A l'occasion du 10e anniversaire de son Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon se lance dans une trilogie d'enregistrements choraux consacrés à du répertoire profane en langue allemande des XIXe et XXe siècles, en mettant notamment l'accent sur l'utilisation de la forme canon (ici à l'époque romantique, chez Schubert, Schumann, Brahms et Wagner). Loin donc du répertoire avec lequel il s'est fait connaître, surtout baroque et au premier chef JS. Bach et Rameau.
L'album qui nous intéresse ici est dédié à des chœurs féminins a cappella ou accompagnés à la harpe (en lieu et place du piano) à laquelle se joignent parfois deux cors, comme c'est le cas dans les fameux Vier Gesänge op. 17 de Brahms qui d'ailleurs clôturent ce disque. Mais la vraie originalité du programme dont les transcriptions sont essentiellement dues à Vincent Manac'h réside dans l'interprétation d'extraits du Ring de Wagner, en particulier le prélude de Das Rheingold, ici pour 24 voix de femmes, harpe, quatre cors et deux contrebasses, mais aussi le début du troisième acte du Götterdämmerung. Beaucoup de surprises donc et de délicats enchainements dans ce parcours ordonné en plusieurs tableaux illustrant différents aspects de la figure de la femme, tour à tour filles du Rhin, sirènes, pleureuses… et renvoyant aux mythes et légendes germaniques.
L'ensemble est remarquablement chanté et interprété par la formation féminine, homogène, riche en couleurs, nuances, subtilités (Wiegenlied de Schumann, à se pâmer !). Une petite restriction néanmoins, la prestation décevante de la soliste Bernarda Fink dans le célèbre Ständchen D. 920 de Schubert. Les instrumentistes qui accompagnent le chœur, au premier rang duquel il convient de mentionner le harpiste Emmanuel Ceysson, sont par ailleurs fort convaincants.
Un disque intéressant et surprenant, au charme fou, habilement concocté comme à son habitude par Raphaël Pichon qui confirme une fois de plus sa curiosité et son talent dans des répertoires et époques variés.