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Liège. Opéra Royal de Wallonie-Liège. 3-X-2015. Giuseppe Verdi (1813-1901) Ernani, dramma lirico en quatre parties (1844) Livret de Francesco Maria Piave d’après le drame romantique de Victor Hugo. Mise en scène : Jean-Louis Grinda ; Costumes : Teresa Acone ; Lumières : Laurent Castaingt ; Décors : Isabelle Partiot-Pieri. Avec : Gustavo Porta (Ernani), Lionel Lhote (Don Carlo), Orlin Astanassov (Don Ruy Gomez De Silva), Elaine Alvarez (Elvira), Alexise Yerna (Giovanna), Carmelo de Giosa (Don Riccardo), Alexei Gorbatchev (Jago). Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège (chef de chœur : Julien Eberhardt) ; orchestre Royal de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, direction : Paolo Arrivabeni.
L'Opéra Royal de Wallonie-Liège ouvre sa saison avec un Ernani classiquement mis en scène par son ancien directeur Jean-Louis Grinda. Le plateau vocal, en partie, ainsi que la fosse, relèvent le niveau d'une œuvre rarement interprétée.
Cette production d'Ernani de Verdi débarque sur les rives de la Meuse après avoir connu les ors de l'opéra de Monaco. Pour son cinquième ouvrage lyrique, le compositeur italien a bravé la célèbre injonction de Victor Hugo qui se plaisait à rappeler : « Défense de déposer de la musique le long de mes vers ». Tant pour répondre à la censure officielle que pour satisfaire le célèbre écrivain indigné par les modifications apportées à son drame, l'illustre écrivain somma Verdi de modifier le titre de son opéra lors de sa création à Paris en 1846. L'ouvrage fut donné sous le titre « Il Proscritto di Venezia » et tous les noms des personnages furent modifiés pour éviter tout rapprochement indésirable avec l'œuvre du poète.
Moins révolutionnaire que son modèle littéraire, le drame de Verdi porte encore les marques d'un romantique musical très conventionnel. Même si le traitement de la voix semble par moment s'émanciper du carcan métrique, la caractérisation des rôles masculins et féminins répond à des archétypes bien précis que Verdi réutilisera par la suite. La palette varie d'une tessiture élancée typiquement lirico-spinto (Ernani) à la pâte vocale ténébreuse et redoutable de la basse (Silva), en passant par le registre de baryton lyrique capable d'exprimer la bonté d'âme et la hauteur aristocratique (Don Carlo). Laboratoire d'essai d'où sortiront successivement Rigoletto (1851), le Trouvère (1853) et un Bal masqué (1859), Ernani n'est déjà plus un opéra de jeunesse mais pas encore un opéra de la maturité de Verdi.
La scénographie de Jean-Louis Grinda ne s'embarrasse pas d'arrière-plans réflexifs qui tireraient l'ouvrage du confortable premier degré dans lequel elle semble installée. Aux antipodes de tout regietheater, il disperse sur scène un vague parfum Renaissance propre à satisfaire une vision assez conservatrice de ce que peut aujourd'hui représenter intellectuellement et socialement le théâtre lyrique. Le décor d'Isabelle Partiot-Pieri propose sur plusieurs toiles tendues des reproductions de la Bataille de San Romano de Paolo Uccello et la Bataille d'Anghiari de Léonard de Vinci. Commodité esthétique ou simple design historique, on peine à relier les confits entre Florentins, Siennois ou Milanais à l'intrigue hugolienne de l'accession au trône de Charles Quint. Ajoutons à cela que le vaste miroir incliné en fond de scène a déjà été vu chez Yannis Kokkos et Günter Krämer. Quant aux costumes hors d'âge de Teresa Acone, ils convoquent tout un arsenal assez improbable de fausses barbes, collerettes et culottes de velours.
Si la scène a donc peu à offrir en termes de modernité et de réflexion, il faut aller chercher dans le plateau vocal et dans la fosse, matière à nous intéresser à cette reprise d'Ernani. Gustavo Porta fait craindre le pire dans sa première cavatine « Come rugiada al cespite ». Les aigus bâillés et la justesse approximative, il doit à la robustesse de son Elvira dans les échanges de retrouver peu à peu ses marques et de faire oublier un timbre globalement assez terne. Elaine Alvarez affiche une belle santé dans la projection mais une recherche des nuances et une sensibilité au texte très en deçà des exigences du rôle d'Elvira. Seuls Orlin Anastassov en Silva et surtout Lionel Lhote en Don Carlo tirent brillamment leur épingle du jeu. Le premier évite l'écueil d'une ligne souvent trop charbonneuse en choisissant d'exprimer la vilenie de son personnage par une émission large et puissante ; le second emporte la palme du style et de l'élégance – la belle proportion du volume et de la couleur est remarquable de bout en bout. Le baryton belge élève la scène du tombeau de Charlemagne au rang des meilleurs souvenirs verdiens entendus ces derniers temps.
L'orchestre de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège trouve dans son directeur musical Paolo Arrivabeni une baguette attentive et rigoureuse, propre à exiger un engagement supérieur à une écriture musicale plus proche des Puritains ou de la Vestale. Esquissé à larges traits, ce théâtre romantique exprime de beaux enchaînements dramatiques et une tension musicale de tous les instants.
Crédits photographiques : © Opéra Royal de Wallonie – Lorraine Wauters
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Liège. Opéra Royal de Wallonie-Liège. 3-X-2015. Giuseppe Verdi (1813-1901) Ernani, dramma lirico en quatre parties (1844) Livret de Francesco Maria Piave d’après le drame romantique de Victor Hugo. Mise en scène : Jean-Louis Grinda ; Costumes : Teresa Acone ; Lumières : Laurent Castaingt ; Décors : Isabelle Partiot-Pieri. Avec : Gustavo Porta (Ernani), Lionel Lhote (Don Carlo), Orlin Astanassov (Don Ruy Gomez De Silva), Elaine Alvarez (Elvira), Alexise Yerna (Giovanna), Carmelo de Giosa (Don Riccardo), Alexei Gorbatchev (Jago). Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège (chef de chœur : Julien Eberhardt) ; orchestre Royal de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, direction : Paolo Arrivabeni.