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Médée ou la folle par amour

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Dijon. Auditorium. 17-V-2016. Luigi Cherubini (1760-1842) : Médée, opéra comique en trois actes sur un livret de François-Benoît Hoffmann, version originale de 1797. Adaptation, Jean-Yves Ruf et Stephen Sazio. Mise en scène, Jean-Yves Ruf ; scénographie, Laure Pichat ; costumes, Claudia Jenatsch ; chef de chant, Bertrand Halary ; chef de chœur, Anass Ismat. Avec Tineke van Ingelgem, Médée ; Avi Klemberg, Jason ; Frédéric Goncalves, Créon ; Magali Arnault Stanczak, Dircé ; Yete Queiroz, Néris ; Dima Bawab et Léa Desandre, suivantes de Dircé. Orchestre Dijon Bourgogne et Chœur de l’Opéra de Dijon ; direction musicale Nicolas Krüger.

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En adaptant l'histoire sanglante de Médée, le metteur en scène et le dramaturge Stephen Sazio actualisent le mythe en mettant en relief les désordres occasionnés par la passion amoureuse d'une femme extrême dans ses débordements.

IMG_6601 Médée © Gilles Abegg_Opéra de Dijon

La version musicale qu'offre de l'histoire de Médée est, à bien des égards, complexe. À la diversité des styles qu'elle aborde se rajoute la présence inhabituelle du langage parlé, qui présente des problématiques tout aussi complexes. La mise en scène de est tout à fait appropriée au propos. Qu'il s'agisse des sombres parois métalliques aux reflets changeants dont la scène est tapissée, ou encore de la grille mobile en forme de moucharabieh qui ferme la scène avant les actes I et III, c'est toute la scénographie qui évoque la prison du cœur assujetti à sa passion. Prison dans laquelle Médée s'agite comme une mouche prise au piège des filets du désordre, livrée à l'ivresse de la vengeance. Les éclairages renforcent habilement les noirs desseins de l'héroïne. Le monde parallèle à celui-là, celui de Dircé et de Créon, est suggéré par des panneaux métalliques qui se transforment en portes et par la lumière qui met en valeur les costumes blancs ou pastel.

Le besoin de moderniser les dialogues peut paraître iconoclaste. Le texte, pourtant, actualise l'action, comme le montre ce qui subsiste du langage original dans les parties chantées de l'ouvrage. Ces vers reflètent toute la rhétorique de la fin du XVIIIe siècle, la césure régulière des alexandrins convenus étant de surcroît mise en valeur par le musicien : « Ah, c'est trop s'occuper d'un présage funeste / Ma fille, espérons tout de la bonté céleste ». Ces paroles de Créon en disent long sur la phraséologie de l'époque révolutionnaire… Certains verront aussi dans l'usage discret d'un fond sonore électroacoustique, pour le texte déclamé, une précaution inutile pour accentuer le suspense et le drame. On est peut-être là proche des techniques cinématographiques, mais la discrétion du procédé ne mérite pas que l'on s'y arrête.

IMG_5067 Médée © Gilles Abegg_Opéra de Dijon

possède une jolie voix assez puissante, et elle interprète avec goût le rôle de Dircé ; donne le poids nécessaire à celui de Créon. a été très justement applaudie à l'issue du solo de Néris. campe un Jason assez embarrassé, partagé entre ses ambitions politiques et sa fascination pour son « ex ». Sa voix semble parfois techniquement sous pression, mais son jeu traduit la domination qu'exerce Médée sur lui. fait une entrée fracassante sur la scène : de noir et de rouge vêtue, perchée sur des talons vertigineux, elle a tout de la femme fatale. Sa voix passe aisément de la parole (amplifiée) au chant, et c'est surtout dans le troisième acte qu'elle donne toute la mesure de son talent d'actrice : balancer entre « la Nature » et la vengeance est sans aucun doute ce qu'elle traduit le mieux.

On loue sans réserve les interventions des chœurs de l'opéra  : plénitude sonore et dynamisme sont au rendez-vous. Quant à l'orchestre, sous la baguette de , il se montre à la fois lyrique et emporté, réactif et efficace avec un phrasé délicat et de bon goût, ainsi que des nuances distillées à bon escient. Se distinguent notamment la flûte dans l'air de Dircé au premier acte, le hautbois lors de la préparation des noces, et le basson qui nous fait vibrer lors de l'air de Néris.

Crédits photographiques © Gilles Abegg / Opéra de Dijon

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