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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 21-X-2016. Gaetano Donizetti (1797-1848) : L’Elisir d’Amore, melodramma giocoso en deux actes sur un livret de Felice Romani, d’après Le Philtre d’Eugène Scribe. Mise en scène, décors, costumes, lumières, chorégraphie : Stefano Poda. Dramaturgie : Paolo Giani Cei. Avec : Ismael Jordi, Nemorino ; Danielle de Niese, Adina ; Franco Pomponi, Belcore ; Enzo Capuano, Dulcamara ; Hanne Roos, Giannetta. Chœurs de l’Opéra national du Rhin (chef de chœur : Sandrine Abello), Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Julia Jones.
Pour sa première réalisation scénique en France, Stefano Poda s'affronte à l'Elixir d'Amour. « La légèreté est la chose la plus difficile à traiter pour moi, et la plus dangereuse » confie-t-il dans l'interview du programme de salle. Et en effet, son univers très conceptuel et symbolique s'accorde avec peine à l'apparente simplicité teintée d'humour de l'œuvre de Donizetti.
Avec plus de cent mises en scène d'opéra à son actif, Stefano Poda est loin d'être un inconnu. En véritable démiurge, il assure l'unité de ses spectacles en prenant en charge tout à la fois mise en scène, décors, costumes, lumières et chorégraphie. Souvent encensés par la critique et le public, certains ont même été captés pour le DVD comme Thaïs de Massenet (Turin, 2008), La Forza del Destino de Verdi (Parme, 2011) ou Faust de Gounod (Turin, 2015), qualifié de visionnaire par notre confrère Jacques Schmitt.
Pour l'Elixir d'Amour, Stefano Poda a imaginé un monde surréaliste, enfermé entre de hautes parois grumeleuses, où trône en élément central une pomme géante, mi-verte mi-blanche, symbole de celle que finiront par croquer Adina et Nemorino, mais aussi rappel du péché originel, référence à la pomme de Pâris qu'évoque Belcore dans son air d'entrée et hommage à Magritte. D'autre éléments viennent agrémenter ce décor : une Coccinelle Volkswagen et des coccinelles insectes qui grimpent sur les manteaux et la pomme ainsi qu'un énigmatique tas d'escarpins rouges qui intéressera beaucoup la coquette Adina. Comme dans certains tableaux de Max Ernst, la nature et la végétation envahissent tout : les murs, la voiture, les costumes abondamment fleuris et même les chapeaux des choristes.
Superbement mise en valeur par des éclairages rasants, cette scénographie puissamment onirique aux trois couleurs du drapeau italien va donc servir d'écrin à la bluette des amours contrariées d'Adina et Nemorino sans qu'on saisisse avec évidence le rapport entre les deux. Car en dépit d'une direction d'acteurs parfaitement travaillée et aboutie, Stefano Poda ne peut que se contenter de la narration linéaire d'un livret sans sous-entendu, dont le naturel et la simplicité bucolique font tout le prix. Et au final, on demeure dubitatif sur l'intérêt d'une telle débauche d'intentions et de moyens pour une œuvre qui n'en demandait pas tant.
Avec son abattage scénique habituel, sa vocalise souple et déliée et ses aigus acidulés, Danielle de Niese s'amuse visiblement à camper une Adina piquante et délurée. Doté d'une émission très naturelle, Ismael Jordi emporte l'adhésion en Nemorino subtil et nuancé, aux magnifiques demi-teintes et mezza voce. Sa romance « Una furtiva lagrima » rêveuse et d'une intense poésie déclenche les ovations d'un public charmé. Plus brutale d'émission, plus lourde dans la vocalise, la voix de Franco Pomponi convient finalement bien au matamore Belcore, tout en muscles et en fatuité. En revanche, avec son timbre élimé et sa projection confidentielle qui le fait disparaître dans ses duos avec Nemorino ou Adina, Enzo Capuano ne réussit pas à donner le relief et la verve nécessaires à son Dulcamara. Quant à Hanne Roos, elle parvient en seulement quelques répliques à marquer en Giannetta et à en dessiner bien plus que l'habituelle silhouette.
Dirigeant l'Orchestre symphonique de Mulhouse, à la pulsation rythmique parfois un peu pesante mais aux bois subtils et éloquents, Julia Jones assure parfaitement une vivacité, un allant et une mise en place très correcte en un soir de première. Si les scènes de pure comédie, comme l'arrivée de Dulcamara, manquent de rythme et d'esprit, on en tiendra pour responsable la prudence avec laquelle Julia Jones les aborde, en terme de tempo notamment, souhaitant probablement ménager son interprète. Trop souvent cantonné sur les côtés du décor, le Chœur de l'Opéra national du Rhin semble bridé et ne donne pas cette fois sa pleine mesure mais réalise néanmoins une prestation parfaitement respectable.
Crédit photographique : Ismael Jordi (Nemorino) / Danielle de Niese (Adina) / Franco Pomponi (Belcore) © Klara Beck
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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 21-X-2016. Gaetano Donizetti (1797-1848) : L’Elisir d’Amore, melodramma giocoso en deux actes sur un livret de Felice Romani, d’après Le Philtre d’Eugène Scribe. Mise en scène, décors, costumes, lumières, chorégraphie : Stefano Poda. Dramaturgie : Paolo Giani Cei. Avec : Ismael Jordi, Nemorino ; Danielle de Niese, Adina ; Franco Pomponi, Belcore ; Enzo Capuano, Dulcamara ; Hanne Roos, Giannetta. Chœurs de l’Opéra national du Rhin (chef de chœur : Sandrine Abello), Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Julia Jones.
J’ai trouvé la mise en scène vulgaire et prétentieuse. Vulgaire, car débordante de travelos-SM se tortillant sur scène (je croyais qu’on était enfin débarassés de cette mode douteuse entre le post Fassbinder et le pré JP Gauthier)…. Prétentieuse, car, encore une fois, on a affaire à un metteur en scène qui considère que le texte et la musique d’un auteur doivent être à son service, plutôt que l’inverse. Ainsi, les choeurs sont plantés comme des piquets, notamment quand ils accueillent Dulcamara (si F Poda n’était pas italien, je me serais demandée s’il comprenait le texte!). Et Poda se permet de changer le texte ! Le « clou » est que l’elixir est en fait du vin de Bordeaux (ce qui explique l’ivresse et la sensation de chaleur décrites par Nemorino ) …. mais FP transforme le vin en … thé !!!!! N’est-ce pas absolument ridicule ??????
Heureusement, les deux protagonistes chantent bien. Dulcamara en revanche est un peu faible : inaudible dans les trios. Et enfin, je dois dire que le mauvais goût de la mise en scène n’a pas gâché mon plaisir : Donizetti est au dessus de tout cela.
Je veux bien que Donizetti soit « au dessus de tout ça », mais quel est l’intérêt d’aller à l’opéra en se bouchant les yeux ?