Un concert franco-allemand au Goethe Institut par Proxima Centauri et E-Mex
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Paris. Goethe Institut. 2-II-2017. Michael Obst (né en 1955) : Noctuelles pour 11 instruments (CM) ; Karola Obermüller (née en 1977) : Traverse pour sept instruments (CM) ; Torsten-Philipp Herrmann (né en 1981) : Macramé pour sept instruments (CM) ; Hèctor Parra (né en 1976) : Ciel rouillé pour flûte, saxophone baryton, piano et percussion ; Raphaël Cendo (né en 1975) : Control pour flûte, saxophone ténor, percussion et électronique (CM) ; Henry Fourès (né en 1948) : Correspondances avec instruments pour 10 instruments et 2 voix enregistrées (CM). Ensembles Proxima Centauri et E-Mex, direction : Christoph Maria Wagner.
« Entrelacs :: Geflecht » est le titre bilingue du projet qu'ont mené, de concert, l'ensemble bordelais Proxima Centauri et son confrère et collaborateur de longue date, l'ensemble E-Mex de Cologne. Au terme d'une résidence à Cologne, six œuvres écrites pour eux (dont cinq créations mondiales) ont vu le jour – trois françaises et trois allemandes – et sont à l'affiche d'une série de quatre concerts. Le Goethe Institut accueille l'ultime soirée de cette tournée franco-allemande.
La première pièce, Noctuelles de l'Allemand Michael Obst, réunit les deux phalanges sous la direction de Christoph Maria Wagner, l'actuel directeur artistique de E-Mex. C'est la dimension spectrale qui prévaut dans cette pièce aux sonorités acérées, mettant à profit l'énergie du son. Le compositeur invoque Scriabine et son Poème nocturne qui semble avoir inspiré ce titre de Noctuelles. Confiées à différents instruments solistes, des échelles-harmonies, qu'on sait chères au compositeur de Prométhée, fibrent ici l'espace sonore. Rigoureusement construite et bien conduite par l'ensemble, l'œuvre sonne malheureusement de manière quelque peu tranchante et abrupte dans une acoustique que l'on aurait souhaitée plus généreuse. Les intentions sont moins claires dans Traverse de Karola Obermüller, une œuvre dense, au matériau souvent saturé que la compositrice modèle dans différents registres et temporalités – sans doute une manière de traduire musicalement ces quelques vers de l'écrivain suédois Lars Gustafsson, qui sous-tendent l'écriture musicale : « C'est là que vous devez chercher ; et là, on ne peut chercher ». Macramé de Torsten Herrmann, troisième création allemande avant l'entracte, met le piano en vedette (impressionnant Martin von der Heydt) en charge de plusieurs cadences de haut vol. Si l'œuvre en impose par sa fulgurance et la virtuosité de son écriture, ce sont les plages suspensives, aux textures délicates, qui retiennent toute notre attention.
Si Ciel rouillé (2005) du Catalan Hèctor Parra n'est pas une création, la pièce n'en a pas moins été écrite pour Proxima Centauri et sa fabuleuse saxophoniste et directrice artistique, Marie-Bernadette Charrier, légende vivante du saxophone contemporain. Elle est ici au baryton et sert cette musique hyperactive et exigeante avec une énergie et une virtuosité confondantes, donnant même de la voix aux détours de la dramaturgie sonore. Pianiste, flûtiste et percussionniste ne déméritent pas, conférant eux aussi une vitalité extraordinaire à cette écriture merveilleusement ciselée. La pianiste Hilomi Sakaguchi a mis ses mitaines pour la pièce à haut voltage de Raphaël Cendo, Control, pour petit ensemble et électronique qui pâtit, elle aussi, d'une acoustique trop sèche et peu favorable à la fusion des timbres. Le geste est musclé dans les premières pages de la partition où plaque-tonnerre, multiphoniques du saxophone ténor et résonances du piano font d'emblée flamboyer l'espace. L'œuvre, tout en contrastes et relances spectaculaires, dévoile quelques belles trouvailles sonores, tel ce passage virtuose mixant le jeu du piano avec celui des crotales. Superbe, la coda investit le monde de l'infra-saturation, « un univers dévasté par une trop grande énergie et dans lequel il ne reste qu'une survivance fantomatique de ce qui a été », précise notre compositeur.
De plus grande envergure et réunissant les deux ensembles sous la direction de Christoph Maria Wagner, Correspondances avec instruments d'Henry Fourès (voir notre chronique récente), qui termine la soirée, est une sorte de « travelling sonore » façon Hörspiel, une superbe œuvre mixte où le compositeur, qui excelle dans ce genre, associe la voix enregistrée et l'écriture instrumentale. Le texte, écrit en collaboration avec la dramaturge allemande Elisabeth Gutjahr, réunit deux protagonistes, un homme de culture française et une femme de culture allemande qui voyagent sans se rencontrer et correspondent de différentes manières (téléphone, mails, Skype…). Tout en préservant l'intimité des voix enregistrées, Fourès imagine un flux musical poétique autant que ludique, et toujours très coloré, qui évolue librement au gré de ce scénario imaginaire et tisse avec les voix un contrepoint fluide et sensible, à la faveur d'un parfait équilibre des deux sources sonores.
Crédits photographiques : Marie-Bernadette Charrier © DR ; Ensembles Proxima Centauri et E-Mex © DR
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Paris. Goethe Institut. 2-II-2017. Michael Obst (né en 1955) : Noctuelles pour 11 instruments (CM) ; Karola Obermüller (née en 1977) : Traverse pour sept instruments (CM) ; Torsten-Philipp Herrmann (né en 1981) : Macramé pour sept instruments (CM) ; Hèctor Parra (né en 1976) : Ciel rouillé pour flûte, saxophone baryton, piano et percussion ; Raphaël Cendo (né en 1975) : Control pour flûte, saxophone ténor, percussion et électronique (CM) ; Henry Fourès (né en 1948) : Correspondances avec instruments pour 10 instruments et 2 voix enregistrées (CM). Ensembles Proxima Centauri et E-Mex, direction : Christoph Maria Wagner.