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Karita Mattila au Théâtre du Châtelet : tant de souvenirs partagés

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Paris. Théâtre du Châtelet. 12-XII-2016. Johannes Brahms (1833-1897) : Zigeunerlieder. Richard Wagner (1813-1883) : Wesendonck Lieder. Alban Berg (1885-1935) : Vier Lieder. Richard Strauss (1864-1949) : Der stern, Wiegenlied, Meinem Kinde, Ach Lieb, Ich muss nun scheiden, Wie sollten wir geheim sie halten, Allerseelen, Cäcilie. Karita Mattila : soprano ; Martin Katz : piano.

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mattila-5-c-marica-rosengardOn ne présente plus  ! La soprano finlandaise a toujours reçu un accueil chaleureux de la part du public parisien. Très présente à l'Opéra de Paris sous l'ère Hugues Gall, elle se fait désormais plus rare pour une raison que peut-être seuls les directeurs de salles connaissent. Le récital proposé hier soir, exigeant par certains côtés, nous a une fois de plus prouvé que cette attachante artiste a encore beaucoup de choses à dire et qu'elle n'a pas fini de nous faire succomber.

C'est sans publicité que a préparé ce récital exigeant avec pour le Théâtre du Châtelet, scène très particulière à ses yeux puisqu'elle y a rencontré ses plus grands succès (Arabella, Jenůfa…). Exigeant dans le sens où il révèle des univers très variés qui nécessitent des approches extrêmement différentes. Des populaires chants tziganes de Brahms, elle passe sans transition à l'intériorité des Wesendonck Lieder de Wagner. Puis de l'expressionnisme des quatre lieder de Berg, elle se jette dans le post-romantisme straussien. On pouvait craindre alors que ces différentes facettes du lied soient abordées de manière plus ou moins heureuse.

La réaction du public est pourtant immédiate et sans appel. C'est un triomphe. Pourquoi ? Parce que y croit et y va. Parce qu'elle se lance dans chaque mélodie comme d'autre se lancent dans l'arène. Évidemment, le temps est passé par là et le répertoire de l'artiste a évolué en bonne intelligence avec sa voix. Plus large et plus sombre, elle a gagné en densité ce qu'elle a un peu perdu en agilité. De fait, les changements de registres sont parfois un peu moins aisés qu'auparavant mais pour le reste, nous l'avons retrouvée telle qu'en elle-même : puissante, ardente, frémissante et passionnée.

Elle commence par empoigner les Zigeunerlieder de Brahms, suite de numéros pittoresques, aux rythmes syncopés, évocateurs de la vie bohémienne. Le piano n'a pas encore résonné que les premiers accents sortent, impérieux, et l'on se rassure en se disant que les moyens sont plus que jamais là, considérables, du médium riche et soyeux aux aigus les plus percutants. Sans accessoire, sans décor, Karita Mattila nous embarque dans cet univers populaire avec malice et séduction.

Les Wesendonck Lieder sont d'un autre ordre. Plus réflexifs et alanguis, ils obligent la soprano à délaisser sa flamboyance habituelle au profit d'un chant plus en retenu. Elle y incarne les mots de Mathilde Wesendonck avec une évidence stupéfiante, transformant ces lieder en évocation des états d'âme de leur créatrice. Les aigus toujours chargés d'émotion et de sens, sonnent comme de fulgurantes déchirures et malgré la puissance du volume et l'émission irradiante d'une voix toujours sublime, les nuances ne manquent pas. Toute la soirée, c'est l'ombre de Léonie Rysanek qui a flotté dans ce théâtre.

L'expressionnisme de Berg convient bien à la voix et au tempérament de Mattila. La fluidité de la ligne de chant étant moins sollicitée, elle peut se laisser aller à une dramatisation bienvenue conférant à ces lieder un caractère fantomatique et donnant notamment à ses « schlafen » et surtout au mot « stirb » dans le dernier lied, une charge inquiétante.

Enfin, la soprano est en terrain conquis chez Strauss mais là encore, on est interpellé par la caractérisation de chaque lied. Au moyen d'une diction claire, d'une attention constante au sens des mots choisis par l'auteur et d'un engagement dramatique halluciné et hallucinant, Karita Mattila se transforme en passeur et suscite une profonde complicité et empathie chez le spectateur qui reste suspendu à ses lèvres. Cette capacité à partager est notamment manifeste dans le Meinem Kinde qu'elle chante à mi-voix comme si elle veillait sur ses enfants, ou bien le magnifique Allerseelen intime et incarné. Enfin, le fiévreux Cäcilie, souverainement délivré, emporte la salle qui réserve à l'artiste une ovation debout.

Que dire de l'accompagnement de , si ce n'est que ce n'est pas un simple accompagnement. On ne sait qu'admirer le plus, entre un touché délicat, la limpidité des phrases, la beauté des sonorités (particulièrement dans les Strauss). Beaucoup de l'émotion ressentie ce soir provient peut-être de la complémentarité de ces deux artistes.

Enfin, même les bis ne sont pas traditionnels avec Karita Mattila. Après un mémorable numéro de cabaret avec le Eine kleine Sehnsucht de , la soprano revient à Strauss avec son fameux Zueignung avant de s'éclipser sur quelques notes de We'll meet again chantées a capella. Croyons-la sur parole et espérons qu'elle nous reviendra plus fréquemment pour nous offrir de tels moments.

Crédit photographique : (c)  Marica Rosengard

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Paris. Théâtre du Châtelet. 12-XII-2016. Johannes Brahms (1833-1897) : Zigeunerlieder. Richard Wagner (1813-1883) : Wesendonck Lieder. Alban Berg (1885-1935) : Vier Lieder. Richard Strauss (1864-1949) : Der stern, Wiegenlied, Meinem Kinde, Ach Lieb, Ich muss nun scheiden, Wie sollten wir geheim sie halten, Allerseelen, Cäcilie. Karita Mattila : soprano ; Martin Katz : piano.

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