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Une reconstruction du Lac des Cygnes par le Ballet de la Scala

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Paris. Palais des Congrès. 12-XI-2016. Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-1893) : Le Lac des Cygnes, ballet en trois actes. Chorégraphie : Marius Petipa et Lev Ivanov. Mise en scène et révision de la chorégraphie : Alexeï Ratmansky. Décors et costumes : Jérôme Kaplan. Avec : Vittoria Valerio : Odette/ Odile ; Claudio Coviello : Siegfried ; Alessandro Grillo : Rothbart ; Marco Agostino : Benno ; Martina Arduino, Chiara Fiandra, Marco Agostino : pas de trois ; et le Corps de Ballet du Théâtre de la Scala. Orchestre Symphonique National de Hongrie Miskolc, direction : Rossen Milanov.

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Le Ballet du Théâtre de la Scala présente cette saison au Palais des Congrès à Paris, une reconstitution du Lac des Cygnes, en coproduction avec l'Opéra de Zurich, dans une révision de la chorégraphie originelle par Alexeï Ratmansky.

lac-1À partir de la notation Stepanov, et après un travail très minutieux déjà effectué sur Paquita (à Munich) et La Belle au Bois Dormant (dans une coproduction de la Scala et de l'American Ballet Theatre), Ratmansky remonte le ballet tel qu'il a dû être créé par , lui-même aidé par sur les actes blancs. Il est donc extrêmement intéressant de pouvoir comparer à l'épreuve des versions successives les ajouts et les modifications subies à travers les décennies et les compagnies. Le spectacle lui-même connaît un centre de gravité bien différent de celui habituellement développé sur scène. Odette/Odile est un vrai personnage féminin subissant un maléfice la transformant en cygne, un personnage nommé Benno est un ami du Prince très présent sur scène (le célèbre pas de deux du premier tableau blanc est ainsi un Pas de Trois), le rôle du Prince est assez peu développé (comme dans la reconstruction de Raymonda de Vikharev).

La sacralisation du Lac telle que connue dans les contrées russes avec la ballerine intouchable dans le Cygne n'est ici pas de mise ; il s'agit simplement d'une histoire s'inspirant d'un conte et dans lequel les personnages ne sont ni évidents ni caricaturaux, porteurs d'une action pleine de changements d'humeurs, de sentiments qui ne se réfugient pas dans un archétype. L'œuvre paraît ainsi plus riche et suscite un intérêt soutenu. Ceci est doublé par le regard nouveau apporté par les pas et un style collant au plus proche de l'original.

Sans être exhaustif dans l'énumération sans fin de détails infimes, il faut reconnaître que la conception de la danse change considérablement avec l'utilisation des demi-pointes (plutôt que d'avoir tous les pas sur pointe), les pirouettes effectuées de face (et non dans la diagonale), des genoux très fléchis peuvent donner l'impression d'un manque de propreté tant le regard est habitué à la pureté des lignes et s'attache habituellement à des critères visuels, alors qu'il s'agit de ne considérer que des critères esthétiques ; ces derniers sont favorisés par des tempi qui peuvent être, de fait, plus rapides. Les extensions – développés, arabesques, grande batterie – étant moins importantes, le temps pour les réaliser sont plus vifs : les danseurs peuvent faire montre d'une vélocité accrue et ne pouvant plus fasciner par des capacités gymniques (de grands écarts ou des arabesques trop hautes), ils doivent convaincre par une plus grande musicalité et un travail qui fait appel aux petits muscles des extrémités plutôt qu'aux muscles épais issus du tronc. Un simple changement de chorégraphie et toute une réflexion esthétique s'ouvre par ces aménagements ! Enfin, on observe aussi la filiation avec Bournonville dans certains pas : les grandes variations dans les figures géométriques (il y a finalement assez peu de manèges ou de diagonales), un langage plus riche avec une grande diversité dans les exercices de batterie, mais surtout l'apport d'Ivanov dans ce ballet connu pour ses actes blancs alors que les parties dévolues à Petipa paraissent mois fouillées et moins novatrices.

Le Ballet de la Scala possède donc désormais à son répertoire un Lac très particulier, qui lui permet de briller sans qu'il faille chercher à comparer avec les institutions légendaires telles que le Mariinski ou le Bolchoï, où le propos est autre. Ce style de danse convient parfaitement aux danseurs italiens qui peuvent utiliser leur réputation toujours active de danseurs véloces, leur grande rapidité d'exécution : à constater l'absence de grande danseuse russe dans le rôle principal, on réalise combien ce spectacle leur convient admirablement (à l'inverse on aura plutôt du mal à voir une Zakharova ou une Lopatkina dans l'aspect très réaliste de la production, qui ne cherche pas à défendre le sublime ou l'éthéré à tout prix).

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Dans ce contexte, parler des interprètes principaux revient à évoquer la manière avec laquelle ils s'approprient ce style : a parfois du mal à ne pas céder sur ses capacités de hauteur de jambe, mais elle compense avec une belle féminité des sentiments parfois contraires qui agitent la princesse prisonnière du Rothbart peu dansant (Alessandro Grillo), dont le costume est franchement raté (quitte à faire les plumes d'un oiseau, autant qu'elles soient belles et attirantes et non cassées comme celles d'un pigeon de Trafalgar Square !). Benno est un rôle masculin important, incarné par , mais c'est qui correspond le plus à l'image qu'on se ferait d'un Siegfried contemporain avec une fraîcheur juvénile. Pour terminer l'évocation de cette série, les décors sont figuratifs, très proches de ce que l'on peut voir dans Giselle de nos jours, avec un semblant de mélancolie nervalienne. L'utilisation de tutus longs qui tombent légèrement sur les jambes achève de donner l'aspect romantique à cette production que l'on ne se lasserait pas de revoir.

Crédit photographique : , © Brescia e Amisano Teatro alla Scala

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