Heinrich Schiff a définitivement raccroché archets et baguette
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Un concis communiqué de presse nous a appris la disparition à Vienne, dans la nuit du 23 décembre dernier, de l'éminent violoncelliste et chef d'orchestre Heinrich Schiff à l'âge de soixante-cinq ans.
Né le 18 novembre 1951 à Gmunden en Haute Autriche, Heinrich Schiff s'était initié très jeune au violoncelle. Il avait étudié l'instrument avec entre autres Tobias Kühne et André Navarra, puis la direction d'orchestre avec Hans Swarowsky.
Son jeu, très physique, faisait corps avec l'instrument d'une manière totalement investie et originale avec un sens du son, de l'engagement et de l'énergie à nul autre pareil.
Son intelligence musicale lui avait permis de n'avoir aucune limite dans son répertoire, jouant autant Antonio Vivaldi et Joseph Haydn que Witold Lutoslawski et Hans Zender, et de repenser les standards convenus de l'interprétation. Ainsi, dès 1984, il proposait pour EMI et Warner une passionnante intégrale des suites pour violoncelle seul de Johann Sebastian Bach où la puissance de feu et de son dans l'héritage moderne des Nikolaus Harnoncourt ou Anner Bylsma rendra ce disque incontournable. Il multiplia les enregistrements de référence sur son Stradivarius Mara de 1711 (essentiellement pour EMI puis Philips/Decca dont il fut longtemps le violoncelliste vedette), puis sur son Montagnana Sleeping Beauty de 1739 dont deux versions du concerto de Dvořák avec Colin Davis puis André Prévin, un frémissant concerto de Schumann à Berlin dirigé par Bernard Haitink, le Don Quichotte de Richard Strauss à Leipzig – impérial avec Kurt Masur -, ou les deux concerti de Chostakovitch à Munich sous la baguette du fils du compositeur. C'était également un chambriste très recherché, laissant par exemple deux poignantes versions du quintette à deux violoncelles de Schubert en superbe compagnie, soit le Alban Berg Quartett pour Warner et le Hagen Quartett pour Deutsche Grammophon. Côté sonates, citons enfin ses partenariats dans Beethoven avec Till Felner (réédition Brilliant classics), ou dans Brahms ou Schumann avec Gerhard Oppitz (Philips, à rééditer).
Sa carrière de chef d'orchestre avait débuté en 1986 comme directeur artistique du Northern Sinfonia (1960-1996) puis à la Philharmonie de Copenhague (1996-1999). Il s'était également aventuré dans la direction d'opéra avec un certain succès, notamment à la Monnaie de Bruxelles avec Die Zauberflöte en version scénique en 1992 ou l'année suivante avec Fidelio en version de concert. Il avait plus récemment pris la direction permanente de l'Orchestre de chambre de Vienne, poste qu'il avait dû quitter en 2008 pour raisons de santé. Il avait définitivement arrêté sa carrière de violoncelliste concertiste en 2012.
Ce fut enfin un pédagogue aussi exigeant que fin et recherché, véritable passeur d'idées dans le respect total de ses élèves. Ses nombreux disciples chez lesquels l'on peut reconnaître parfois l'influence du maître – entre autres Richard Harwood, Natalie Clein, et last but not least Gautier Capuçon – doivent se sentir aujourd'hui bien orphelins.
Neos publiera un coffret commémoratif – devenu posthume – de dix-sept disques pour le soixante-cinquième anniversaire de l'artiste début 2017, avec de nombreuses captations inédites de Heinrich Schiff tant en qualité de soliste que de chef d'orchestre.