Plus de détails
Baryton allemand et « BBC New Generation Artist », Benjamin Appl a débuté au mois d'octobre sa tournée « Rising Stars » à travers l'Europe. En janvier il était à Paris pour un concert présentant un nouveau cycle de chansons composées par Nico Muhly et inspirées de la correspondance des soldats de la Grande Guerre. Il va sortir en février un album chez Champs Hill Records (Heinrich Heine-Lieder).
« Dietrich Fischer-Dieskau m'a dit une fois qu'il serait idéal d'apprendre le répertoire le plus large possible avant 35 ans. »
ResMusica : Vous avez été désigné « BBC New Generation Artist » (pour 2014-16), et aussi « Rising Star »par le Barbican Center : qu'est-ce que ces distinctions vous ont apporté?
Benjamin Appl : Les deux programmes ont un intérêt considérable. En tant qu'artiste « New Generation », la BBC fait régulièrement des enregistrements avec vous, diffuse les concerts et vous propose des collaborations avec ses orchestres. Ainsi vous prenez l'habitude des différentes phases d'enregistrement et vous n'êtes plus trop inquiet quand un micro se trouve en face de vous pendant que vous chantez. C'est une opportunité fantastique pour se former et apprendre à avoir confiance en soi, savoir comment gérer son stress. Vous n'êtes autorisé à chanter chaque pièce qu'une seule fois pendant les deux ans et demi du programme. Donc vous devez disposer d'un répertoire très large.
Le programme ECHO Rising Star couvre un autre aspect : avoir la chance de pouvoir jouer dans les plus grandes salles de concert en Europe pendant l'année, ce qui est une occasion unique pour de jeunes musiciens. Donc ces deux programmes réunis offrent à la fois l'opportunité de se produire à la radio et aussi sur scène dans toute l'Europe.
RM : En quoi le programme ECHO Rising Stars vous aide dans votre carrière ?
BA : Avoir la possibilité de se produire devant les publics de salles comme la Philharmonie de Paris, le Wiener Konzerthaus et au Concertgebouw d'Amsterdam est merveilleuse, mais c'est aussi tout un défi. Cette chance de se présenter devant un large public et devant des directeurs de programmes et de salles est une occasion sans précédent.
RM : Comment envisagez-vous votre tournée en Europe cette saison ?
BA : Je souhaite que les gens partout en Europe se rendent compte que le genre Lieder est quelque chose pour lequel la jeune génération peut être intéressée et même passionnée. C'est un genre merveilleux, il transmet des émotions et des sentiments qui ne sont pas « vieux jeu », mais dont nous avons tous l'expérience : comme l'amour, perdre quelqu'un, la mort. C'est merveilleux d'encourager les gens à découvrir leur intérêt ou leur amour pour cette forme d'art. Et bien sûr, pour moi-même, j'espère que c'est aussi une façon d'avoir la chance de me produire dans de nombreux récitals à l'avenir, autant que possible.
RM : Comment vous situez-vous par rapport à d'autres jeunes chanteurs pour qui les choses sont peut-être plus difficiles ?
BA : Je me sens très privilégié pour chaque opportunité que j'ai eu jusqu'à présent, et reconnaissant aux gens qui m'ont soutenu, aux producteurs qui ont cru en moi à un stade très précoce, à mes conseillers et professeurs de chant. Je sais que les choses que j'ai obtenues jusqu'ici ne sont que partiellement le résultat de mon propre travail et de l'art, mais qu'elles ont été aussi grandement influencées par mon entourage. Être au bon endroit au bon moment est important. Et vous devez également avoir un peu de chance. Néanmoins, cela signifie que je dois travailler encore plus dur pour ne pas décevoir ceux qui me font confiance et croient en moi, et aussi ne pas vous décevoir. Très souvent, les collègues de mon âge, que j'admire autant qu'un chanteur le devrait, ont fait, à mon avis de nombreux progrès aussi. Personne ne comprend vraiment pourquoi ils ne reçoivent pas les mêmes propositions. Dans certains cas, la façon dont le statut d'un chanteur se décide est encore un mystère pour moi.
RM : Comment envisagez-vous de gérer le lien concert/opéra pour l'ensemble de votre carrière ?
BA : C'est une question très délicate, à laquelle je dois faire face, encore et encore. Bien sûr, je veux trouver un juste équilibre entre l'opéra et le concert. Cette saison, mon objectif est principalement sur les récitals et le travail pour les concerts, particulièrement à cause du très grand nombre de récitals dans les programmes de la BBC et de ECHO Rising Stars, mais l'opéra représentera un bon équilibre après. Non seulement artistiquement, mais aussi vocalement, je pense que les deux formes s'enrichissent grandement mutuellement et il est dommage que certaines personnes voient encore une énorme différence entre les deux.
RM : Comment construisez-vous vos programmes, et comment équilibrez-vous les œuvres connues et celles moins connues ?
BA : Mettre sur pied des programmes prend beaucoup de temps. Tout d'abord, certains producteurs ont certaines idées que vous aurez peut-être à suivre. Dietrich Fischer-Dieskau m'a dit une fois qu'il serait idéal d'apprendre le répertoire le plus large possible avant 35 ans, puisqu'il est plus facile à mémoriser lorsque vous êtes plus jeune, mais aussi, parce qu'ensuite vous devenez tellement occupé que vous n'avez plus beaucoup de temps pour apprendre en plus. Donc, c'est important d'ajouter un peu de nouveau répertoire dans chaque programme, combiné avec les chants ou les cycles déjà effectués avant. Lorsque vous préparez un programme, vous devez penser aux gens qui vont régulièrement aux récitals, mais aussi à ceux qui pourraient assister à un récital de lieder pour la première fois. Les toucher tous à la fois est le but!
RM : Quel est votre lien avec le répertoire français et la langue française ?
BA : J'ai eu le privilège de travailler avec deux des meilleurs coach français dans le monde classique. L'un d'eux est coach de langue française pour le Metropolitan Opera de New York et l'autre des coach à la Royal Opera House de Londres et pour le Festival de Glyndebourne en Angleterre. Les deux ont élargi mon amour pour le répertoire français. Le danger pour de nombreux chanteurs allemands est de s'en tenir uniquement au répertoire de la chanson allemande comme il va tellement de soi. Mais je pense qu'il est également important de regarder à gauche et à droite, pour ainsi dire .
RM : Quels sont vos projets, vos ambitions, en termes de répertoire ?
BA : Je crois qu'être motivé par l'intérêt pour de nouveaux répertoires permet au musicien de rester vivant. Bien sûr, cela dépend toujours de ce qui convient à la voix et à la personnalité, mais je vais essayer d'être ouvert à tous les genres de musique, du début jusqu'à la musique contemporaine .
RM : Quels sont les rôles d'opéra qui vous attirent le plus et aurez-vous la patience d'attendre le bon moment de les essayer ?
BA : Je pense que je connais généralement mes limites vocales, que tout le monde a. Il y a un certain répertoire que je ne serai pas en mesure d'effectuer. Avoir une bonne équipe de professeurs de chant et de conseillers autour de vous, en qui vous avez confiance et qui connaissent très bien votre voix, est incroyablement important pour un jeune chanteur. Etre appelé « Rising Star » est une chose merveilleuse , mais je tiens à vous assurer que cette lumière ne brille pas juste pour une nuit.
RM : Avez-vous des modèles parmi vos aînés, comment vous situez-vous par rapport à eux ?
BA : Bien sûr, il y a des carrières idéales dont je rêve, comme celles de Dietrich Fischer-Dieskau ou Herman Prey. Mais je trouve qu'il est très difficile de comparer cette fois avec les générations plus âgées; les temps changent et la nature de la profession change très rapidement. En outre, chaque chanteur a une voix individuelle et sa propre carrière plus individuelle, ce qui d'ailleurs est génial! Nous sommes peut-être trop souvent tentés de comparer un chanteur avec une autre. Je crois, qu'il y a une place pour chaque bon chanteur qui est prêt à travailler dur et à réaliser quelque chose qui est fidèle à lui-même.