Plus de détails
Paris. Philharmonie 2 – Salle des concerts. 19-V-2016. Sébastien de Brossard (1655-1730) : Retribue servo tuo ; Miserere mei Deus ; Stabat Mater ; Ave verum corpus ; Pierre Bouteiller (1655?-1717?) : Missa pro defunctis. Les Arts Florissants, direction : Paul Agnew.
À la Cité de la Musique, Paul Agnew et les Arts Florissants mettent leur excellence au service de deux compositeurs provinciaux peu connus de l'époque de Louis XIV.
Le public est quelque peu clairsemé, pour un programme en apparence austère convoquant non les auteurs du grand motet de cour (Lully, Couperin, Lalande…), mais deux compositeurs plus modestes et touchés par d'autres influences. Sébastien de Brossard, prêtre envoyé comme maître de chapelle à la cathédrale de Strasbourg récemment rendue au culte catholique, et Pierre Bouteiller, qui exerçait la même charge à Châlons-en-Champagne, s'y rencontrèrent d'ailleurs lors d'un passage du premier, qui en repartit avec une copie de la Missa pro defunctis qu'il légua à la postérité.
Soutenus par un orgue positif et une viole de gambe (Florian Carré et Myriam Rignol, impeccables), les chanteurs commencent par trois motets de Sébastien de Brossard, enchaînés sans applaudissements comme demandé par Paul Agnew en introduction. On est frappé par la richesse et la beauté de l'écriture, permettant aux chanteurs d'exprimer un large spectre de sentiments. Cela fait penser à Couperin, mais les influences italiennes sont plus fortes : si ce n'était la prononciation française du latin, on croirait par moments entendre du Monteverdi, ou même du Vivaldi, mais des parentés sont aussi à trouver dans le programme Lamentazione concocté par les Arts Florissants il y a quelques années.
Le motet Retribue servo tuo à quatre voix se démarque par la diversité des procédés employés, un peu à la manière du motet allemand de la même époque : chœurs, solos dans différentes configurations, passages a capella, fugues… La relative rigueur du texte n'empêche pas une certaine sensualité, notamment dans la voix de taille de Benjamin Alunni. Dans le Miserere pour voix de femmes, le chœur, placé au balcon, alterne avec les deux solistes sur scène, qui offrent un très beau contraste de voix : assurée et bien assise chez Juliette Perret, plus expressive chez Rachel Redmond. Le Stabat Mater, en effectif complet, se révèle très beau, très habité, et par endroit véritablement poignant.
Stylistiquement assez proche, la Missa pro defunctis (un Requiem) de Pierre Bouteiller révèle une écriture tout aussi subtile et recherchée. Les Arts Florissants excellent tant à en exprimer la magnificence (comme dans l'Agnus dei, lumineux et éclairé de subtiles dissonances), qu'on en vient à souhaiter la réentendre dans l'acoustique d'une église.
Le faux bis (les paroles ont été imprimées sur le programme !), un court Ave verum de Sébastien de Brossard, réserve une dernière surprise : à quatre voix a capella, il évoque furieusement le choral protestant.
Crédits photographiques : Les Arts Florissants © DR
Plus de détails
Paris. Philharmonie 2 – Salle des concerts. 19-V-2016. Sébastien de Brossard (1655-1730) : Retribue servo tuo ; Miserere mei Deus ; Stabat Mater ; Ave verum corpus ; Pierre Bouteiller (1655?-1717?) : Missa pro defunctis. Les Arts Florissants, direction : Paul Agnew.