William Forsythe : nouvelle pièce pour le Ballet de l’Opéra de Paris

William Forsythe donne deux nouvelles pièces au Ballet de l'Opéra de Paris, en complément d'Approximate Sonata. Ce programme est porté avec jubilation par une nouvelle génération de solistes.

William Forsythe a créé le duo Of any if and en 1995 pour le Frankfurt Ballet, sur une musique de Thom Willems et avec des costumes de Stephen Galloway. Il transmet aujourd'hui cette pièce aux danseurs du Ballet de l'Opéra national de Paris, s'adaptant à des corps et à des personnalités bien différents de ceux de sa compagnie allemande. Léonore Baulac est une ballerine extrêmement fine et souple des épaules et des hanches. Elle pousse les torsions et les écarts à leur maximum, dans une hyper extension qui n'est jamais nerveuse. À ses côtés, Adrien Couvez est très musclé, précis et puissant.
Créatrice du rôle à Francfort, Dana Caspersen endosse le rôle de la narratrice, qui murmure en fond de scène des mots discontinus, dont certains sont reprise comme des mots clés sur des volets descendant des cintres. L'ancêtre des hashtags ! Thomas McManus, son partenaire de l'époque, a assuré avec Stéphanie Arndt cette transmission hautement technique.

Approximate Sonata, la deuxième pièce de ce programme, porte bien son nom. Cette sonate de Thom Willems est approximative car les danseurs semblent en répétition, s'interrompant et reprenant pour corriger une erreur ou la mauvaise position d'un pied. Le « Forsythe sur pointes » convient aux danseuses toutes en jambes que sont Alice Renavand et Marie-Agnès Gillot. Le vocabulaire chorégraphique est le même que celui de In the middle, somewhat elevated. Moins agressif et moins ostentatoire, il est tout aussi diablement efficace !
Quatre couples de danseurs se succèdent dans le désordre. Le premier, formé par Alice Renavand et Adrien Couvez, très à l'aise (alors qu'il est choryphée depuis 2010) donne le ton. Derrière eux, Marie-Agnès Gillot et Audric Bezard sont sur la même longueur d'ondes. Le couple Eleonora Abbagnato et Alessio Carbone n'ont dans cette distribution que la portion congrue, tandis qu'Hannah O'Neill, accompagné de Fabien Révillon, fait figure de révélation, avec ses superbes lignes et sa belle assurance.

Pour sa nouvelle création pour le Ballet de l'Opéra national de Paris, Blake Works I, William Forsythe s'inspire des musiques du jeune compositeur britannique James Blake, dont le troisième album The Color in Anything est sorti en mai 2016. Il a choisi sept chansons sur lesquelles la voix chaude du chanteur envahi l'espace du plateau et du théâtre. Ce choix d'un compositeur pop est pour le moins surprenant, de la part d'un chorégraphe iconoclaste et qui fut ultra contemporain. En vieillissant, William Forsythe semble avoir envie de simplicité, retrouvant un langage classique qui emprunte à George Balanchine et, de temps à autre, à ses propres créations. Comme Benjamin Millepied, il crée une « feel good dancing », visiblement jubilatoire pour les danseurs, mais qui n'a plus l'exigence conceptuelle de ses pièces d'il y a dix ou vingt ans et se révèle, de ce fait, décevante.
La jeune génération de danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris n'a aucune prévention et adhère totalement à la proposition du chorégraphe. En ouverture, Ludmila Pagliero, Léonore Baulac et Roxanne Stojanov, emmènent un corps de ballet galvanisé dans Forest Fire. Le trio qui suit sur Put that away est falot, voire niais. Plus complexe, Color in anything (la chanson titre de l'album) est un splendide duo de Léonore Baulac et François Alu, le seul en tenue de GI, alors que les autres interprètes sont en justaucorps gris bleu. Ludmila Pagliero et Léonore Baulac reviennent ensuite, accompagnée d'Hugo Marchand, Germain Louvet et tous les danseurs dans un I hope my life plus dynamique et rythmé, sur une chorégraphie collective plus convaincante que celle de l'ouverture. Après deux autres chansons, le spectacle s'achève sur Forever, un duo apaisé réunissant Ludmila Pagliero et Germain Louvet.

Photos : © Ann Ray / Opéra national de Paris