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Andrea Bocelli. Un sujet qui, au simple énoncé de son nom soulève la polémique. Depuis des années, les gazettes se déchaînent sur la légitimation du ténor toscan dans le landerneau de l'art lyrique.
Le crime de lèse-majesté que les réactionnaires de la musique classique ne supportent pas se nicherait-il dans l'énorme succès commercial du ténor ? Parce que les chiffres sont éloquents. Avec plus de 150 millions d'albums vendus, Bocelli caracole en tête des ventes de la musique classique. En deuxième place, la mezzo-soprano romaine Cecilia Bartoli ne peut se vanter que d'une petite douzaine de millions d'albums ! Certes, les enregistrements d'Andrea Bocelli n'embrassent pas que la musique classique. Ni d'ailleurs ceux d'Enrico Caruso ou de Luciano Pavarotti.
Ce succès commercial indéniable en fait-il pourtant un artiste ?
Il ne viendrait à l'idée de personne de nier qu'Edith Piaf, Jacques Brel, Billie Holiday, Serge Gainsbourg, Barbara ou Louis Armstrong ne sont pas des artistes. Ni d'ailleurs de le dire de Maria Callas, Luciano Pavarotti, Franco Corelli, Victoria di Los Angeles, Cecilia Bartoli, Boris Christoff, Ettore Bastianini ou Giuseppe di Stefano. Et plus près de nous de Joseph Calleja.
Quel est donc le point commun entre tous ces artistes (dont la liste n'est certainement pas exhaustive) ? Leur notoriété ? Certes non, puisqu'elle n'est que le résultat de leur point commun. Et ce point commun, c'est le son de leur voix. Même avec une écoute inexpérimentée, il est impossible de ne pas reconnaître la voix de l'un ou de l'autre de ces chanteurs. Trois ou quatre notes suffisent à les identifier.
Et alors Andrea Bocelli ? Qu'il chante son succès « Con te partirò » ou « Che gelida manina » de La Bohème de Puccini, sa voix est immédiatement reconnaissable. Alors, que valent ces polémiques au sujet de ce chanteur que tant de « spécialistes » n'ont jamais voulu accepter ? D'avoir d'abord forgé son premier succès avec une rengaine aux accents estivaux de bords de mer italiens avant de se faire connaître dans l'art lyrique n'a certes pas aidé à sa popularité au sein de la « musique sérieuse ». Jusqu'ici, les grands chanteurs commençaient à l'opéra puis se lançaient dans la chanson. Andrea Bocelli a fait la route inverse.
Dès lors, on a tôt fait de juger le chanteur. L'argument mis immédiatement en avant se référait à la prétendue puissance limitée de sa voix. À la sortie de son premier album lyrique, « Viaggio italiano » enregistré en 1995, les critiques anglo-saxons louaient la qualité d'une voix claire mais relevaient la petitesse de son volume. À cette époque, personne n'avait entendu Andrea Bocelli « live » ! Tant pis pour le choc évident que cet album génère auprès du public et chez quelques critiques, la réputation du ténor de chansonnettes osant se frotter au répertoire lyrique est établie. Une réputation qui va le poursuivre pendant plusieurs années, quand bien même (et peut-être à cause) la vente de ses albums continue de bousculer toutes les statistiques.
Certes le triomphe commercial du ténor toscan est une manne dont les producteurs ont largement profité. Reste l'artiste. Sa production discographique imposante compte plus d'albums de musique lyrique que de variété. Outre onze opéras complets et six disques de récital, Andrea Bocelli est le ténor du Requiem de Verdi sous la direction de Valéry Gergiev. Quand on sait qu'à ses côtés, se trouvent la soprano Renée Fleming, la mezzo Olga Borodina et la basse Ildebrando D'Archangelo, on peut bien penser que le ténor n'a pas été choisi aux seules fins de la vente de cet enregistrement.
Et puis, si on peut imaginer que Franco Corelli a accepté d'être son professeur de chant pendant plusieurs années par besoins économiques, Luciano Pavarotti était au sommet de son art quand il a pris Andrea Bocelli sous son enseignement. Et ce n'est pas par effet commercial que Gianandrea Noseda dirige son album « Aria » en 1998, ni que le chef coréen Myung-Whun Chung le dirige dans « Arie sacre » et dans le coffret de Carmen de Bizet.
Aujourd'hui, plus de vingt ans après ses débuts, la voix d'Andrea Bocelli reste toujours aussi belle même si elle laisse apparaître quelques signes de fatigue. Peu de ténors peuvent se targuer d'une aussi longue et pareille carrière. Encore en parfaite santé vocale, l'an dernier, Andrea Bocelli enregistrait le Calaf de Turandot. Une interprétation saluée par la critique.
Mais ses succès, ses excellentes appréciations n'ont guère eu les mêmes échos auprès de certains critiques ! Étrange, de la part de ces chantres du goût. Est-ce la concurrence d'un Roberto Alagna qui freine certains à admettre les qualités artistiques d'Andrea Bocelli ? Celui qui, un jour, a décrété que Andrea Bocelli n'était pas un artiste a aujourd'hui beaucoup de peine à revenir sur son jugement. Et pourtant ! Un peu d'humilité, un atome d'objectivité, une écoute un peu plus fine du ténor, le contraindraient à admettre l'évidence. Andrea Bocelli est un artiste !
Allons, Messieurs les censeurs, un petit effort. Écoutez son magnifique legato dans « Dalla paterna mano » du Macbeth de Giuseppe Verdi (« Viaggio Italiano » enregistré en 1996), son généreux et brillant « Di quella pira » (Il Trovatore enregistré en 2004), son extraordinaire interprétation du rôle-titre d'Andrea Chénier de Umberto Giordano (2007), ou son touchant « Non piangere Liù » du Turandot de Puccini (2014) et son très beau Des Grieux de Manon Lescaut de Puccini (2014). Peut-être alors reviendrez-vous à de meilleurs sentiments concernant Andrea Bocelli !
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la rédaction.
Pas très convaincu par certains arguments, notamment ceux concernant les disques .
Il faut bien vivre et vendre et si vraiment il est porteur dans un marché sinistré on comprend qu’il ait été choisi par exemple pour le requiem de Verdi …
J’avoue que je ne le connais absolument pas et suis en train de le découvrir sur You Tube / écoute des « greatests hits », sans doute pas ce qu’il faut écouter pour être convaincu qu’il s’agit d’un artiste .
On est plutôt là devant un gentil chanteur un peu époumoné digne de la fête du 14 juillet à Borme les mimosas mais le répertoire n’est pas top .
Passage à Verdi/celeste aida avec toujours déceptions et interrogations puis Puccini/Tosca ou on peut comprendre l’affection de certains, pas si mal sur le plan technique même si la voix n’est pas très belle .
Pour moi c’est un artiste, sans douter une seule seconde, il a une voix superbe. Avez vous entendu « Canto Della Terra » ? Je pense que l’erreur faites ici est de vouloir le mettre à tout prix dans la catégorie des chanteurs d’opéra, alors qu’il a tout simplement choisi de chanter des styles divers, et a chanté avec des grands artistes, et se démarque des musiques commerciales actuelles.
Ensuite, ce n’est pas parce qu’il ne rentre pas dans la case absolu des chanteurs d’opéras du fait de son style varié, qu’il faut carrément remettre en question son statut d’artiste. Pour moi un artiste, c’est utiliser l’art comme moyen d’expression avant tout. Pour le reste, commerce et tout, on est malheureusement dans une société où il faut vendre son art…C’est bien triste, mais est-ce de sa faute? Je pense qu’on ne peut le blâmer alors qu’il fait de l’excellent travail, on devrait plutôt remettre en question les artistes commerciaux qui passent leur temps à se montrer à poil pour faire vendre….
Je pense que l’article tend trop à le juger dans un sens qui n’est pas le bon, et du coup cela nous fait passer à côté de la richesse de son talent. Et si au lieu de le juger sur ce qu’on attends de lui, et le mettre dans un rôle qu’on aimerait, on prenait tout simplement ce qu’il fait pour ce que c’est. Un artiste superbe et d’autres chanteurs ont une tessiture de voix qui leur permette de chanter non seulement des airs classiques ou lyriques mais des choses plus variés. Et c’est là le vrai trésor, tout comme en dessin, on ne devrait pas attendre qu’un artiste ne fasse qu’un seul style,, mais au contraire lui laisser la chance d’exprimer son talent de multiple façon. J’avoue que je suis quand même peiné voir choqué du titre de cet article, sincèrement quand je vois l’étendue de son talent, que peu d’artistes de cette génération possède, j’ai du mal à comprendre qu’on puisse le remettre en question…
Je suis tout à fait d’accord avec Nobleheart, on ne peut pas lui en juger/vouloir parce que tout simplement Adrea Bocelli n’a pas voulu participer à/dans l’opéra. Comme disait Pierre Bachelet dans une chanson : Chacun est fait comme il est, chacun prend feu comme il peut.