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Saint-Étienne, Opéra Théâtre. 27-V-2015. Reynaldo Hahn (1874-1947) Le Marchand de Venise, opéra en trois actes et cinq tableaux sur un livret de Miguel Zamacoïs. Mise en scène, décors, lumières : Arnaud Bernard. Costumes : Carla Ricotti, Lumières : Patrick Méeus, Avec : Gabrielle Philiponet, Portia ; Isabelle Druet, Nérissa ; Magali Arnault-Stanczak, Jessica ; Pierre-Yves Pruvot, Shylock ; Frédéric Goncalvès, Antonio ; Guillaume Andrieux, Bassanio ; François Rougier, Gratiano ; Philippe Talbot, Lorenzo ; Harry Peeters, Tubal; Frédéric Caton, le prince du Maroc, le Doge ; Vincent Delhoume, le Prince d’Aragon, Salarino. Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire. Chef des chœurs Laurent Touche. Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire. Direction Franck Villard.
Le Marchand de Venise de Reynaldo Hahn, une programmation rare, une nouvelle fois grâce à l'Opéra de Saint-Étienne, mais une œuvre peu viable.
Est-il possible de nos jours de monter le Marchand de Venise ? La pièce de Shakespeare réutilisait pour son personnage principal la figure légendaire du Juif animé par la haine des chrétiens, même si, au cours de la pièce, l'auteur humanise son personnage et le rend émouvant. Le livret qu'en a tiré Miguel Zamacoïs pour Reynaldo Hahn, en 1935, pouvait se permettre à l'époque, hélas, de conserver cet antisémitisme « de théâtre ». Mais de nos jours, soixante-dix ans après la Shoah, comment pouvons-nous recevoir la violence verbale de certains passages ?
La mise en scène n'aide vraiment pas à faire passer la pilule. Dans ses notes d'intention, Arnaud Bernard revendique un comportement distancié, évitant les manichéismes et les jugements hâtifs, ce qu'il ne fait justement pas. Le décor, plutôt esthétique, est constitué de panneaux blancs amovibles, sur lesquelles des vidéos sont projetées. Or, en enfonçant le clou par des images des ghettos de la seconde guerre mondiale, d'uniformes verts de gris, d'affrontements entre Israéliens et Palestiniens, en meublant l'interlude orchestral du deuxième acte, censé décrire la nuit d'amour de Portia et Bassanio, par une prière juive, il prend justement parti, et de façon gênante. Etait-il nécessaire de rendre antipathiques les couples d'amoureux, censés représenter l'éclat de la jeunesse, en situant leur demeure dans un palais surplombé par l'aigle nazi et la croix gammée ? Etait-il nécessaire de grimer les prétendants malheureux en Kadhafi ou en Franco ? Pourtant, le peuple juif n'est guère mieux traité. Shylock n'est qu'une caricature, sans émotion et sans grandeur, ce qu'il a dans la pièce originale, et les participants au procès sont des fanatiques sans cervelle.
Du côté musical, l'œuvre comprend beaucoup de belle musique, mais elle est un peu longue, malgré les coupures opérées (la représentation dure trois heures et demi). Le premier acte, d'exposition, fait la part belle à une sorte de chant parlé parfois rébarbatif, destiné à rendre l'action compréhensible. On y note cependant un formidable quatuor masculin et un credo digne du Iago de Verdi pour Shylock. Le deuxième est celui des épanchements amoureux, des airs et duos aériens et futiles, bien dans la lignées des mélodies de Reynaldo Hahn. Le troisième acte a tendance à traîner, alors que l'action est déjà dénouée, en donnant un air à la fois beau et inutile à Portia, mais offre une nouvelle scène de genre à l'(anti)-héros.
La distribution est plus que satisfaisante, avec en premier lieu le Shylock fin et méchant à souhait, de Pierre-Yves Pruvot et la délicieuse Portia de Gabrielle Philiponet. Son soupirant, incarné par Guillaume Andrieux, est aussi charmant que stylé. Le deuxième couple, Nérissa (Isabelle Druet) et Gratiano (François Rougier) se distingue du précédent par des timbre plus sombrés. Magali Arnault-Stanczak et Philippe Talbot ont des parties de moindre envergure, elle charmante, lui un peu trop confidentiel. Dans le rôle-titre (mais paradoxalement pas le plus important), le baryton Frédéric Goncalvès est impressionnant d'autorité et d'émotion contenue.
Sous la direction de Franck Villard, le chœur et l'orchestre font merveille, et trouvent le ton juste.
Crédit photographique : © Cyrille Cauvet
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Saint-Étienne, Opéra Théâtre. 27-V-2015. Reynaldo Hahn (1874-1947) Le Marchand de Venise, opéra en trois actes et cinq tableaux sur un livret de Miguel Zamacoïs. Mise en scène, décors, lumières : Arnaud Bernard. Costumes : Carla Ricotti, Lumières : Patrick Méeus, Avec : Gabrielle Philiponet, Portia ; Isabelle Druet, Nérissa ; Magali Arnault-Stanczak, Jessica ; Pierre-Yves Pruvot, Shylock ; Frédéric Goncalvès, Antonio ; Guillaume Andrieux, Bassanio ; François Rougier, Gratiano ; Philippe Talbot, Lorenzo ; Harry Peeters, Tubal; Frédéric Caton, le prince du Maroc, le Doge ; Vincent Delhoume, le Prince d’Aragon, Salarino. Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire. Chef des chœurs Laurent Touche. Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire. Direction Franck Villard.