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Un destin brisé : le compositeur et pianiste Toivo Kuula assassiné

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Jean-Luc Caron, musicologue spécialisé dans l’étude et la diffusion de la musique nord-européenne, entraîne depuis quelques années les lecteurs de Resmusica dans une ballade étonnante en pays scandinaves. Pour accéder au dossier complet : Brèves scandinaves

 

kuulaL'histoire dramatique de la Finlande tout au long du premier XXe siècle fut marquée par une succession de conflits armés douloureux, de choix politiques contestables et de troubles sociaux sources de drames politiques et individuels.

Jean Sibelius traversa l'ensemble de cette période terrible. Il échappa à de nombreux dangers mortels et sortit indemne de la guerre civile. En effet, les partisans de la tradition, les possédants, souvent germanophiles  (« les Blancs ») combattirent  durement les défenseurs prolétaires, sympathisants communistes et proches de l'URSS (« les Rouges »). La renommée internationale de Sibelius vint renforcer la sympathie occidentale envers la Finlande. D'autres personnalités musicales œuvrèrent au bénéfice de la musique mais souvent avec un penchant nationaliste s'inscrivant logiquement dans le cadre des événements douloureux qui meurtrirent le petit pays « coincé » entre son désir ardent de liberté et d'indépendance et l'authentique menace soviétique.

(1883-1918), compositeur et pianiste, né à Vasa, issu d'une famille très pauvre et très religieuse, gravit peu à peu les marches menant à la reconnaissance de ses compatriotes.  A Helsinki en 1900,  il étudia à l'Institut de musique sous la houlette du réputé Martin Wegelius, ancien maître de Sibelius. Faute de moyens, il abandonna son cursus, retourna à Vasa, fonda un orchestre amateur pour les travailleurs, donna des leçons privées, joua des danses populaires et composa jusqu'à, peu à peu, se hisser au meilleur niveau. Il travailla le violon, fréquenta le soliste Viktor Nováček et le chef Armas Järnefelt (beau-frère de Sibelius),  se lia d'amitié avec Leevi Madetoja, figure musicale majeure de l'époque et eut le privilège de devenir le premier élève privé en composition de Sibelius. De cette période datent deux œuvres qui le propulsèrent sur le devant de la scène finnoise : le Trio avec piano en la majeur et la Sonate pour violon en mi majeur. Après un séjour parisien en 1909, où il travailla avec Marcel Labey et Vincent d'Indy, fasciné, il découvrit au concert de nombreux chefs-d'œuvre. Plus tard, il assura et renforça sa percée, dirigea des orchestres, se produisit au piano en accompagnant sa femme la chanteuse Alma Silventoinen et voyagea (dont une nouvelle fois à Paris en 1913). Tout semblait se présenter au mieux.

Lorsque survint la guerre civile finlandaise il fut obligé de se cacher dans une cave, apeuré, affaibli et incapable de composer. Nous sommes en 1917. Il débuta l'écriture d'un Stabat Mater qui restera inachevé. pensait régulièrement que sa vie serait courte. Le destin allait lui donner raison, malheureusement. Au milieu des célébrations du 1er Mai 1918, peu de temps après la libération de la ville de Viipuri par les Blancs, deux semaines avant la fin de la guerre civile, des officiers organisèrent une soirée à l'hôtel Seurahuone. Toivo et Alma Kuula étaient les invités d'honneur. La soirée se déroulait normalement lorsque surgit un groupe de Chasseurs manifestement ivres. Une dispute puis une bagarre s'ensuivirent. Kuula, entraîné malgré lui dans la confusion,  tenta de se dégager, sortit, chuta dans la cour et fut abattu d'une balle dans la tête. Il entra dans le coma et décéda quelques semaines plus tard. Il reste encore des zones d'ombre non élucidées autour de ce dramatique événement.

Certains qualifièrent  de « romantique tragique de la musique finlandaise », pensant autant à sa musique qu'à son destin. Sa personnalité et souvent sa musique, mélancoliques, romantiques, sincères, le destinaient aux plus grands honneurs et à une place exceptionnelle. Sa réputation repose principalement sur ses œuvres vocales et quelques pièces de musique de chambre de haute tenue.

Toivo Kuula !  un destin brisé ? Nul ne songerait à le contester.

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