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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 13-II-2016. Albéric Magnard (1865-1914), Hymne à la justice op. 14. Ernest Chausson (1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer op. 19. Claude Debussy (1862-1918) : La Mer. Gaëlle Arquez, mezzo soprano ; Orchestre des Champs-Elysées, direction : Louis Langrée.
Rude épreuve pour Gaëlle Arquez que de remplacer au pied levé la magnifique Anna Caterina Antonacci dans le Poème de l'amour et de la mer d'Ernest Chausson. Un défi relevé et finalement gagné par la jeune et talentueuse mezzo. Un concert qui valait aussi, une fois n'est pas coutume, pour la pièce donnée en ouverture, l'Hymne à la justice d'Albéric Magnard.
Gaëlle Arquez n'est ni une inconnue ni une débutante – sa réputation dans le baroque est déjà bien établie et sa Belle Hélène a fait forte impression – mais remplacer « la » Antonacci au pied levé dans le capiteux Poème de l'amour et de la mer de Chausson n'en reste pas moins une expérience initiatique. Le genre de remplacement secrètement aussi espéré que craint. D'autant plus craint d'ailleurs que si Antonacci est souffrante, sa remplaçante est elle-même annoncée comme à peine rétablie. Bien que la chanteuse ait donné cette œuvre avec les musiciens à Caen une semaine auparavant, les choses se présentent mal, sous le double effet de la pression psychologique et d'un souffle qui n'est pas totalement libéré des dérèglements de l'hiver. Mais à vaincre sans péril on triomphe sans gloire, et dès la troisième strophe, aidée par la séquence purement orchestrale aux déploiements enivrants offerte par un Orchestre des Champs-Élysées et un Louis Langrée acquis à sa cause, Gaëlle Arquez retrouve confiance en elle. Tout s'est joué dans cette pause de quelques dizaines de secondes. Ayant trouvé au fond d'elle-même l'énergie propre à se ressaisir, strophe après strophe, elle reprend contrôle de son vibrato, l'émotion s'épanouit, l'artiste est là, accomplie.
Gaëlle Arquez aura l'occasion de chanter ce Poème avec plus de perfection, mais elle retrouvera rarement la tension propre à surmonter ce moment merveilleux et terrible où le jeune talent tout à coup dévoilé marche sur les pas de sa grande aînée.
Après l'entracte, La Mer de Debussy paraît sèche et mécanique. Il y a comme un vide, comme s'il manquait quelque chose ou quelqu'un… Donné spontanément en bis, le Prélude à l'après-midi d'un faune est en revanche à nouveau habité d'un charme prégnant.
Un autre temps fort
L'autre temps fort du concert a été l'Hymne à la justice d'Albéric Magnard. Pièce d'une dizaine de minutes, jamais jouée comme le reste de l'œuvre de Magnard, elle est intéressante à plus d'un titre.
Musicalement d'abord, elle constitue une excellente ouverture de concert. Avec son introduction dynamique tour à tour orageuse et lyrique, avec ses motifs de cavalcades alla Walkyrie, ses emportements, sa fièvre et sa détente finale, elle se base sur l'orchestre de Wagner et Bruckner sur le plan sonore mais sa construction annonce la narration cinématographique telle qu'elle sera développée trente à quarante ans plus tard.
Historiquement ensuite, elle a été composée par un Magnard révolté par l'injustice contre Dreyfus, et enthousiaste devant le courage de Zola et de son « J'accuse ». Quand il compose cette pièce, Magnard a démissionné de l'armée en protestation et Dreyfus a été gracié par le Président Emile Loubet.
À l'heure où les ciné-concerts et les concerts de musique de film se développent afin de ramener un public plus jeune dans les salles de concert, ce n'est peut-être pas un hasard si cette pièce ressort progressivement des archives – on a ainsi pu l'entendre en 2014 à Liège avec Christian Arming. Langrée et l'Orchestre des Champs-Élysées avaient toute la flamme et le lyrisme requis pour défendre cette belle musique oubliée : iront-ils jusqu'à jouer les symphonies de Magnard ?
Crédit photographique : Marina Ivanicenko, Polkagris Studio
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Paris. Théâtre des Champs-Elysées. 13-II-2016. Albéric Magnard (1865-1914), Hymne à la justice op. 14. Ernest Chausson (1855-1899) : Poème de l’amour et de la mer op. 19. Claude Debussy (1862-1918) : La Mer. Gaëlle Arquez, mezzo soprano ; Orchestre des Champs-Elysées, direction : Louis Langrée.
Et s’il n’y avait que Magnard comme symphoniste français oublié ; quid de Ropartz, Roussel , Chausson, Dukas et probablement bcp d’autres ?
Nos orchestres nationaux largement subventionnés ont là un devoir de mémoire non rempli et le plus dommage est que beaucoup de ces symphonies sont magnifiques et remplaceraient les cycles Tchaïkovski ou autre donnés à longueur d’année par ces orchestres !
On attend plus d’un M Franck ou du futur chef du national et un cycle de symphonies françaises est nécessaire à Radio France.