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Munich. Nationaltheater. 28-X-2016. Gaetano Donizetti (1797-1848) : La Favorite, opéra en quatre actes sur un livret d’Alphonse Royer, Gustave Vaëz et Eugène Scribe. Mise en scène : Amélie Niermeyer. Décor : Alexander Müller-Elmau. Costumes : Kirsten Dephoff. Avec : Elīna Garanča (Léonor de Guzman) ; Matthew Polenzani (Fernand) ; Mariusz Kwiecien (Alphonse XI) ; Mika Kares (Balthazar) ; Josha Owen Mills (Don Gaspard) ; Elsa Benoit (Inès). Chœur et orchestre national de Bavière ; direction : Karel Mark Chichon.
Une œuvre théâtralement impossible, bien servie par quelques chanteurs d'exception.
Depuis que Nikolaus Bachler en a pris la tête, l'Opéra de Bavière a suivi avec constance la piste de l'opéra français et surtout italien de la première moitié du XIXe siècle qui n'était guère sa spécialité : certes, Edita Gruberova avait détenu pendant de longues années une sorte d'exclusivité sur quelques titres de bel canto, mais c'était bien tout. Quelques mois à peine après La Juive de Halévy, c'est autour de La Favorite de représenter sur la scène du Nationaltheater l'héritage de l'Opéra de Paris, en attendant sous peu un retour au berceau italien avec la Semiramide de Rossini.
Contrairement à La Juive, qui bénéficie d'un faux renom d'actualité du fait de son sujet, La Favorite n'a pas été confiée à un grand nom de la mise en scène lyrique. Le dilettantisme malhabile des librettistes en est sans doute la raison : est-il possible de trouver des excuses à tant de maladresse ? Amélie Niermeyer est une metteuse en scène expérimentée, sur la scène théâtrale plus qu'à l'opéra, et son travail ne manque pas de probité. Dans un décor de hauts modules constamment réagencés, elle règle les allées et venues avec soin, et, dans une direction d'acteurs raisonnablement efficace, elle parvient même à donner corps au seul personnage que le livret autorise un peu à vivre, celui de Léonor : aidée par la distinction naturelle de son interprète, elle souligne à quel point elle est étrangère au rôle indigne qu'on lui fait jouer, et on voit à chaque instant cette douleur sourde en elle – rendant ainsi d'autant plus brutale et artificielle l'agression verbale qu'elle subit de la part de Balthazar, que le reste du livret dépeint comme un saint homme, mais qui se distingue dans le final du deuxième par le zèle avec lequel il accable la victime plutôt que le coupable.
Même le travail le plus probe et le plus compétent n'y peut cependant rien : les nombreuses beautés musicales de l'œuvre justifient certes que l'œuvre sorte de son oubli, mais le festival de Salzbourg, déjà avec Elīna Garanča, avait sagement choisi il y a deux ans de la présenter en version de concert : l'Opéra de Munich n'aurait rien perdu à prendre la même décision, d'autant que le petit nombre d'interprètes maîtrisant ces rôles, a fortiori en version française, assure que cette production n'aura pas l'occasion de devenir un spectacle de routine.
Un couple authentiquement royal
Reste la musique, donc, même s'il est difficile avec une version scénique de s'abstraire de l'action. Le maître d'œuvre Karel Mark Chichon convainc presque entièrement par le soin qu'il prend à souligner toutes les couleurs, souvent sombres, qu'il trouve dans la partition ; ce n'est pas seulement qu'il soutient avec soin les chanteurs, mais il croit visiblement à la noblesse de cette musique. Ce qui arrive dans le final de certains actes, le grand final du deuxième acte notamment, mais aussi les dernières mesures de l'œuvre, est dans ces conditions absolument incompréhensible : soudain, la noblesse fait place aux décibels, les percussions s'en donnent à cœur joie, et les assauts de pompiérisme semblent n'avoir cure des efforts que font chanteurs et chœur pour suivre l'orchestre.
Heureusement, la distribution a pendant tout le reste de l'opéra largement le temps de montrer ses talents. Au nombre de ces talents, à vrai dire, ne figure pas la diction française : même la seule francophone de la distribution, Elsa Benoit, ne parvient pas à se faire comprendre, et ce jargon généralisé laisse clairement entendre que ce sont moins les interprètes eux-mêmes qui sont en cause que la préparation qu'ils ont suivie avant les représentations. En matière purement vocale, les choses sont heureusement plus favorables : certes, le chant monolithique, peu chaleureux, de Mika Kares n'aide pas à donner vie à son impossible personnage, mais le trio central est bien à la hauteur de l'œuvre.
Mariusz Kwiecień, manque un peu d'expression et de précision, mais son personnage est présent et somme toute efficace. Matthew Polenzani donne à son rôle une tournure plus héroïque qu'attendu et sans doute que nécessaire, mais son interprétation ne manque pas non plus d'instants plus méditatifs et intériorisés. Elīna Garanča est la noblesse même, avec un timbre somptueux qui se prête à merveille à toutes les nuances de la mélancolie. Une version de concert, en bon français, avec ce couple vraiment royal suffirait à notre bonheur.
Crédit photographique : © Wilfried Hösl
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Munich. Nationaltheater. 28-X-2016. Gaetano Donizetti (1797-1848) : La Favorite, opéra en quatre actes sur un livret d’Alphonse Royer, Gustave Vaëz et Eugène Scribe. Mise en scène : Amélie Niermeyer. Décor : Alexander Müller-Elmau. Costumes : Kirsten Dephoff. Avec : Elīna Garanča (Léonor de Guzman) ; Matthew Polenzani (Fernand) ; Mariusz Kwiecien (Alphonse XI) ; Mika Kares (Balthazar) ; Josha Owen Mills (Don Gaspard) ; Elsa Benoit (Inès). Chœur et orchestre national de Bavière ; direction : Karel Mark Chichon.
Quelle vilaine manie de critiquer la diction des chanteurs quand on ne sait plus quoi dire!… Pourquoi ne pas parler de la difficulté d’une œuvre en français écrit par un italien? Il est vrai que cela rend l’interprétation d’autant plus difficile, mais de là à dire qu’aucun des chanteurs n’ait une bonne diction, arrêtons!. J’ai trouvé au contraire que leur français était remarquable dans l’ensemble. Et je ne suis pas la seule. De toutes façons, toutes les critiques que j’ai lues à propos de cette Favorite divergent d’opinion et de contenu. Cela montre bien leur futilité…