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Un Or du Rhin inventif et musical à Karlsruhe

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Karlsruhe. Staatstheater. 7-II-2016. Richard Wagner (1813-1883) : Das Rheingold (L’Or du Rhin), prologue de L’Anneau du Nibelung, sur un livret du compositeur. Mise en scène : David Hermann ; décors : Jo Schramm ; costumes : Bettina Walter. Avec : Renatus Meszar (Wotan) ; Seung-Gi Jung (Donner) ; Cameron Becker (Froh) ; Matthias Wohlbrecht (Loge) ; Jaco Venter (Alberich) ; Klaus Schneider (Mime) ; Yang Xu (Fasolt) ; Avtandil Kaspeli (Fafner) ; Katherine Tier (Fricka) ; Agnieszka Tomaszewska (Freia) ; Ariana Lucas (Erda)… Badische Staatskapelle ; direction : Justin Brown.

Le Ring en une soirée : beau début pour un nouveau cycle wagnérien à Karlsruhe.

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En Allemagne, le Ring n'est pas réservé aux grandes scènes à vocation internationale. Pendant qu'en France les édiles de Bordeaux, Nantes ou Lille jugent que leurs administrés peuvent bien, pour ainsi dire, se passer d'opéra, Karlsruhe entame en 2016 sa troisième production du Ring en moins d'un demi-siècle, plus qu'à l'Opéra de Paris. Comme une production fameuse à l'Opéra de Stuttgart il y une bonne décennie, ce nouveau cru, produit sur une seule année, confie les quatre volets du cycle à quatre metteurs en scène différents, tous âgés de moins de quarante ans. C'est David Hermann qui est chargé du prologue : la solution qu'il propose ne serait sans doute pas possible s'il avait dû assumer tout le cycle, mais, sur cette seule soirée, elle se justifie parfaitement.

Il faut pourtant un bon moment avant d'entrer dans le vif du sujet. La première scène fait craindre un avatar bricolé de Chéreau, à peine mâtiné d'un peu de Castorf, dans des couleurs particulièrement tristes. Le décor, plus fonctionnel que poétique, n'est pas le point fort de la soirée, et certains costumes sentent aussi leurs années 70, et pas dans le bon sens du terme. Ce qui finit par convaincre, et c'est heureux, c'est la conception de David Hermann, qui part d'un postulat incontestable : tous les beaux plans que Wotan, dans la suite du Ring, va échafauder pour reprendre l'anneau sont voués à l'échec. C'est toute l'histoire du Ring que Hermann raconte dans ce prologue, avec un sens aigu des coïncidences : ce que rêve Wotan au début de la deuxième scène, c'est le premier acte de La Walkyrie, le dragon que tue Siegfried n'est autre qu'Alberich sous le Tarnhelm, et le meurtre de Fasolt trouve son écho dans le meurtre de Gunther par Hagen. Mais c'est à la toute fin de l'opéra que tout ceci prend son sens : tandis que les dieux insensés fêtent leur triomphe en entrant au Walhalla, Loge joue avec les corbeaux de Wotan, et Erda rend son or au Rhin. Les deux actions parallèles trouvent ainsi leur limpide conclusion – limpide du moins pour les spectateurs qui connaissent déjà bien leur Ring. Tant pis si certains détails (le flirt plus que poussé de Fasolt et Freia) agacent par moments : il y a là une conception forte menée avec intelligence et subtilité.

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Un vrai théâtre musical

Mais bien sûr, dans la province allemande, où les places les plus chères valent 45 €, on ne peut s'attendre au même niveau de qualité musicale que sur les grandes scènes internationales. C'est du moins ce qu'aimeraient croire ceux qui paient à prix d'or les places des salles les plus prestigieuses : bien sûr, la n'est pas le meilleur orchestre du monde, et ne fait pas oublier le travail insensé d'intelligence et de raffinement d'un Petrenko à Bayreuth et à Munich. Mais sa lecture vive, maîtrisée et intensément théâtrale réussit à sa façon à emporter le spectateur. Voilà un vrai chef d'opéra, au service des chanteurs autant que de l'orchestre : c'est infiniment préférable aux maniérismes sans tension des Wagner parisiens de Philippe Jordan !

Et ces chanteurs, presque tous issus de la troupe du Staatstheater, ne sentent eux non plus pas la province. La distribution féminine, malgré une belle Fricka, convainc à vrai dire moins, et il est certainement plus simple de trouver un bon Alberich et un bon Froh qu'une bonne Brünnhilde ou un bon Siegfried : reste que, pour ne citer qu'eux, et Cameron Becker se montrent souverains dans ces rôles, et le Wotan de en vaut bien d'autres plus connus. L'acoustique d'une salle de taille moyenne est naturellement plus favorable aux voix que les grands espaces de Bastille ou du Met, mais après tout, le Ring n'a pas été conçu pour un hall de gare. Rien ne préjuge de la réussite théâtrale des épisodes suivants de ce Ring, mais une telle qualité musicale donne confiance en l'avenir.

Crédit photographique : © Falk von Traubenberg/Staatstheater Karlsruhe.

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Karlsruhe. Staatstheater. 7-II-2016. Richard Wagner (1813-1883) : Das Rheingold (L’Or du Rhin), prologue de L’Anneau du Nibelung, sur un livret du compositeur. Mise en scène : David Hermann ; décors : Jo Schramm ; costumes : Bettina Walter. Avec : Renatus Meszar (Wotan) ; Seung-Gi Jung (Donner) ; Cameron Becker (Froh) ; Matthias Wohlbrecht (Loge) ; Jaco Venter (Alberich) ; Klaus Schneider (Mime) ; Yang Xu (Fasolt) ; Avtandil Kaspeli (Fafner) ; Katherine Tier (Fricka) ; Agnieszka Tomaszewska (Freia) ; Ariana Lucas (Erda)… Badische Staatskapelle ; direction : Justin Brown.

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3 commentaires sur “Un Or du Rhin inventif et musical à Karlsruhe”

  • Philippe Hemsen dit :

    Ahahhahahaha !!! J’adore ! Quand les critiques d’occasion tentent aussi bien qu’ils le peuvent de défendre les productions du Regietheater et qu’il se prennent les pieds dans le tapis… Ainsi, par exemple ici… Pour justifier la laideur incommensurable de cet Or du Rhin, notre critique d’occasion lance la belle affirmation suivante : « c’est la conception de David Hermann, qui part d’un postulat incontestable : tous les beaux plans que Wotan, dans la suite du Ring, va échafauder pour reprendre l’anneau sont voués à l’échec. »… Eh bien ! Pas du tout… Ça, ce n’est pas la conception de l’interprétateur scénique Hermann, c’est l’idée de Richard Wagner lui-même dont ont aimerait qu’elle fût réellement mise en scène par M. Hermann !!!

    • Musicasola dit :

      C’est l’idée de Wagner, bien sûr, d’où l’usage du mot « incontestable ». L’idée de Hermann, c’est de le montrer en contrepoint à l’action propre de ce prologue. Vous remarquerez en outre que j’ai mentionné mes fortes réserves sur le décor – la laideur de la première scène n’ayant rien à voir avec le Regietheater, mot dont j’aimerais d’ailleurs bien qu’on me donne un jour une définition qui en fasse autre chose qu’une manière d’insulter les artistes dont on n’aime pas le travail.

  • HELENE ADAM dit :

    En tous cas merci pour ce Cr, cet Or a été peu commente malgré son évident interet

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