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Malgré le grand nombre d'enregistrements, Carmen ne fait pas partie des opéras dont on puisse dire qu'il existe une version de référence. Œuvre ambiguë, elle reste difficile à appréhender.
Faute de distribution parfaite, avec une diction perfectible ici, un style inadéquat là, l'auditeur devra d'abord choisir s'il préfère une Carmen soprano ou mezzo, provocante ou plus élégante et cela sans oublier que Don José doit bouleverser et que tous les rôles y sont très importants pour assurer un bon équilibre. En marge des représentations de l'Opéra de Paris, ResMusica vous propose l'audition de deux versions.
Un Don José de grand style pour une Carmen de salon dans une version récente
L'enregistrement de Carmen avec Angela Gheorghiu et Roberto Alagna a été un événement au moment de sa parution en 2003, et ce d'autant plus qu'ils sont accompagnés par le sublime Orchestre du Capitole de Toulouse, magnifiquement dirigé par Michel Plasson, l'un des derniers gardiens du son français.
Cette version vaut avant tout pour l'interprétation de Roberto Alagna qui reste sans doute le plus émouvant Don José de la discographie. Timbre solaire et juvénile, simplicité et élégance du phrasé, diction et émission parfaite, tout participe ici à l'émotion, au style et au respect (rare) du texte.
Angela Gheorghiu, soprano à la tessiture assez large pour assurer l'essentiel du rôle d'ordinaire dévolu aux mezzos, n'est pas si mal que cela en Carmen. Certes, on a du mal à entendre une cigarière, tout dans ce timbre lyrique et capiteux dégageant une forme de « glamour » parfois un peu minaudant, mais on a le droit de préférer une Carmen plus élégante qu'à l'accoutumée et à défaut d'une diction parfaite, c'est plutôt très bien chanté.
Si la Micaëla d'Inva Mula est de bonne tenue et émouvante, le bât blesse avec l'Escamillo exotique de Thomas Hampson. En revanche, l'homogénéité du reste de la distribution qui rassemble la fine fleur du chant français est à saluer tant cela devient rare. Il suffit pour s'en convaincre de citer le Moralès de luxe de Ludovic Tézier, le splendide Zuniga de Nicolas Cavallier et les contrebandiers de Nicolas Rivenq et Yann Beuron, sans oublier Isabelle Cals et Elizabeth Vidal.
La direction très élégante de Michel Plasson manque parfois d'une pointe de vivacité mais les sonorités sont si belles que l'on s'incline !
Une Carmen ultra sensuelle pour un Don José intense dans une version incandescente de 1975
Tatiana Troyanos est l'inverse de Gheorghiu ! C'est d'abord une mezzo et tout ici respire la provocation, la sensualité et la fièvre. Une superbe voix ample, un charisme hors norme. On est face à la cigarière mais point de vulgarité ici car Troyanos évite le piège. Seule sa diction, comme celle de son partenaire, est perfectible. Plácido Domingo mise tout sur la chaleur de son timbre et l'intensité expressive, et ça marche. On est loin du style français d'Alagna mais le ténor dresse un portrait émouvant de Don José qu'il aura marqué de son empreinte.
Kiri Te Kanawa est une Micaëla luxueuse à défaut d'être vraiment incarnée. C'est beau. C'est un peu froid aussi. L'Escamillo de José Van Dam est très élégant même s'il a tendance à surligner à gros traits le machisme de son personnage. Les seconds rôles sont tous formidables (Moralès de Thomas Allen et les contrebandiers de Michel Sénéchal et Michel Roux) et assurent une belle homogénéité de la distribution.
Sir Georg Solti rate le prélude, bien lourd et pâteux ! Mais ça s'arrête là. Pour le reste, à la tête du très beau Philharmonique de Londres, il donne à entendre la version avec le texte parlé (contrairement à celle de Plasson aux récitatifs de Guiraud) et la tension ne redescend jamais. Aucun temps mort et une belle architecture d'ensemble permettent d'entendre l'œuvre dans toutes ses ambiguïtés jusqu'à la tragédie finale.
Une version moins raffinée mais incandescente.
Je n’a pas toutes les versions, bien sûr, mais je peux en désigner deux que, personnellement, je trouve excellentes, malggré quelques petits défauts ( comme vous l’écrivez , il n’existe pas de version idéale de Carmen) : 1) PLASSON- 2) SOLTI.
Par contre, deux enregistrements m’ont bien déçu : 1) BEECHAM- 2) ABBADO.