René Jacobs dirige une nouvelle version du Requiem de Mozart
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Paris, Philharmonie de Paris. 25-XI-2016. Joseph Haydn (1732-1802) : Harmoniemesse ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Requiem (arrangement : Pierre-Henri Dutron). Sophie Karthäuser, soprano; Marie-Claude Chappuis, mezzo-soprano; Maximilian Schmitt, ténor; Johannes Weisser, basse. Freiburger Barockorchester. RIAS Kammerchor. Direction : René Jacobs.
Pour leur concert à la Philharmonie, le Freiburger Barockorchester et le Rias Kammerchor dirigés par René Jacobs se sont attaqués aux dernières messes respectivement composées par deux géants : l'Harmoniemesse de Haydn et le mythique Requiem de Mozart. Avec une nouveauté pour ce dernier, puisque c'était l'occasion pour le jeune compositeur et musicologue Pierre-Henri Dutron de présenter sa propre complétion de l'œuvre inachevée la plus fascinante de l'histoire de la musique.
Les musicologues ont beau s'accorder sur la piètre qualité du Requiem complété par Franz Xavier Süßmayr, l'assistant de Mozart : c'est pourtant celui qui a traversé le temps et que l'on connaît par cœur. Le projet qu'a Pierre-Henri Dutron de refondre un tel monument risque donc immanquablement de s'exposer aux crispations d'un grand public qui ne connaît qu'un seul Requiem de Mozart. Mais le jeune compositeur ne manque pas de tact : alors qu'il travaille par ailleurs sur une complétion radicalement nouvelle, c'est une version simplement retravaillée et intitulée « Süßmayr remade » qu'il présente aujourd'hui.
On n'est donc pas dépaysé à l'écoute de ce « nouveau » Requiem, qui reste assez fidèle à celui auquel nous sommes habitués. C'est en réalité plutôt une version enrichie, avec de nouvelles lignes orchestrales et quelques passages retravaillés : comme si Pierre-Henri Dutron avait surtout voulu, dans cette version, offrir un écrin plus élaboré au bijou que l'on connait déjà.
C'est lors du Tuba Mirum que l'on ressent pour la première fois une transformation frappante. Les parties de violon ajoutées par Dutron ont tendance à marginaliser légèrement la ligne brute du trombone sur laquelle repose la première partie du morceau, censée évoquer la trompette du jugement dernier. Puis, lors de l'intervention du ténor, l'accompagnement se fait franchement frénétique avec des doubles croches qui contribuent à changer radicalement la perception du mouvement.
La frénésie qui guette l'œuvre est d'ailleurs renforcée par les tempos particulièrement rapides choisis par René Jacobs, parfois un peu déroutants. Le Recordare par exemple est abordé d'une manière diligente et appuyée, tranchant avec des interprétations plus recueillies. L'orchestration de Dutron recèle beaucoup d'apports discrets mais très intéressants, que ce soit au niveau des cordes ou dans le choix de confier l'un des développements du thème au basson.
On retiendra le magnifique Lacrimosa, qui bénéficie d'une orchestration plus légère et d'une utilisation moins écrasante du chœur, superbement remplacé par les quatre solistes tout en retenue. Parmi les autres surprises, on retiendra également une légère extension très réussie de l'Hosanna à la fin du Sanctus.
Cette nouvelle version du Requiem est sans doute un intermédiaire entre la tradition de Süßmayr et la future complétion définitive que prépare Pierre-Henri Dutron. D'après le jeune compositeur, les deux versions seront enregistrées pour Harmonia Mundi en 2017. Seul l'avenir nous dira si cette démarche trouvera plus d'écho que celles déjà tentées par Beyer, Levin, Maunder… Une seule chose est sûre : le Requiem de Mozart ne connaît pas de version définitive et restera sans doute à jamais dans le bonheur de l'inachèvement.
Crédit photographique : © Molina visuals
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Paris, Philharmonie de Paris. 25-XI-2016. Joseph Haydn (1732-1802) : Harmoniemesse ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Requiem (arrangement : Pierre-Henri Dutron). Sophie Karthäuser, soprano; Marie-Claude Chappuis, mezzo-soprano; Maximilian Schmitt, ténor; Johannes Weisser, basse. Freiburger Barockorchester. RIAS Kammerchor. Direction : René Jacobs.