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Le 10 juin 1865 à Munich : Tristan et Isolde de Wagner, l’une des œuvres les plus importantes de l’histoire de la musique, est jouée pour la première fois. Un évènement que Resmusica a choisi de commémorer sous la forme d’un Abécédaire. Notre dossier : Abécédaire Tristan
Le 10 juin 1865 à Munich : Tristan et Isolde de Wagner, l'une des œuvres les plus importantes de l'histoire de la musique, est jouée pour la première fois. Un événement que Resmusica a choisi de commémorer sous la forme d'un Abécédaire Tristan. Aujourd'hui, Tristan et… les coupures.
« Une coupure dans un opéra de Wagner ? Autrefois oui, c'était courant, mais c'est impensable à notre époque ». Voire ! Quand on écoute les retransmissions et les captations de représentations récentes, dans des maisons prestigieuses, on doit reconnaître que Tristan est encore fréquemment coupé. Et c'est le Duo d'amour qu'on charcute !
De « Dem Tage ! » (« Le jour ! ») jusqu'à « Doch es rächte sich / Der verscheuchte Tag » (« Mais le jour repoussé / A pris sa revanche »), soit environ 300 mesures de la seconde scène de l'acte II, soit 10 à 15 minutes de musique : voilà l'objet du délit. Au Festspielhaus de Bayreuth, cela ne se fait pas, même dans l'enregistrement de 1928, dirigé par Karl Elmendorff, et largement abrégé par ailleurs. Mais, à la fin du XIXe siècle et pendant toute la première moitié du XXe siècle, c'est rétablir la traditionnelle coupure qui faisait figure d'exception : ce fut généralement le fait de chefs compositeurs, comme Mahler à Vienne, Richard Strauss à Weimar, ou encore Paul Paray (alors aussi compositeur) à l'Opéra en 1930. Ensuite, le rapport s'inverse, mais des chefs comme Pierre Boulez (à Osaka en 1967), Karl Böhm (à Orange en 1973), ou Carlos Kleiber (à Stuttgart la même année) l'observent encore. Et plus récemment encore, on retrouve cette pratique dans les productions de Glyndebourne en 2003 et de Genève en 2005, mais aussi à Lyon en 2011 et en 2012 au Théâtre des Champs-Élysées…
Par delà le contenu des vers supprimés, une condamnation assez ampoulée du jour et de ses faux-semblants au profit de la nuit, le drame est que ce passage est musicalement parfaitement intégré à l'économie du duo. Après la folle intensité des retrouvailles, ce dialogue prolonge en effet l'excitation (les indications expressives insistent sur la rapidité et la vivacité) et retarde le ralentissement de l' »Hymne à la nuit » (« O sink hernieder / Nacht der Liebe »), qui intervient sans cela trop rapidement. Du point de vue musical, même si l'hiatus est quasiment imperceptible, la perte est effroyable. On peut toutefois en deviner les raisons : alléger un peu l'épreuve pour les chanteurs sans toucher un passage trop célèbre, et peut-être aussi, atténuer l'embarras du metteur en scène face au duo. Ces deux chanteurs seuls en scène pour trois quarts d'heure, s'enlaçant maladroitement sur leur petit banc ou debout, les bras ballants… Il faut se souvenir aussi du pragmatisme de Wagner, qui, comme l'étude des sources l'a montré, a ratifié cet arrangement de Tristan, et qui composa même pour le duo une curieuse fin alternative, sans le cri final de Brangaene, destinée aux exécutions de concert (on peut l'entendre dans le disque de duos de Wagner chez EMI, avec Antonio Pappano, Placido Domingo et Deborah Voigt).
Faut-il s'indigner, alors, de la persistance de cette coupure ? Elle nous rappelle que le théâtre a lui aussi ses droits à l'opéra. Et vivre Tristan au théâtre, ou même au concert, est une expérience trop enivrante pour qu'on s'en prive sous ce prétexte.
Crédits photographiques : Deborah Voigt et Clifton Forbis, Lyric Opera Center Chicago, 2009 © Dan Rest
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Le 10 juin 1865 à Munich : Tristan et Isolde de Wagner, l’une des œuvres les plus importantes de l’histoire de la musique, est jouée pour la première fois. Un évènement que Resmusica a choisi de commémorer sous la forme d’un Abécédaire. Notre dossier : Abécédaire Tristan
Cette même coupure (ainsi que la criminelle coupure au III durant l’agonie de Tristan) étaient pratiquées dans la production Janowski/Hampe (Jones/Kollo/Moll) à Garnier en 1985…
Je croyais aussi que c’était impensable dans Wagner… déception