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Nous sommes le 14 octobre 2016. La salle du théâtre des Champs-Élysées est comble car on attend la Norma de Cecilia Bartoli. Tous les spectateurs sont là depuis cinq bonnes minutes, quand la lumière décline et le spectacle commence. Les premières scènes s'égrainent, et arrive alors le fameux Casta Diva. C'est à ce moment précis qu'un petit crissement de papier se fait entendre. Un monsieur déroule bien confortablement sa petite pastille de menthe, sans gêne, sans malaise. Il a eu tout l'avant-spectacle pour le faire. Il aura également l'entracte, et admettons-le, même pour les plus puristes (intégristes ?) d'entre nous, il a même eu l'ouverture pour le faire. Non, il aura patiemment attendu le pire moment, celui que tout le monde guette, le moment le plus suspendu, où la musique se fait douce, où le drame commence à se nouer. Il aura fallu une dizaine de regards exaspérés se retournant vers lui pour qu'il s'arrête. Avouez-le, des épisodes comme celui-là, vous en avez vécus combien ? Quasiment systématiquement, n'est-ce pas ?
Nous sommes le 30 novembre 2016. L'opéra de Paris entame sa série de représentations de Cavalleria Rusticana. Un de mes voisins, plus courageux que moi, s'est mis à enguirlander vertement une spectatrice qui éteignait son portable alors même que les premières mesures se faisaient entendre, occasionnant une lumière gênante dans une pénombre devant favoriser la concentration. Il n'eut pour seule réponse qu'une grossièreté supplémentaire : « oh là là, ça vient de commencer, qu'est-ce qu'ils sont chiants ». Si on voulait résumer la pensée de cette dame, cela reviendrait à dire : « Écoutez votre musique et arrêtez de nous faire la leçon ». Et pourtant, de leçon il y a besoin, car ce type de comportements va croissant dans nos salles et, sans parler des toux intempestives envoyées sans retenue, les sonneries de portables, les consultations de mails et autres froissements de papiers en pleine représentation deviennent légion, témoignant, de la part d'une partie du public, d'une désinvolture et d'un irrespect qui deviennent préjudiciables à la qualité d'écoute.
Cette tendance est telle, que même des chefs commencent à s'insurger. Le 21 décembre 2016, William Christie dirigeait Le Messie de Haendel à Madrid quand un téléphone portable a soudain perturbé l'exécution du concert. Fou de rage, monsieur Christie a demandé au spectateur de sortir en lui précisant qu'il venait de gâcher l'un des plus beaux passages de la partition. Une semaine auparavant, ce sont les flashs bruyants d'un spectateur qui l'avaient fait réagir. Cette anecdote a trouvé un certain écho dans la presse spécialisée, preuve que ce type de comportements interroge et devient réellement problématique, et pas seulement dans les salles parisiennes.
Et pourtant, rien d'insurmontable, car il ne s'agit que de bon sens ! Vous êtes souffrant et toussez beaucoup : pensez à mettre un mouchoir devant votre bouche, cela contribuerait à étouffer le bruit, en plus de protéger vos voisins des microbes. Vous attendez les photos de vacances de vos amis à l'île Maurice : un peu de patience, vous pourrez consulter vos mails ou votre profil Facebook pendant les entractes ; après tout, c'est fait pour cela. Vos pastilles si délicieusement rafraîchissantes vous narguent dans votre sac à main : laissez-les où elles sont, et pensez qu'elles pourront avantageusement accompagner vos fins d'entractes, après le sandwich concocté à prix d'or par les fournisseurs de l'Opéra. Oui, rien d'insurmontable assurément.
Alors, les salles de concerts laisseront-elles les mélomanes désœuvrés et les artistes faire de la pédagogie « agressive », dans l'espoir que l'on puisse enfin profiter pleinement d'un spectacle sans être perturbé par des toquades intempestives ou des maniaques de la communication instantanée ?
Vous qui dirigez nos salles de spectacles, c'est un spectateur abattu (parmi tant d'autres), « au bord de la crise de nerfs » (d'accord j'en fais peut-être trop), qui vous en conjure : « aidez-nous !!! ». Peut-être le temps est-il venu de réfléchir à une approche différente, plus humoristique et inspirante, pour susciter chez le spectateur récalcitrant une réflexion sur son attitude vis-à-vis des autres.
Vous, frères et sœurs de souffrance, unissez-vous contre ces « incivilités » quotidiennes et continuez de manifester votre désapprobation, car seul le martèlement finira par avoir raison de ces errements qui sont le témoignage d'un ahurissement généralisé.
Et enfin vous, et surtout vous, qui ne voyez pas le problème, si vous n'avez pas de respect pour votre voisin, essayez d'en avoir pour les artistes qui vous offrent un instant de grâce susceptible de vous sauver de la vacuité dans laquelle nous sommes tous empêtrés. Et puis allez, faites-le aussi pour vous, car franchement, de quoi avez-vous l'air ?
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la rédaction.
Dimanche 26 février au Châtelet dans l’amphithéâtre. Les places à côté de moi sont libres; une femme et sa fille (environ 8 ans) viennent s’installer. Dès le début je les entends chuchoter. Après 5 minutes je lance un chut. La dame tourne la tête et je me dis qu’elle a compris. Pourtant pendant les presque deux heures de la première partie elle continuera à chuchoter à sa fille qui, bien que très sage, ne sait pas qu’on ne pose pas de questions quand la musique joue. A la fin de la pause lorsqu’elles reviennent je leur signifie qu’elles m’ont gêné. La femme, offusquée, me répond que sa fille a été sage comme une image. Pas le loin moindre début de remise en question… Elles s’éloignent nénamoins sur un « le monsieur est désagréable ». A ce moment-là, le spectateur assis au rang devant se retourne et me dit: « vous avez raison, elles m’ont gêné aussi ».
Deux minutes plus tard le grand-père arrive pour me traiter d’imbécile et d’intolérant. Je lui réponds que j’ai entendu la mère répondre à sa fille tout le temps. Là elle me sort: « mais bien sûr! » dans le sens de: bien évidemment que je réponds à ma fille si elle a une question… Quelle misère…
La mère demande à deux demoiselles derrière moi si elles ont été ennuyées. Pas elles non. Juste moi. Apparemment si une seule personne est gênée, ce n’est pas grave. Et puis elle continue sur le fait que je devrais être assis au premier rang du parterre (sous-entendu je suppose: entre pauvres, pas besoin de se respecter).
Outre le fait que cette famille est mal élevée, irrespectueuse et pathétique, ce qui m’a le plus choqué est que le monsieur qui s’était retourné pour me dire que j’avais raison n’a pas bronché. Rien! J’avais honte pour lui. Si peu de courage dans une situation qui d’ailleurs n’en demandait pas vraiment. Personne n’allait en venir aux mains.
Ils m’ont ruiné le spectacle parce qu’ils pensaient que venir avec un enfant devait donner des droits supplémentaires. Et ils sont rentrés chez eux la conscience tranquille.
pourtant il n’y a pas de droit à l’opéra mais un seul devoir, impérieux, presque divin: se taire!
Moi qui vis en Allemagne, je peux vous dire que si la situation n’est pas toujours parfaite, le public est en général beaucoup beaucoup plus respectueux que le public francais. Et les gens qu’on remet à leur place s’excusent platement, ils n’en rajoutent pas.
Tout cela pour vous dire que non la situation ne s’améliorera pas pour deux raisons: les imbéciles resteront des imbéciles et les lâches des lâches. Surtout en France.
Merci beaucoup pour votre partage d’expérience. Pour aller régulièrement en Allemagne également, je suis d’accord avec vous pour souligner que c’est un public beaucoup plus respectueux, ce qui pose question. Les allemands ont un rapport à la musique bien différend du nôtre me semble-t-il, et un attachement à leur propre répertoire assez fascinant (contrairement aux français qui ne sont pas forcément fans de leurs compositeurs). Quoiqu’il en soit le public allemand a toujours été un modèle pour moi, précisément pour sa civilité, son écoute attentive et sa manière unique de remercier les artistes. Les salles allemandes sont beaucoup plus chaleureuses et festives que les salles françaises … A méditer !
Je vous confirme, étant d’origine allemande, que la musique est bien plus « intégrée » dans la culture allemande qu’elle ne l’est en France, tout comme la notion d’élitisme est beaucoup moins présente en Allemagne qu’en France. Et si on peut trouver le public très « bourgeois » dans certaines salles allemandes, c’est ce même public qui sait manifester son enthousiasme par forces cris et applaudissements nourris alors qu’en France, on a l’impression qu’il ne faut pas trop se faire mal aux mains. Alors oui, le public toulousain ou marseillais est plus latin, mais on sent tout de même en France que certains se rendent au concert et à l’opéra parce qu’il FAUT se rendre dans de tels lieux pour s’y faire voir, en Allemagne, on y va aussi parce qu’on AIME la musique et l’opéra. Et on sait effectivement mieux s’y tenir qu’en France.
Bravo !
On m’a rapporté que lors d’un récent concert du Philharmonique de Strasbourg où la 9° de Mahler allait être exécutée, l’administrateur de l’orchestre est venu sur scène au début de la soirée pour réclamer un silence tout particulier pendant le concert, notamment pour le dernier mouvement… ce qui fut visiblement plutôt bien respecté.
Merci pour ce témoignage. Comme quoi, c’est possible !!! Les salles parisiennes seraient bien avisées de suivre cet exemple et de prendre ce problème à bras le corps avant que le type de comportement que je décris, et que je ne suis manifestement pas le seul à subir, ne s’installe définitivement. Les salles ont aussi le public qu’elles méritent … Il ne s’agit en rien d’une position élitiste mais bien simplement de respect et d’éducation. Votre message montre en tout cas, que bien amenée, cette demande peut être entendue et respectée.
A noter aussi que dans les programmes du Philharmonique et de l’Opéra du Rhin, il y a des lignes (certes un peu noyées dans la masse) demandant au public de respecter au maximum le silence. A l’Opéra national du Rhin, il y a même une annonce demandant expressément (en plus de demander d’éteindre les portables) de « modérer ses quintes de toux ». Des amis allemands ont été fort surpris (voire choqués) de cette demande !
Anecdote similaire de ce type : 9 décembre 2016, Don Giovanni au Théâtre des Champs-Élysées. Mes voisins ont eu la riche idée d’utiliser le rebord du 2ème balcon comme succédané de comptoir de bar, avec emballages de Mars et de sandwichs, et force cacahuètes dont le grignotage sonore a bien sûr ponctué l’ensemble de la représentation… Toutefois, ce groupe d’amis n’étant visiblement pas familier des concerts (l’un d’entre eux a sans doute passé la pire soirée de son existence), j’ai été partagé entre l’envie de les rappeler à l’ordre, et peut-être les dégoûter à tout jamais – j’imaginais les réactions en sortant : « c’était horrible, et dès que j’ai essayé de prendre une cacahuète pour passer le temps, je me suis fait gronder par un espèce de fou assis à côté de nous » – ou laisser faire. Comme j’étais par ailleurs particulièrement concentré cette soirée-là, c’est cette dernière option qui a été choisie. À ce titre, le degré de nuisance ressenti témoigne souvent, il me semble, de notre propre concentration : d’un état réceptif à la musique, où les agissements de la salle ne nous gênent guère, à un état peu concentré, où la moindre toux agace et déconcentre encore davantage…
Merci beaucoup pour cette anecdote incroyable ! Il n’y a manifestement aucune limite. Je partage votre nuance concernant la réceptivité à la nuisance sonore lorsque l’on est moins concentré. C’est tout à fait juste, mais ne renversons pas la faute sur notre éventuel manque de concentration pour tolérer ce type d’agissement. Ca serait un comble, ne croyez-vous pas ? 🙂
Naturellement d’accord mais allant en Chine régulièrement et le plus possible au concert la situation est différente
– opéra de Pékin / barbier de Rossini / public jeune et ravi commandant sur internet son prochain repas
– piano / Beethoven / I Fliter ; public distrait pouvant sortir en milieu de sonate …..
Rappelons nous le temps des opéras d’Haendel ou de Vivaldi ou le public allait et venait ; la salle de concert ne doit-elle être pas évoluer mais dans quel sens ?
Bravo!