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Mélancolie et séduction dans le Siegfried de Castorf à Bayreuth

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Bayreuth. Festspielhaus. 23-VIII-2016. Richard Wagner (1813-1883) : Siegfried, opéra en trois actes sur un livret du compositeur, troisième journée de L’Anneau du Nibelung. Mise en scène : Frank Castorf ; décor : Aleksandar Denić ; costumes : Adriana Braga Peretzki ; Lumières : Rainer Casper ; Vidéo : Andreas Dienert, Jens Crull. Avec : Stefan Vinke (Siegfried) ; Andreas Conrad (Mime) ; John Lundgren (Der Wanderer) ; Albert Dohmen (Alberich) ; Karl-Heinz Lehner (Fafner) ; Nadine Weismann (Erda) ; Catherine Foster (Brünnhilde) ; Ana Durlovski (Oiseau de la forêt). Orchestre du Festival de Bayreuth ; direction : Marek Janowski.

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Magistral Siegfried, en grande partie grâce à l'orchestre enfin révélé de , parfaitement secondé par un plateau de haut niveau.

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On aurait pu croire le public « apprivoisé » à la présence des (trop) fameux crocodiles qui surgissent dans la conclusion de Siegfried sur l'Alexanderplatz ; il n'en est rien. Des hurlements haineux s'élèvent dès que le rideau se referme, agrémentés ici et là par des débuts d'échauffourées dignes des premières années de la production Boulez-Chéreau. Que venait donc chercher ce bruyant public ? On peut se le demander… sauf à considérer que Chéreau sert désormais d'horizon esthétique après avoir été voué aux gémonies par les générations précédentes. Curieuse loi des séries à Bayreuth…

Impossible pourtant de se défaire de cet éblouissement quand apparaît dans les ténèbres, ce Mont Rushmore revisité par le talent d'Aleksandar Denić. Tétralogie du dérisoire et du sinistre, ce sont Marx, Lénine, Staline et Mao qui nous font face en guise de décor psychologique et brutal. Au dos de ce lieu désertique où Mime a élu domicile, se trouve une Alexanderplatz composée d'éléments ultra-réalistes dont le rapprochement incongru traduit une indicible poésie.

La complexité inouïe des rotations du décor sert d'écrin à une lecture à la fois candide et nostalgique du drame de Wagner. Le turbulent (et insupportable) héros germanique sert de repoussoir à Castorf, qui préfère mettre en valeur les souvenirs et les peurs de l'enfance. Après tout, la conquête de Brünnhilde, et à travers elle le sentiment amoureux en général, n'est-il pas réservé à celui qui saura dominer sa peur ? De la forge émergeront Notung et une Kalashnikov, deux sinistres hochets que Siegfried exhibera tel un gamin ignorant le danger. Quatre ans plus tard, l'onirisme du III s'inscrit plus que jamais parmi les scènes les plus fortes de ce Ring ; une scène et un décor promis à rester dans l'imagerie « classique » des grandes productions bayreuthiennes.

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Le plateau est dominé par le Siegfried de , idéal successeur de Lance Ryan, en fin de carrière dans les premières années. Le ténor fait oublier une ligne pas toujours soignée par une manière remarquable de combiner le jeu et une émission jamais en défaut. La Brünnhilde de rivalise de prouesse dans une scène finale époustouflante magnifiée, pour la première fois depuis le début de ce Ring, par la direction de qui semble enfin libéré du démon de la prudence et de la demi-teinte. a désormais pris ses marques pour livrer un Mime de grande qualité. Ce gain notable est contrebalancé cette année par la modeste prestation de l'Oiseau acidulé d'… Heureusement, le Fafner de offre une admirable et abyssale surface vocale. Le Wanderer très prudent de prouve qu'il faut savoir s'économiser pour dominer un rôle aussi exigeant, tandis que surprend par une projection en retrait à laquelle elle ne nous avait pas forcément habitués jusqu'à présent.

On l'a dit, la vision « symphonique » de trouve dans Siegfried une dimension plus adéquate que dans les deux premiers volets. On traverse de vastes paysages sonores dans lesquels l'action se déploie admirablement. Étonnamment maladroit dans les préludes des trois actes, Janowski réussit à vivifier le propos et conclure brillamment.

 Crédits photographiques : © Enrico Nawrath

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