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Si vous aimez la musique country ou le rock’n roll, ce dossier n’est pas fait pour vous. La « art music » des Etats-Unis, éclectique et audacieuse, a su s’imposer au siècle dernier comme un vivier de personnalités revendiquant un style musical affranchi des influences européennes. Pour accéder au dossier complet : Danse et Musique américaines
Eu égard à la richesse de la musique de Steve Reich, de nombreux aspects caractéristiques auraient pu être abordés en guise d'hommage pour ses quatre-vingt ans. L'électronique, le rapport au sérialisme et Cage pourraient constituer les trois clés centrales pour la compréhension de la musique de Steve Reich. Un paramètre essentiel dans l'œuvre du compositeur les réunit tous trois : celui de la conception du temps. En effet, au delà de la dimension temporelle, son travail sur le temps va lui permettre de façonner la matière sonore, l'espace et le timbre.
Le temps est un paramètre qui va véritablement fasciner Steve Reich ; la problématique du déphasage constitue un de ces aspects essentiels du traitement du temps. Il a découvert le processus du déphasage par accident en utilisant deux magnétophones lisant la même bande. Néanmoins, la vitesse de lecture de l'un d'entre eux se mit à accélérer. Le phénomène résultant allait être la source d'une réflexion entre écriture et perception. La conséquence d'un tel procédé consiste en l'émergence de nouveaux patterns (motifs répétés). Les premières expériences d'écriture, en utilisant ce processus, se trouvent dans It's gonna rain où il utilise comme matériau un extrait d'un prédicateur noir américain qu'il va travailler à l'aide de divers montages et de mises en boucles. Le processus de phase n'est en fait qu'une nouvelle exploration de l'écriture canonique. Seulement, en jouant sur la durée du déphasage (distance temporelle entre deux diffusions d'une même source), Steve Reich va réussir également à modeler le timbre et l'espace. Effectivement, l'utilisation d'un décalage temporel minimal rend le déphasage imperceptible mais le processus agît sur la matière, le timbre et l'espace sonore. En maîtrisant ce déphasage minimal, il crée alors un espace singulier. Steve Reich va chercher à se détacher d'une pensée téléologique par le biais de l'écriture et de l'utilisation du processus du déphasage ; il ne s'agit donc que d'un outil compositionnel au service du sensible.
En se détachant ensuite du support pour bande magnétique, l'écriture de Steve Reich va s'imprégner du principe du déphasage, en témoigne par exemple Piano Phase. Tout l'enjeu réside dans l'émergence de nouveaux motifs résultant d'une seule et unique cellule jouée par exemple à partir de deux sources (deux pianos) à intervalles de temps décalés. Ainsi, à partir d'un matériau initial, le travail sur le temps permet à Steve Reich de faire émerger une nouvelle matière, de nouveaux motifs qui ne sont pas écrits sur la partition. Ce sont ensuite quatre voix qui vont être affectées par ce procédé graduel dans la pièce Violin Phase (1969). Cette dernière est une pièce emblématique de sa première période. L'idée de pattern et de la reconfiguration vient de Terri Riley qui a été très influencé par les musiques orientales et le principe d'hétérophonie.
En travaillant alors sur un matériau minimal, Steve Reich induit une idée de déplacement de la matière et de jeu avec l'espace. Ainsi, il cherche à inciter et à favoriser l'écoute de l'instant en suscitant l'émergence d'un matériau à la fois central et absent comme l'émergence de l'inconscient au niveau du conscient. Au delà de l'écoute de l'instant, la musique de Steve Reich est également l'écoute d'un instant, l'œuvre n'étant qu'un fragment temporel comme la toile pour Pollock n'étant qu'une portion d'une toile infinie.
Crédit photographique : Jeffrey Herman
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