Lettere amorose, 1999-2017 de Raimund Hoghe, un rituel émouvant et intimiste
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Paris. Ménagerie de verre. 7-IV-2017. Lettere amorose, 1999-2017. Conception, chorégraphie et scénographie : Raimund Hoghe. Collaboration artistique : Luca Giacomo Schulte. Lumière : Raimund Hoghe et Amaury Seval. Musiques interprétées par Elly Ameling, Cathy Berberian, Jacques Brel, Melina Mercouri, Chavela Vargas, Sophia Loren, Victoria de los Angeles, Peggy Lee et Jean-Louis Trintignant.
Dans le cadre de la 20e édition du festival transdisciplinaire Étrange Cargo à la Ménagerie de verre, le scénographe et chorégraphe allemand Raimund Hoghe, ancien dramaturge de Pina Bausch, présente sa création Lettere amorose, 1999-2017.
En partant de la pièce Lettere amorose créée en 1999 autour de la lettre de deux jeunes Africains retrouvés morts sur un avion à destination de l'Europe, Raimund Hoghe souhaite montrer l'actualité de ces mots en 2017. Il donne ainsi la parole aux exilés par la lecture émouvante de cinq lettres accompagnées d'un rituel intimiste et minimaliste en solo.
La pièce présente une structure segmentée qui encadre la lecture de cinq lettres d'exilés et d'étrangers. À chaque tableau correspond une chanson au cours de laquelle Raimund Hoghe exécute avec calme des gestes symboliques et ritualisés par leur caractère minimaliste et répétitif. En effet, à chaque nouvelle chanson correspond une nouvelle gestuelle répétée cinq fois aux quatre coins de l'espace scénique et en son centre, face au public, comme le ferait un maître de cérémonie nous invitant à communier avec lui. Les gestes se réduisent parfois à un presque rien qui confine le chorégraphe à l'immobilité, assis sur ses talons, genoux au sol, comme plongé dans une méditation silencieuse, les yeux clos et en position de recueillement. C'est également la position qu'il adopte durant la lecture des lettres. Raimund Hoghe rend hommage à ces voix et à ces histoires en nous invitant à les écouter attentivement. Il y a d'autres voix qu'il nous invite à écouter avec la même acuité, celles des interprètes des chansons en étroite correspondance avec le contenu des lettres. Ainsi, après avoir lu les mots touchants et intimes d'un père installé en Europe qui décrivent la vie difficile et la météo ingrate de ce nouveau pays à son fils resté en Afrique, les paroles de « Mon père disait » de Jacques Brel sur le vent du Nord créent une pertinente illustration musicale chargée d'affects. Le ton donné par l'univers musical est poignant et mélancolique, des arias tristes de Monteverdi, à Piensa en mi de Chavela Vargas.
Malgré les changements de chansons sans transition, le rythme de la pièce est harmonieux et linéaire, et les déplacements, les gestes et les musiques sont d'une impassible lenteur. Que le geste soit symbolique, comme quand Raimund Hoghe dessine une maison avec des batônnets avant de la déconstruire et de tout ramasser, ou rituel, presque liturgique, comme cette onction avec des fleurs trempées dans l'eau sur un drap blanc, chaque mouvement est tout en retenue, lent et mesuré.
L'émotion passe donc par le rythme, les mots, les musiques et les gestes qui créent un univers intimiste. Elle passe également par le petit corps bossu et frêle du chorégraphe au visage fermé, souvent dans un équilibre incertain, quand il marche tel un funambule vers le public ou recouvert d'une mantille noire avec des chaussures instables.
Il ne s'agit donc pas tout à fait d'un solo, en ce qu'il convoque de multiples voix lues, enregistrées et chantées, auxquelles il rend un émouvant hommage dans une mise en scène en toute humilité. C'est d'ailleurs le sens de son salut final, quand il invite les applaudissements à s'adresser aux auteurs de chacune des lettres en se déplaçant tour à tour vers chacune d'elles, plutôt qu'à lui-même. Il renverse en quelque sorte le rituel des remerciements, en un ultime geste touchant.
Crédit photographique : © Luca Giacomo Sculte
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Paris. Ménagerie de verre. 7-IV-2017. Lettere amorose, 1999-2017. Conception, chorégraphie et scénographie : Raimund Hoghe. Collaboration artistique : Luca Giacomo Schulte. Lumière : Raimund Hoghe et Amaury Seval. Musiques interprétées par Elly Ameling, Cathy Berberian, Jacques Brel, Melina Mercouri, Chavela Vargas, Sophia Loren, Victoria de los Angeles, Peggy Lee et Jean-Louis Trintignant.