Préludes et Fugues de Vsevolod Zaderatski

La découverte de ces 24 Préludes et Fugues pour piano de Vsevolod Zaderatski nous plonge dans l'exil d'un homme condamné au silence impitoyable des goulags soviétiques. Le testament d'un destin dramatique… inspiré par Bach.

On assiste, effrayés, à une sorte de restitution d'un destin dramatiquement injuste touché en plein cœur à l'instar de millions d'autres. Vsevolod Zaderatski, emprisonné à plusieurs reprises au cours des années 1920, fut ensuite privé de liberté en mai 1937 lors de la Grande Purge et envoyé dans un camp de travail en Sibérie au motif de « diffusion de musique fasciste », plus précisément celles de Richard Wagner et Richard Strauss ! En dépit de conditions d'existence dégradantes, épouvantables, déshumanisées, en dépit de la mort toute proche, Zaderatski parvient à composer cette somme largement inspirée par Jean-Sébastien Bach sur de multiples bouts de papier de récupération au cours des années 1937-38.

Ce cycle de 24 Préludes et Fugues d'inspiration baroque certes mais aussi d'une tenue exemplaire, moderne de langage autant que désabusé fut sauvé de la destruction, sort que connurent presque toutes ses autres compositions. Le pianiste et musicologue Jascha Nemtsov, né en Sibérie en 1963, éduqué musicalement au Conservatoire de  Saint-Pétersbourg, installé en Allemagne de l'Ouest (en 1992) et poursuivant une carrière internationale, défend cette œuvre difficile et sans fard avec le ton qui convient, fait de rigueur, d'amertume et de désolation, également de souffrance et de nostalgie, voire parfois d'ironie. Ce témoignage de grande valeur sera-t-il suffisant pour mener le chef-d'œuvre de Zaderatski à la connaissance du plus grand nombre ? En tout cas, il existe, et à ce titre offre une ultime chance de survivre à cette fatalité implacable.