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Duato ou le corps à corps en contrepoint

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Berlin. Komische Oper. 12-IX-2015. Nacho Duato (né en 1957) : Vielfältigkeit, Formen von Stille und Leere. Chorégraphie et mise en scène : Nacho Duato. Musique : Johann Sebastian Bach. Costumes : Nacho Duato (en collaboration avec Ismael Aznar). Lumière : Brad Fields. Staatsballett.

Vielfältigkeit. Formen von Stille und Leere de , présenté lors de la saison 2014/15, est en reprise pour débuter l'année au Staatsballett de Berlin.

WEB_Vielfältigkeit. Formen von Stille und Leere© Fernando MarcosUne pièce qui a emporté le public dans une fluidité de mouvements d'une intense musicalité, digne d'un Kylián. Le chorégraphe (et intendant depuis un an au sein de la compagnie berlinoise) démontre qu'il sait savamment manier un vocabulaire néo-classique et épuré de toute fanfreluche.

Multiplicité. Formes du silence et du vide a été créée en 1999 pour commémorer le 250e anniversaire de la mort de . Commandé par la ville de Weimar (alors capitale culturelle européenne), le ballet devait durer trente minutes. Mais Duato, face à la richesse musicale du maître du contrepoint et de l'harmonie, n'a pu résister à chorégraphier une pièce d'une heure quarante, au mouvement continu, à la gestuelle fluctuante. Les ensembles, surtout, explorent l'espace comme jamais. La première partie du spectacle nous expose un Bach dans la force de l'âge. Très enlevée et assez ludique. La seconde partie est plus sombre, plus introspective. Comme ces sept prêtres, mystiques et en soutanes noires, qui évoluent architecturalement, allant crescendo vers la possession des corps, et faisant tournoyer le revers rouge sang de leurs jupes. La spiritualité de Bach amène Duato à s'interroger sur la mort qu'il humanise à travers cette onduleuse danseuse masquée, au buste voilé…

Avec cette pièce phare, Duato dessine les corps à l'aide de lumières travaillées, de jeux d'ombre et de décors minimalistes. Assis sur des tabourets-pupitres, l'ensemble des interprètes-instruments méditent et s'agitent sous la baguette du chef d'orchestre. Ils tressaillent aux sons des pizzicati. Dynamiques, les corps résonnent dans tout l'espace. Les bras battent la mesure, les jambes se font métronomes. Les costumes ingénieux oscillent entre d'épurés boxers et débardeurs noirs et de volumineuses robes à paniers, qui n'entravent nullement le mouvement. Duato jongle des canons aux ensembles, en passant par les trios et duos. Le plus célèbre des pas de deux demeure celui où une vibrante danseuse devient violoncelle, exploré par l'archet de Bach. Les deux danseurs ne forment alors plus qu'un seul corps, une unique composition. Les archets se démultiplient et prennent des allures de fleurets qui touchent juste. Également tout en liant, le trio, composé de Bach et de deux hommes qui batifolent autour de lui, sonde à merveille le caractère enjoué du compositeur. À la scénographie, Jaffar Chalabi conclut la pièce en invitant les danseurs à emprunter un échafaudage futuriste à trois étages, habillés de panneaux amovibles. La compagnie monte au ciel, en marchant lentement, d'un pas assuré. Comme si le temps passait mais jamais ne s'en allait. Ainsi demeure la musique de Bach.

Légers et puissants à la fois, les danseurs du Staatsballett sont époustouflants de diversité, de technicité. Le langage duatesque est désormais le leur. Ils conjuguent leur virtuosité à tous les temps, collant étonnement à la partition. Ils voguent sur les notes, sautillent de fugue en suite. Leur gestuelle transpire une musicalité à fleur de peau : troublante osmose, malheureusement dépourvue d'orchestre live.

Crédits photographiques : ©  Fernando Marcos ; Vidéo ©

 

 

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Berlin. Komische Oper. 12-IX-2015. Nacho Duato (né en 1957) : Vielfältigkeit, Formen von Stille und Leere. Chorégraphie et mise en scène : Nacho Duato. Musique : Johann Sebastian Bach. Costumes : Nacho Duato (en collaboration avec Ismael Aznar). Lumière : Brad Fields. Staatsballett.

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