La curiosité n'est pas un vilain défaut, elle est la même la base de la découverte musicale ! La récente saison des BBC Proms de Londres avec ses concerts quotidiens était, comme chaque année, un appel à curiosité ! Imaginez un peu une soirée dévolue à des œuvres de jeunesse rares de Jean Sibelius : En Saga et Kullervo devant plusieurs milliers de personnes dans l'immense vaisseau qu'est le Royal Albert Hall de Londres. De l'autre côté de l'Atlantique un concert étasunien de l'Orchestre de Detroit et de son chef Leonard Slatkin, proposé en live web, confrontait Maurice Ravel à l'Argentin Ginastera.
Dès lors comment comprendre la frilosité de plus en plus avérée des programmations d'orchestres et de salles ? Les orchestres symphoniques de Boston et de San Francisco étaient en tournées estivales en Europe en cette fin d'été. Dans leurs valises, au milieu de grands tubes, un concerto pour trompette de l'Australien Brett Dean pour les Bostoniens et la dernière création de John Adams pour quatuor à cordes et orchestre ainsi qu'un concerto du moderniste américain Henry Cowell pour les Californiens.
Jouées à travers l'Europe, ces partitions furent pourtant absentes de l'étape parisienne des phalanges ? Le public de Bucarest, Londres, Berlin ou Édimbourg a eu la chance d'entendre (et de faire un triomphe) à ces partitions alors que les Parisiens durent se contenter de grands tubes du répertoire (qui plus est joués par des supers stars aux cachets stratosphériques)… À regarder les affiches des concerts de nombreuses phalanges ou salles, le répertoire semble se limiter à quelques tubes ressassés au-delà de toutes limites raisonnables. Pourtant, largement subventionnées, nos salles de concerts ont une mission de découverte. De l'autre côté de la Manche, l'excellent BBC Symphony orchestra (dont vous pouvez lire un entretien avec son directeur général Paul Hughes) a programmé, la saison dernière, une intégrale des symphonies de Nielsen en liens avec des œuvres de son temps : en dépit du risque ce fut un succès public et critique avec un Barbican Center plein à craquer ! Le secret de ces réussites repose sur une grande connaissance des œuvres (Est-ce le cas de nombreux managers ou communicants ?). Par ailleurs, les chefs d'orchestres londoniens (Sir Thomas Beecham ou Anthony Collins) n'avaient eu de cesse d'éduquer le public en programmant des œuvres de compositeurs scandinaves et nordiques aussitôt après leurs créations.
Renouveler la programmation et cultiver le public en l'ouvrant à la nouveauté est l'une des tâches essentielles des orchestres et des salles de concerts. Ce sera sans doute bien plus pertinent et efficace que réaliser quelques vidéos médiocrement inspirées de la télé-réalité pour séduire de nouveaux publics et tenter de faire le buzz sur les réseaux sociaux à l'image du très mauvais trailer « jeunes » de l'Orchestre de Paris, rarement jeunisme aura autant rimé avec gâtisme.
En attendant des jours où la curiosité triomphera, nous vous invitons à découvrir les quelques récentes évolutions de ResMusica : une présence plus importante de la scène en « Une », moteur de l'actualité, et l'ouverture de sections commentaires en bas des articles pour vous permettre d'échanger et de partager vos impressions.