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Idomeneo à Strasbourg, un opéra initiatique maçonnique

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 18-III-2016. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, opera seria en trois actes sur un livret de Giambattisa Varesco. Mise en scène : Christophe Gayral. Décors : Barbara de Limburg. Costumes : Jean-Jacques Delmotte. Lumières : Philippe Berthomé. Chorégraphie : Karine Girard. Avec : Maximilian Schmitt, Idomeneo ; Juan Francisco Gatell, Idamante ; Judith Van Wanroij, Ilia ; Agneta Eichenholz, Elettra ; Diego Godoy, Arbace ; Emmanuel Franco, le Grand Prêtre de Neptune ; Nathanaël Tavernier, la Voix ; Isabelle Majkut et Styliani Oikono, deux Crétoises ; Sangbae Choi et Laurent Koehler, deux Troyens. Irene Cordelia Huberti, continuo ; Chœur de l’Opéra national du Rhin (chef de chœur : Sandrine Abello) ; Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Sergio Alapont.

Bien que redevenu plus présent sur les scènes lyriques, Idoménée reste le mal aimé parmi les chefs-d'œuvre de Mozart. Œuvre de jeunesse, soumission aux codes surannés de l'opera seria, livret trop compliqué, trop long, que n'a-t-on pas écrit pour le dénigrer ? L'Opéra national du Rhin tente de contredire les détracteurs avec une nouvelle production.

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La mise en scène en a été confiée à , déjà connu in loco pour son travail sur Il Matrimonio Segreto de Cimarosa et Owen Wingrave de Britten avec l'Opéra Studio. Son concept est qu'Idoménée préfigure avec dix ans d'avance La Flûte enchantée. Ilia et Idamante, c'est Pamina et Tamino ; Elettra anticipe la Reine de la nuit. Quant à la Voix du deus ex machina final, c'est Sarastro, une Voix bien trop terrestre puisque, présent en scène dès le début, il intervient physiquement pour dénouer l'intrigue. Chacun va ainsi affronter des épreuves à but initiatique, que seuls Idamante et Ilia réussiront, avec le soutien et sous le regard scrutateur quasi permanent du chœur et de quelques acrobates figurant le monde des initiés. La mise en œuvre scénique de ce concept est ultra épurée : décor (Barbara de Limburg) fait de trois panneaux mobiles et à la configuration variée, joliment éclairés par Philippe Berthomé, costumes (Jean-Jacques Delmotte) atemporels et pas très élégants, direction d'acteurs stylisée. La tempête du livret est représentée par un voile bleu agité en tous sens, le monstre marin par des ombres chinoises. Seule une gigantesque statue de Poséidon se réfère à la Grèce antique originelle ; elle sera démantelée au final quand les tout nouveaux initiés rejetteront les idoles qu'ils adoraient et l'obscurantisme qu'elles symbolisent. Tout se termine de manière assez incongrue par un pique-nique festif, où les costumes aux couleurs vives tranchent quelque peu avec l'unité visuelle qui avait prévalu jusque là. Tout cela aboutit à un spectacle plutôt passe-partout, sans fulgurance ni indignité, un peu terne et répétitif et où l'ennui peut finir par gagner.

Le choix délicat de la version s'est porté sur un mélange de celle de la création à Munich en 1781 et de celle de la reprise à Vienne en 1786 (avec un Idamante ténor pour plus de véracité dramatique). Comme tous les compromis, celui-ci n'est pas entièrement satisfaisant, d'autant que de multiples coupures ont été opérées afin, selon , « que le spectateur ne relâche pas son attention ». C'est parfaitement compréhensible (et habituel sur scène) pour le ballet qui hypertrophiait un troisième acte déjà pléthorique. C'est plus contestable pour les airs d'Arbace, le rondo d'Idamante « Non temer, amato bene » écrit pour Vienne et surtout pour l'air conclusif d'Idoménée « Torna la pace al core ». Du coup, le final en paraît expédié.

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Mais le gros point noir de cet Idoménée est une distribution bancale et souvent insuffisante. Sauvons d'emblée l'Ilia lumineuse et habitée de Judith Van Wanroj, déjà remarquée dans ce même rôle à Nancy. A nouveau, son aria « Se il padre perdei » (avec variations de la reprise) suspend le temps. L'Elettra de a séduit une partie du public par sa domination de la difficile tessiture du rôle et par son engagement scénique ; mais que cette émission est monochrome, que cette Elettra est uniformément vociférante, que ces aigus sont agressifs ! Insuffisamment contrastées, les deux voix de ténors ne réussissent pas à convaincre. semble un peu dépassé par les exigences du rôle d'Idomeneo : émission très nasale, diction manquant de netteté, vocalises savonnées dans son grand air « Fuor del mar », donné de plus en version longue. semble mieux armé pour défendre Idamante mais l'aigu détonne trop souvent et, là encore, la couleur est bien trop uniforme. L'Arbace de sonne bien léger mais, en quelques répliques de la Voix, affirme une technique saine et une projection sonore.

Particulièrement mis à contribution par la partition et par la mise en scène, le se montre précis, intense et impliqué. L' fait preuve d'une belle homogénéité globale avec des solos instrumentaux – et ils sont nombreux – de qualité. Seul le continuo manque quelque peu d'inventivité et de variété. A sa tête, remplaçant Hervé Niquet initialement annoncé, le jeune chef espagnol offre une direction animée, vivante et très théâtrale dans une optique parfaitement classique.

Crédit photographique : © Alain Kaiser

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 18-III-2016. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, opera seria en trois actes sur un livret de Giambattisa Varesco. Mise en scène : Christophe Gayral. Décors : Barbara de Limburg. Costumes : Jean-Jacques Delmotte. Lumières : Philippe Berthomé. Chorégraphie : Karine Girard. Avec : Maximilian Schmitt, Idomeneo ; Juan Francisco Gatell, Idamante ; Judith Van Wanroij, Ilia ; Agneta Eichenholz, Elettra ; Diego Godoy, Arbace ; Emmanuel Franco, le Grand Prêtre de Neptune ; Nathanaël Tavernier, la Voix ; Isabelle Majkut et Styliani Oikono, deux Crétoises ; Sangbae Choi et Laurent Koehler, deux Troyens. Irene Cordelia Huberti, continuo ; Chœur de l’Opéra national du Rhin (chef de chœur : Sandrine Abello) ; Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Sergio Alapont.

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