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Salomé chez les dictateurs au Landestheater de Linz

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Linz. Landestheater. 19-I-2017. Richard Strauss (1864-1949) : Salomé, opéra en un acte sur un livret du compositeur d’après Oscar Wilde. Mise en scène : Marc Adam. Décor et costumes : Annemarie Woods. Chorégraphie : Pascale Chevroton. Lumière : Johann Hofbauer. Vidéo : Paulo Correira. Avec : Paul McNamara, Hérode ; Karen Robertson, Hérodiade ; Astrid Weber, Salomé ; Tuomas Pursio, Jochanaan ; Jacques Le Roux, Narraboth ; Un Page, Isabell Czarnecki ; Premier Juif, Pedro Velázquez Diaz ; Deuxième Juif, Bonifacio Galvań ; Troisième Juif, Csaba Grünfelder ; Quatrième Juif, Xiaoke Hu ; Cinquième Juif, Ulf Bunde ; Premier Nazaréen, Jihoon Kwon ; Deuxième Nazaréen, Ratislav Lalinsky ; Premier Soldat, Taiyu Uchiyama ; Deuxième soldat, Justus Seeger ; Un Cappadocien, Tomaz Kovacic. Bruckner Linz Orchester, direction : Daniel Spaw.

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Trop fraîchement débarqué de la direction de l'Opéra de Nice où, de 2012 à 2015, trois saisons passionnantes ont dirigé les oreilles mais aussi les yeux des amateurs d'art lyrique vers la Baie des Anges, réenfile la casquette de metteur en scène qu'il n'a jamais cessé de coiffer, pour une Salomé voyageuse, évoluant dans le désert irakien mais aussi dans celui du palais des Ceaucescu. Nouvelles du front.

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L'on entend parfois dire que Salomé, à l'instar de Wozzeck, est un opéra-choc qui n'a pas besoin de metteur en scène, livret et partition exemplaires se suffisant à eux-mêmes. Ce n'est certes pas l'avis de qui, après certain Tannhäuser rouennais encore dans les mémoires, trouve encore que, 110 ans après une création qui enthousiasma le clairvoyant Gustav Mahler (« Une vraie œuvre de génie »), le toujours choquant opéra de a encore quelque chose à dire à notre temps. Et l'on se passionne à Linz pour le voyage touristique dans lequel le metteur en scène embarque la perverse princesse.

Le spectateur prend place face à un rideau de scène où ondoie la vidéo d'une piscine sous les palmiers (le programme nous apprend qu'il s'agit de celle du palais détruit de Saddam Hussein). L'idylle de ce tableau est à peine tempérée par la distorsion rouillée d'une rampe d'accès à l'eau au-dessus de la fosse. Le malaise est conforté par un court prologue muet où l'on assiste à une sorte d'opération « Tempête du désert ». C'est dans la piscine cette fois envahie de gravats, de postes de télévision aux images intermittentes qu'une soldatesque désœuvrée ne regarde plus, devant des dunes voilées par une continuelle brume montant du sol, que cette Salomé imaginée en deux actes par se situe d'abord.

La redescente de Jochanaan dans la citerne fait office de charnière vers une seconde partie qui expédie Salomé dans le palais des Ceaucescu (le programme en reproduit les colonnades). Le postulat que le Pouvoir a toujours besoin de l'Architecture, laquelle produit ses rimes les plus kitsches avec Dictature, permet au metteur en scène français une lecture très actuelle qui agacera les éternels réfractaires aux treillis, mais ne jure en rien avec la prose si moderne de Wilde. La captivité de Jochanaan, sac sur la tête, évoque une actualité brûlante, le couple délétère Hérode/Hérodias la vulgarité de la richesse mal acquise et déconnectée des réalités.

Le meilleur est pour la fin : détournant malicieusement le très attendu « Man töte dieses Weib », Marc Adam nous laisse un court instant penser qu'il va sauver son héroïne fracassée, munie à plus d'une reprise d'une poupée, et que la soldatesque réveillée de sa torpeur va exécuter la seule Hérodiade. Un rapide coup d'oeil circulaire dessille les neurones, qui donne à voir les kalachnikovs règler également leur compte à Hérode mais aussi à Salomé : le fruit était pourri et devait être abattu avec l'arbre généalogique. Constat des plus pessimistes mais salutaire rappel sans appel : une dictature ne peut engendrer que des monstres. Un monde s'effondre sur le tranchant des ultimes accords. Soufflant !

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Succédant à , entraîne le Bruckner Orchester Linz dans une lecture spectaculaire en phase avec le cinémascope de la scène. Les voix des chanteurs impressionnent dès l'entrée dispendieuse en décibels du Narraboth de . L'excellente acoustique du nouvel Opéra de Linz offre de fait à chacun une puissance qui semble surdimensionner le moindre artiste d'une distribution remarquable, jusqu'au très jeune mais très prometteur Jochanaan au pied levé nullement handicapé de . On ne chipotera que son « Töte » final à l'excellent , séduisant Hérode en costumes trois pièces, auquel Salomé renvoie en pleine face les turpitudes qu'il a fait subir à chacun, lui imposant même un instant le sort de Jochanaan, l'entraînant loin dans la confusion des genres au cours d'une Danse des sept voiles d'une perversité désespérée. s'amuse beaucoup avec son Hérodiade moulée jusqu'à l'implosion dans une robe noire sous la laque brushée d'un casque de cheveux blonds. Très certainement le contraire de « l'honnête femme » effarée (Marie Wittich) qui dut créer le rôle en 1906, incarne une Salomé adolescente, volontariste et froide, rebelle punko-vamp aux aigus ne dévissant jamais, venant refaire le plein d'énergie en se roulant dans le sang qui ruisselle sur la dalle oblique, plat géant pour la tête de Jochanaan.

On se réjouit que Salomé continue de couper les têtes des censeurs qui se sont succédé dans son histoire et qui ne sont plus d'un monde où l'opéra érotique de Strauss continue d'être représenté avec succès. Après le « Crépuscule des monstres » de Marc Adam, on attend impatiemment la version qu'Olivier Py livrera, d'ici quelques semaines, de cet opéra qui, dit-on parfois, n'a pas besoin de metteur en scène…

Crédits photographiques : © Falk von Traubenberg

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Linz. Landestheater. 19-I-2017. Richard Strauss (1864-1949) : Salomé, opéra en un acte sur un livret du compositeur d’après Oscar Wilde. Mise en scène : Marc Adam. Décor et costumes : Annemarie Woods. Chorégraphie : Pascale Chevroton. Lumière : Johann Hofbauer. Vidéo : Paulo Correira. Avec : Paul McNamara, Hérode ; Karen Robertson, Hérodiade ; Astrid Weber, Salomé ; Tuomas Pursio, Jochanaan ; Jacques Le Roux, Narraboth ; Un Page, Isabell Czarnecki ; Premier Juif, Pedro Velázquez Diaz ; Deuxième Juif, Bonifacio Galvań ; Troisième Juif, Csaba Grünfelder ; Quatrième Juif, Xiaoke Hu ; Cinquième Juif, Ulf Bunde ; Premier Nazaréen, Jihoon Kwon ; Deuxième Nazaréen, Ratislav Lalinsky ; Premier Soldat, Taiyu Uchiyama ; Deuxième soldat, Justus Seeger ; Un Cappadocien, Tomaz Kovacic. Bruckner Linz Orchester, direction : Daniel Spaw.

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