À Salzbourg, Cambreling au service de Boulez
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Salzbourg. Kollegienkirche. 31 juillet 2015. Gérard Grisey (1946-1998) : Jour, Contre-Jour pour orgue électrique, treize musiciens et bande magnétique ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Couleurs de la Cité Céleste pour piano, 3 clarinettes, 3 xylos, orchestre de cuivres et percussions ; Matthias Pintscher (né en 1971) : Verzeichnete Spur pour contrebasse, 3 violoncelles, instruments et électronique ; Pierre Boulez (né en 1925) : …explosante-fixe… pour flûte, deux flûtes solistes, ensemble et électronique. Klangforum Wien ; direction : Sylvain Cambreling.
Sylvain Cambreling et le Klangforum Wien rendent hommage à Pierre Boulez à Salzbourg.
En 1992, Gerard Mortier avait mis à l'honneur la musique et la personne de Pierre Boulez pour son premier festival de Salzbourg, et les réactions du public avaient bien prouvé que c'était un acte de courage ; en 2015, le même hommage apparaît comme la manière la plus simple, sans grand risque, de remplir la case « musique contemporaine » que Mortier avait su imposer au plus riche festival du monde. On pourra critiquer le manque de telle ou telle œuvre dans les neuf concerts contenant des pièces de Boulez (notamment Dialogue de l'ombre double), mais du moins peut-on se réjouir de ce que cet hommage obligé aille à un musicien aussi essentiel. L'Orchestre Philharmonique de Vienne n'a pas souhaité s'y associer, l'orchestre de la radio autrichienne a joué Rituel de la manière la plus glacée et indifférente possible : on peut s'élever contre la spécialisation des orchestres, mais quand cette spécialisation produit le Klangforum Wien, on peut oublier de se plaindre.
Présent chaque année au Festival, l'ensemble viennois offre en 2015 deux concerts autour de Pierre Boulez, tous deux sous la direction de Sylvain Cambreling. Ce premier concert offre une sorte de généalogie de Boulez, avec son maître Messiaen et deux générations de descendants, Grisey et Pintscher. L'œuvre de Messiaen a beau avoir été créée par Boulez, elle n'est ni la meilleure de son auteur, ni la plus proche de l'art de Boulez, avec cette surcharge sonore de l'orchestre de cuivres et le prosaïsme du matériau bigarré réuni par Messiaen. Grisey comme Pintscher suivent des pistes beaucoup plus subtiles, avec un subtil usage de l'électronique qui n'aurait sans doute pas été possible sans le travail de Boulez sur ce nouvel outil ; le travail de Grisey sur la génération des textures sonores, opposé à l'obligatoire structure dramatique de bien des œuvres orchestrales récentes, se passe de tout clinquant et de tout effet sonore, mais fascine par les infinies possibilités sonores qu'il offre. La pièce de Pintscher, elle, joue sur une séduction sonore plus immédiate, notamment grâce à ce dispositif très marquant d'une contrebasse soliste reflétée par trois violoncelles, le tout devant un petit ensemble et des reflets électroniques : c'est cette contrebasse, en quelque sorte, qui marque la « trace » annoncée par le titre.
Ce dispositif de reflets autour d'un instrument soliste fait naturellement très directement penser à …explosante-fixe… de Boulez, où c'est une flûte qui est au centre du paysage sonore, une œuvre à la gestation particulièrement complexe et typique des palimpsestes bouléziens. L'acoustique de la Kollegienkirche ne rend pas vraiment service à l'œuvre en écrasant un peu trop les plans sonores, mais elle n'empêche pas de goûter cette musique qui, bien loin de l'hermétisme qu'on a voulu lui associer, regorge de séductions sonores et fascine par la pluralité des mondes qu'elle révèle. Sylvain Cambreling, familier de Boulez depuis les années 70 en même temps que grand habitué de Salzbourg depuis près de trente ans, mène l'ensemble du concert avec une efficacité discrète que soutient admirablement les musiciens du plus important ensemble contemporain d'Autriche.
Crédit photographique © Salzburger Festspiele / Marco Borrelli
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Salzbourg. Kollegienkirche. 31 juillet 2015. Gérard Grisey (1946-1998) : Jour, Contre-Jour pour orgue électrique, treize musiciens et bande magnétique ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Couleurs de la Cité Céleste pour piano, 3 clarinettes, 3 xylos, orchestre de cuivres et percussions ; Matthias Pintscher (né en 1971) : Verzeichnete Spur pour contrebasse, 3 violoncelles, instruments et électronique ; Pierre Boulez (né en 1925) : …explosante-fixe… pour flûte, deux flûtes solistes, ensemble et électronique. Klangforum Wien ; direction : Sylvain Cambreling.