Ravel et Messiaen par les solistes de l’Orchestre Colonne
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Paris. Salle Colonne. 13-III-2016. Maurice Ravel (1875-1937) : Trio ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Quatuor pour la Fin du Temps. Solistes de l’Orchestre Colonne : Pierre Hamel (violon), Marie-Claude Batingy (violoncelle), Laurent Boulanger (clarinette), Carole Villiaumey (piano).
1915, Maurice Ravel est de retour des tranchées où il était parti en tant qu'engagé volontaire ; 1940, Olivier Messiaen se morfond en Silésie dans un camp de prisonniers. Deux compositeurs au destin marqué par la guerre, et deux situations ayant fait naître deux intenses chef d'œuvres de la musique française du XXe siècle. D'un côté le tragique et scintillant Trio pour violon, violoncelle et piano du maître de Montfort-L'Amaury, de l'autre l'éternité colorée du Quatuor pour la fin du Temps d'Olivier Messiaen (pour violon, violoncelle, clarinette et piano), bouleversant voyage imaginé d'après l'Apocalypse de Jean.
Tous membres de l'Orchestre Colonne, la spécificité de ces musiciens en formation de chambre apparaît le plus profondément dans les passages homophoniques, où tous ne font plus qu'un. C'est alors qu'apparaissent les plus beaux climats. Dans le Trio de Ravel, il faudra donc attendre les couleurs ténues et crépusculaires de la célèbre Passacaille pour entrer de plain pied dans la profonde sensibilité ravélienne. Toutefois on ne dénigrera pas le reste de la prestation, notamment grâce au piano de Carole Villiaumey délié et habile, tout en élégance.
Mais l'œuvre maîtresse de ce programme était figurée par l'immense (dans tous les sens du terme) Quatuor pour la Fin du Temps d'Olivier Messiaen : huit mouvements imaginés d'après l'Apocalypse de Saint-Jean, créés dans d'effroyables conditions au Stalag VIII A de Görlitz (Pologne) en juin 1940. Cette œuvre monde figure parmi les plus importantes du compositeur, ainsi qu'une de ses compositions les plus denses émotionnellement.
Chez les interprètes de cet après-midi en Salle Colonne, on aura particulièrement apprécié l'homogénéité des timbres (à l'instar du Trio de Ravel), même au sein du « poudroiement » hétéroclite évoqué par Messiaen pour sa Liturgie de Cristal introductive. On retrouve également ces belles textures d'ensemble dans la Vocalise pour l'Ange qui annonce la Fin du Temps, tandis que le mystérieux Abîme des Oiseaux laisse apparaître le phrasé souple et contrasté de la clarinette de Laurent Boulanger. Espiègle bien que sans trop de contrastes, l'Intermède laisse rapidement sa place à une Louange à l'Éternité de Jésus de toute beauté où l'on aura pu entendre le violoncelle poignant et habité de Marie-Claude Batingy (en quasi-transe) porté avec élégance par le piano enveloppant de Carole Villiaumey. Après d'aussi intenses émotions, on regrettera une Danse de la Fureur pour les Sept Trompettes sans brin de folie, même si là encore l'homogénéité de la couleur sonore se fait remarquable. Pour la vigueur et la sensibilité on aura nettement préféré le mouvement suivant, à savoir le contrasté Fouillis d'arcs-en ciels pour l'Ange qui annonce la Fin du Temps. Pour finir, le violon de Pierre Hamel un peu raide durant la première partie du concert se muait en touchante voix dans la bouleversante élévation qu'est la Louange à l'Immortalité de Jésus, impalpable finale de cet harassant parcours émotionnelle et métaphysique qu'est le Quatuor de Messiaen.
Crédits photographiques: © Collection privée de Nigel Simeone (Olivier Messiaen en 1945)
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Paris. Salle Colonne. 13-III-2016. Maurice Ravel (1875-1937) : Trio ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Quatuor pour la Fin du Temps. Solistes de l’Orchestre Colonne : Pierre Hamel (violon), Marie-Claude Batingy (violoncelle), Laurent Boulanger (clarinette), Carole Villiaumey (piano).