disque relèvent pourtant de la réflexion et de la gravité. Musicalement, une fantaisie est une pièce ne répondant à aucun schéma préétabli. Chez Mozart, elle sert de vaste prélude très architecturé à l'une de ses sonates les plus lapidaires : deux œuvres intimement liées, publiées ensemble et dédiées à Teresa von Trattner, élève et amie proche du compositeur, avant une probable rupture qu'on imagine douloureuse, mais in fine musicalement féconde.
Pour sa Fantasie op.17, Robert Schumann joue sur le terme : fantasieren, en allemand, peut se traduire en français à la fois par « rêver », « fantasmer », mais aussi « raconter ». C'est en fait une vaste sonate cryptée en trois mouvements, à la fois monument à la mémoire de Beethoven et immense chant d'amour vers l'idéal féminin alors interdit : Clara Wieck. Les deux motifs d'inspiration se rejoignent en la brève citation d'une mélodie du cycle An die ferne Geliebte du maître de Bonn, qui irradie le premier mouvement et innerve l'ensemble de l'œuvre.

Ce programme en miroir, idéalement conçu, a été enregistré par bribes entre 2006 (Mozart) et 2016 (Schumann).  surprend dès les premières notes de l'augurale fantaisie K.475 de Mozart : le ton se veut sévère, sans concession. Les nuances sont d'emblée exacerbées, entre fortissimi tonitruants et pianissimi quasi inaudibles. Si, bien entendu, le discours mozartien se veut théâtral, l'interprète doit-il à ce point surligner les effets, jouer la carte d'une surexposition lassante à la longue (avec par exemple ces basses d'airain assénées par une main gauche envahissante), et ailleurs, jouer la carte d'un pathos quelque peu malsain ? Dans la Sonate K.457, des imprécations courroucées alternent avec des minauderies chichiteuses, notamment dans l'Adagio central, aux nuances travaillées à l'extrême, mais enlisé dans une certaine mièvrerie. Le texte est inutilement sollicité : l'interprète un brin poseur fait passer, à notre sens, son ego avant l'œuvre, et se sert en quelque sorte de la musique plutôt que de la servir. Certains avaient récemment trouvé la version de Fazil Say (Warner également) trop personnelle : que penseront-ils du style mozartien pour le moins atypique de  ? Et où est cette « immédiateté non obstruée dans laquelle la pureté de l'intention reste intacte », tant vantée par l'artiste dans sa préface quelque peu prétentieuse ?

Si la Fantaisie de Schumann, captée plus récemment, convainc un peu plus, c'est que l'œuvre, ouvertement romantique, se prête mieux au jeu et aux convictions de l'interprète : certaines gradations dynamiques sont magistralement pensées dans le sens de la grande forme, tels les énoncés de plus en plus péremptoires du thème liminaire du Mässig durchaus energisch central. Néanmoins, lorsque l'on suit ailleurs la partition, on est surpris, dans le premier mouvement, de la manière dont certaines nuances et certains rapports de tempi, explicitement demandés par l'auteur, ne sont pas ici respectés. Au-delà des notes, il manque ce ton de légende et de féerie fantastique ; la musique ne respire guère, et le discours se relâche, entre insistance dans les passages les plus emportés et tiédeur dans les moments d'accalmie. De même, le Langsam getragen final ne décolle que rarement, et les effets de crescendo sont assez téléphonés. Revenons pour cette œuvre essentielle à Sviatoslav Richter (en studio chez Warner Icon), Maurizio Pollini (DGG), Catherine Collard (Erato, à rééditer) ou Leif Ove Andsnes (Warner), qui tous, par des voies diverses, nous donnent des témoignages plus essentiels et subtils.

Pour conclure dans la sérénité, Piotr Anderszewski propose les Geistervariationen (« Variations des Esprits »), sur un thème original que Schumann, au bord du gouffre de la folie, s'était vu dicter en rêve par les mânes de Mendelssohn et Schubert (alors qu'il l'avait en fait imaginé pour le mouvement lent de son propre concerto pour violon) : ici le pianiste polonais, enregistré plus récemment (2015-2016) fait mouche, même si nous n'oublions pas, dans cette ultime œuvre avant le néant, les disques d'Éric Le Sage (Alpha) ou Olivier Chauzu (Naxos), tous deux autrement plus émouvants.

Le DVD joint « Je m'appelle Varsovie » est sans grand rapport avec le présent disque : le simple regard amoureux et hivernal d'un artiste sur sa ville natale, en contrepoint de pages de Chopin et Szymanowski. Une petite friandise après un plat de résistance un peu lourd.

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Fantaisies. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Fantaisie en ut mineur K.475 ; Sonate en ut mineur K.457. Robert Schumann (1810-1856) : Fantaisie en ut majeur op.17, Geistervariationen en mi bémol majeur WoO.24. Piotr Anderszewski, piano. 1 CD et 1 DVD (consacré au film de l’interprète : « Je m’appelle Varsovie ») Warner Classics. Enregistré en juillet 2006 (Mozart), avril-mai 2013 (Schumann, Fantaisie), mai 2015 et octobre 2016 (Schumann, Variations) au Philharmonique de Varsovie. Notice trilingue (français, anglais et allemand). Durée : 79’14 (CD) et 36′ (DVD).

 
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