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Genève. Victoria Hall. 5-XI-2015. Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Aria de la suite n° 3 BWV1068. Charles Gounod (1818-1893) : Repentir. Edward Elgar (1857-19334) : Nimrod tiré des Variations Enigma op.36. Vladimir Vavilov (1925-1973) : Ave Maria. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Ouverture de « La Forza del Destino », Pace, pace mio Dio ! Amilcare Ponchielli (1834-1886) : La Danse des Heures. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Que faire sol adoré de la patrie (Dom Sébastien, roi du Portugal). Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria Rusticana, Intermezzo, Voi lo sapete, O mamma. Georges Bizet (1838-1875) : Menuet et Farandole tirés de L’Arlésienne, Suite n° 2, Chanson Bohème tiré de Carmen. Ruperto Chapi (1851-1909) : Las hijas del Zebedeo. Agustin Lara (1897-1970) : Granada. Elīna Garanča (mezzosoprano). Orchestre de la Suisse Romande, direction : Karel Mark Chichon
Malgré un Orchestre de la Suisse Romande pas très bien dirigé, la mezzo-soprano Elīna Garanča sublime son chant pour en offrir une lecture au sommet d'un art totalement dominé.
Depuis sa superbe prestation genevoise de I Capuletti ed I Montecchi de Bellini en novembre dernier, la venue de la mezzo lituanienne pour ce concert extraordinaire préparé à l'attention des Amis de l'Orchestre de la Suisse Romande, un des pourvoyeurs de fonds à l'orchestre depuis quatre-vingts ans, avait attiré la foule des grands jours.
Étrange concert qui balance entre des œuvres racoleuses proches de ces concerts festivaliers pour touristes ayant souscrit une « formule visite-repas-concert » et l'indéniable empreinte artistique d'un chant bouleversant. Et le public se montre parfois plus touché par le spectaculaire que par la densité. A l'image de cette ouverture de La Forza del Destino tonitruante et dévastatrice que le public ovationne alors que la direction de Karel Mark Chichon manque terriblement de musicalité. Nous sommes bien loin de l'interprétation qu'en donnait dans ce même lieu, Antonio Pappano en avril 2013.
Dès le début du concert, les moments orchestraux souffrent d'une grande platitude musicale. Plusieurs œuvres, arrangées par le chef anglais, se diluent dans une soupe digne d'un Rondo Veneziano glorifié. Ainsi le tempo de sénateur imposé à l'aria de la Suite n°3 BVW 1068 lui fait perdre toute sa substance et sa dignité. En ajoutant que le pianissimo initial des violons laisse fortement à désirer (l'Orchestre de la Suisse Romande nous avait habitué à mieux du temps de Marek Janowski), on se questionne sur cette nécessité d'arranger la musique de Bach.
Ou celle de ce Repentir de Charles Gounod, dont on ne comprend pas très bien ce qu'apporte le chef-arrangeur anglais à la musique déjà superbement inspirée du compositeur français. Heureusement, l'intériorité magistrale d'Elīna Garanča survole l'indolence programmée de l'orchestre avec sa voix magnifique. Avec un souffle qui semble ne jamais s'épuiser, elle accroit peu à peu l'intensité de son chant pour le porter aux confins d'une puissance intimement contrôlée. Elle offre alors une extraordinaire capacité d'émouvoir, de transmettre le mysticisme du triste poème qu'écrivait Charles Gounod au seuil de la mort. Certes, l'élocution française de la chanteuse n'est pas des meilleures mais, on pardonne tout à une voix aussi belle, authentique et habitée.
On reste encore accroché à cet Ave Maria du compositeur russe Vladimir Vavilov qui permet à la mezzo lituanienne de moduler ces deux seuls mots avec toute la profondeur du sacré.
Entre ces moments de grâce, on se lasse des intermèdes orchestraux qui, avec ce chef s'agitant plus que de nécessaire et qui ne parvient pas à cacher son immodestie face aux compositeurs. Verdi assassiné comme nous le citions plus haut retrouve vie dans un sublime « Pace, pace mio Dio ! » qu'Elīna Garanča chante avec une force dramatique prodigieuse.
Cette première partie du concert aurait suffit au bonheur de tous car à la reprise, l'émoi des premières interprétations de la mezzo semble s'être quelque peu dissipé. Même si le rare air de Dom Sébastien de Donizetti apporte son lot de beauté vocale, il faut attendre cet extraordinaire « Voi lo sapete, O mamma » de Cavalleria Rusticana pour retrouver l'interprète hors du commun du début de soirée. En quelques notes, Elīna Garanča se glisse dans l'esprit de Santuzza. Serrant le poing, lançant son bras vers le sol, la mezzo investit cette musique avec une fougue invraisemblable.
Terminant sur un superbe (et presque traditionnel) « Granada » suivant un pyrotechnique « Carceleras » de Ruperto Chapi, on notera que ce concert est construit sur des « tubes » et des reprises discographiques de la chanteuse. Pourtant, son investissement total, son abnégation devant la musique, ont permis d'entendre une grande et véritable artiste donnant tout d'elle même quand bien même elle n'a plus rien à prouver quant à son talent. Merci Madame Garanča !
Crédit photographique : © Enrique Pardo
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Genève. Victoria Hall. 5-XI-2015. Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Aria de la suite n° 3 BWV1068. Charles Gounod (1818-1893) : Repentir. Edward Elgar (1857-19334) : Nimrod tiré des Variations Enigma op.36. Vladimir Vavilov (1925-1973) : Ave Maria. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Ouverture de « La Forza del Destino », Pace, pace mio Dio ! Amilcare Ponchielli (1834-1886) : La Danse des Heures. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Que faire sol adoré de la patrie (Dom Sébastien, roi du Portugal). Pietro Mascagni (1863-1945) : Cavalleria Rusticana, Intermezzo, Voi lo sapete, O mamma. Georges Bizet (1838-1875) : Menuet et Farandole tirés de L’Arlésienne, Suite n° 2, Chanson Bohème tiré de Carmen. Ruperto Chapi (1851-1909) : Las hijas del Zebedeo. Agustin Lara (1897-1970) : Granada. Elīna Garanča (mezzosoprano). Orchestre de la Suisse Romande, direction : Karel Mark Chichon