Danse , La Scène, Spectacles divers

Falk Richter tente d’exorciser la bêtise humaine

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Berlin. Schaubühne. 27-II-2016. FEAR. Texte et mise en scène : Falk Richter. Scénographie : Katrin Hoffmann. Costumes : Daniela Selig. Musique : Malte Beckenbach. Vidéo : Bjørn Melhus. Dramaturgie : Nils Haarmann. Lumières : Carsten Sander. Avec Bernardo Arias Porras ; Denis Kuhnert ; Lise Risom Olsen ; Kay Bartholomäus Schulze ; Alina Stiegler ; Tilman Strauß ; Frank Willens ; Jakob Yaw.

1445424136_k1600_fear-6283_carnodeclair_2, auteur et metteur en scène de renom, est un habitué des planches de la Schaubühne Berlin. Après avoir monté des pièces avec les chorégraphes Anouk van Dijk et Nir de Wolff, il propose, avec FEAR, à nouveau un dialogue entre le théâtre et la danse, plus joué que chorégraphié…

Pour FEAR, la Schaubühne a été assignée en justice par le parti d'extrême droite AfD, peu de temps après la première du 25 octobre 2015. Ce dernier, et plus précisément Beatrix von Storch (aussi petite-fille du ministre des finances d'Hitler), ne voulaient plus que la photo de la n° 2 du parti soit affichée sur scène. Idem pour Hedwig von Beverfoerde, porte‑parole de l'organisation « Protection de la famille » et représentante de la « Manif pour tous ». La page Facebook de la Schaubühne aurait été attaquée et des menaces de mort auraient été proférées. a rétorqué en affirmant que le théâtre « a le droit d'être critique, de parler de politique et de personnalités politiques ». Il faut dire que ne fait pas de concessions et qualifie ces femmes politiques de « merde brune », « de zombies nazis, de revenantes des temps les plus obscurs du Troisième Reich ». Il n'hésite pas à les identifier toutes (aussi Eva Herrmann, Frauke Petry, Birgit Kelle et ) clairement à travers des photos et des vidéos. Anders Breivik et Marine le Pen sont aussi visés… Mais rassurez-vous, la Schaubühne et Falk Richter ont obtenu en décembre dernier gain de cause et la pièce a pu continuer à être jouée dans sa forme initiale.

Chez Falk Richter, il est délicat de déterminer ce qui relève de la vie ou de la mise en scène. À cette difficile compréhension de soi se greffent des interrogations sur le monde. Les scènes sont entrecoupées de brefs instants sonores tonitruants qui répondent à des à-plats « nationaux », noir, rouge et or. Le ton est donné. FEAR transpire toutes sortes de peurs : peur de la montée des conservatismes en Europe, peur de ces conservateurs qui ont peur des migrants, peur des alternatives familiales, peur des musulmans, peur de Schengen, peur de l'euro, etc. Richter égrène ces monologues-cauchemars de hipsters, parsemés d'idées nauséabondes de la nouvelle droite, des réactionnaires ou des homophobes. Des hipsters qui observent le monde mais ne comptent pas le changer, en passant leur journée à regarder des séries comme True Detective, et leur soirée à faire la fête sur le toit de leur immeuble…

1445423121_k1600_fear-9560_carnodeclair_2Le metteur en scène, en terre conquise, jubile en mêlant sa réflexion à celle de ses acteurs que l'on entend comme autant d'échos à l'ensemble des pensées des spectateurs. Mentions spéciales à , en blonde dégénérée d'une éloquence délirante, qui harangue la foule, et à Kay Bartholomäus Schulze, un citoyen est-allemand aigri et hargneux. Puis, (trop) furtivement, les danseurs apparaissent, entre agitations frénétiques et vulnérabilité lancinante. Ces corps rompus portent en eux les traces de cette société souvent insensée : , Frank Willens et gisent tels des poissons à l'agonie. Leurs corps sont attirés vers le sol, au ralenti. Deux d'entre eux ( et ) s'enlacent et dérapent dans un corps à corps limpide, une bataille athlétique… , en solo, déconstruit le mouvement, le sculpte avec un subtil liant.

Avec FEAR, Falk Richter signe l'autopsie sincère d'une mentalité « borderline ». Si la pièce nous fait rire, elle semble aussi se contenter de constater, spontanément, des états de fait. Richter contemple, certes avec désarroi sous couvert d'une ironie saillante, une société dont le bon sens se délite à vue d'œil. Une certaine puérilité superficielle se dégage du spectacle, qui culmine dans cette scène où les protagonistes continuent leur réflexion, tels des hippies, au milieu d'un jardin apaisant. On en ressort avec une impression de manque, comme s'il y avait eu de nombreuses interrogations sans jamais aucune réponse.

Crédits photographiques : © Arno Declair

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Berlin. Schaubühne. 27-II-2016. FEAR. Texte et mise en scène : Falk Richter. Scénographie : Katrin Hoffmann. Costumes : Daniela Selig. Musique : Malte Beckenbach. Vidéo : Bjørn Melhus. Dramaturgie : Nils Haarmann. Lumières : Carsten Sander. Avec Bernardo Arias Porras ; Denis Kuhnert ; Lise Risom Olsen ; Kay Bartholomäus Schulze ; Alina Stiegler ; Tilman Strauß ; Frank Willens ; Jakob Yaw.

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