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Bayreuth. Festspielhaus. 22-VIII-2016. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, action en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Katharina Wagner ; décors : Frank Philipp Schlöβmann et Matthias Lippert ; costumes : Thomas Kaiser ; lumières : Reinhard Traub. Avec : Stephen Gould (Tristan) ; Georg Zeppenfeld (le roi Marke) ; Evelyn Herlitzius (Isolde) ; Iain Paterson (Kurwenal) ; Raimund Nolte (Melot) ; Christa Mayer (Brangäne) ; Tansel Akzeybek (un Berger, un Pilote) ; Kay Stiefermann (un Jeune Marin). Chœur du Festival de Bayreuth (chef de chœur : Eberhard Friedrich) ; Orchestre du festival de Bayreuth ; direction : Christian Thielemann.
Pour sa deuxième année à Bayreuth, le Tristan signé Katharina Wagner peine à imposer sa rhétorique laborieuse de l'amour absolu et impossible.
Certes, on ne saurait reprocher à Katharina Wagner d'avoir pris de court ses détracteurs avec ce Tristan und Isolde (voir notre compte-rendu 2015) mais la question qui se pose à présent est de savoir comment se présente la reprise d'une production, si monotone au premier abord.
Le regard bute toujours à l'ouverture du rideau sur cet épais enchevêtrement d'escaliers censés signifier les impasses et les fausses routes qui font de la rencontre amoureuse un véritable parcours du combattant. Comme dans un mauvais rêve, le dédale mouvant se complique de couloirs qui n'aboutissent jamais. Les deux amants s'aperçoivent, se frôlent même, mais ne peuvent se toucher car un escalier les sépare. Tout fonctionne comme si la rencontre avait déjà eu lieu, l'enchaînement des événements ne menant qu'à un philtre de convention, qu'ils verseront de concert sur leurs mains enlacées comme pour sceller leur pacte fatal.
Les références insistantes à Piranèse et Escher exigeraient presque davantage de fantaisie, plutôt que ces lignes de fuites trop rectilignes et cette couleur générale invariablement sombre et sans relief. Isolde arrache et déchiquète le voile de tulle nuptial qu'on cherche à lui imposer et dont il ne restera que la blanche couronne en guise de résumé de la situation – idée certes banale mais qui a le mérite de donner un rythme visuel à un ensemble peu excitant.
La chambre-prison du deuxième acte, Marke et ses sbires voyeuristes en costume jaune canari et les poursuites lumineuses qui tombent comme d'un mirador ne convaincront pas grand monde, sauf à accepter encore une fois l'idée que tout est joué d'avance et que le duo d'amour se réduit (merci Neuenfels !) à une forme d'expérience de laboratoire. L'esthétique concentrationnaire de ces personnages prisonniers de cercles de métal aux allures de garage à vélos prête désormais à sourire. Seul le reflet liquide des deux amants sur le mur de fond parvient à créer une osmose avec le sur-place hypnotique du flux musical au moment culminant. De même, la longue attente des compagnons de Tristan et des teintes alla Brueghel entre chien et loup feront du début du III un moment très réussi, déséquilibré par une Liebestod à la conclusion – hélas – triviale.
Succédant à Evelyn Herlitzius, c'est Petra Lang que nous retrouvons dans le rôle d'Isolde. C'est un pari risqué auquel elle se livre ; en témoignent ces aigus qui s'échappent en fin de phrases comme autant de dérapages plus ou moins contrôlés. Elle a du mal à convertir en flux homogène cette l'énergie tellurique qui fait d'elle l'une des meilleures Ortrud actuelles. La ligne invariablement musculeuse met à nu une fragmentation excessive en guise de ciselure. C'est d'autant plus dommageable quand on mesure l'attention que Stephen Gould porte aux détails expressifs de son Tristan. Moins immédiatement démonstratif, le héros bénéficie d'une surface vocale généreuse dans le III, malgré quelques signes de fatigue au II. Le Marke de Georg Zeppenfeld est remarquable de poids et de couleur, mélange idéal quand il s'agit de camper l'inédite cruauté dont l'affuble la mise en scène. Le Kurwenal de Iain Paterson se tient en retrait, tout comme le Melot peu contrasté de Raimund Nolte. Aussi engoncé dans le rôle du pilote que du berger, Tansel Akzeybek ne marque pas les esprits, bien moins en tous cas que la remarquable Christa Mayer, Brangäne à la musicalité subtile et lyrique.
Le poli et la projection de l'orchestre de Christian Thielemann sont rarement mis en défaut. Est-ce une raison suffisante pour pouvoir parler d'une adéquation de cette direction avec les méandres et les pièges de Tristan ? La probité remplace souvent l'inspiration et la tenue irréprochable ne se plie jamais aux demi-teintes du drame et de l'émotion.
Crédits photographiques : © Enrico Nawrath
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