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New York. Metropolitan Opera House. 11-V-2015. Les Sylphides. Chorégraphie: Michel Fokine. Musique: Frédéric Chopin, orchestration par Benjamin Britten; avec Isabelle Boylston (Mazurka), Hee Seo (Prélude et pas de deux), Thomas Foster (Mazurka et Pas de deux), Melanie Hamrick (Valse). Pillar of Fire. Chorégraphie: Antony Tudor. Musique: Arnold Schoenberg. Avec Gillian Murphy (Hagar), Marcelo Gomes (le Jeune Homme), Stella Abrera (la Soeur aînée), Cassandra Trenary (la Cadette). Chef d’orchestre: Ormsby Wilkins. Fancy Free. Chorégraphie: Jerome Robbins. Musique: Leonard Bernstein. Avec Herman Cornejo, Cory Stearns, Marcelo Gomes. Chef d’orchestre: Davis LaMarche.
16-V-2015. Theme et Variations. Chorégraphie: George Balanchine. Musique: P. I. Tchaïkovsky. Avec Isabelle Boylston, Daniil Simkin. Chef d’orchestre: Ormsby Wilkins. Jardin aux Lilas. Chorégraphie: Antony Tudor. Musique: Ernest Chausson (« Poème »). Avec Hee Seo (Caroline), Cory Stearns (son amant), Veronika Part (un Episode de son passé), Roman Zhurbin (L’homme qu’elle doit épouser). Rodeo. Chorégraphie: Agnes De Mille. Musique: Aaron Copland. Avec Misty Copeland (Cowgirl), Grant DeLong, Craig Salstein, Lauren Post. Chef d’orchestre: David LaMarche.
Dernière partie de saison pour l'American Ballet Theatre avec un large panorama du répertoire grâce à des pièces courtes de la compagnie.
Pratiquement disposée par un fil chronologique, la première soirée s'ouvre par la célébration d'un romantisme revisité par Michel Fokine. On pourra dire en préambule qu'aller voir une troupe dont le répertoire naturel n'est pas romantique (mais plutôt celui du narratif du XXème siècle ou des grands classiques académiques) peut sembler exotique, et qu'il faut se dépareiller de toutes les références culturelles préalablement apportées de l'autre côté de l'océan. Aussi faut-il respecter une certaine conception de la façon de danser ces pièces qui ne sont ni meilleures ni pires qu'ailleurs, et que cette danse propose des pistes qui, si elles ne sont pas nouvelles, n'en sont pas moins intéressantes à regarder. Sinon, autant rester en Europe.
Dans les Sylphides, le corps de ballet est beau à sa manière; certes on ne présente pas le pied « à la française », on n'évolue pas avec les bras moelleux à la russe, et ainsi de suite. On sent une autre atmosphère débarrassée de toute exégèse et l'on respire avec les artistes, simplement, sans forcément rechercher la vision de telle gravure de la Taglioni ou de tout autre imaginaire du début du XIXème siècle. La douceur songeuse de Hee Seo répond à la vivacité de Thomas Foster, et à peine commence, le rêve est dissipé pour laisser place à Pillar of Fire. Ramené au réalisme d'Antony Tudor, le sujet est un peu difficile à saisir dans sa richesse pour qui ne connaît pas le ballet: effusion de sentiments, sacrifice des espoirs nourris dans l'attente des amours passionnels et finalement déçus sont la trame qui permettent à Gillian Murphy d'exploser dans un dramatisme véritablement poignant, accédant à une mélancolie pleine de remords, mater dolorosa, qui dans le dénouement trouve une résolution rédemptrice. Marcelo Gomes est le beau macho d'une puissance toute hispanique. Enfin, et sans aucun lien, une pièce emblématique de Jerome Robbins, Fancy Free. Suscitant une hilarité contagieuse, le trio des garçons à la recherche de filles avec lesquelles passer la soirée, mais également cherchant à s'amuser, se quereller et se réconcilier est anthologique et fonctionne à merveille. Chacun d'entre eux bénéficie d'une variation qui les met en valeur; une pour le séducteur qui joue de la hanche (Marcelo Gomes), une autre pour le trublion sauteur (Herman Cornejo) et une troisième pour le doux poète (Cory Stearns). Les ressorts du spectacle de Broadway se font alors estomper les frontières entre classique et show à l'américaine plein de bons sentiments.
Même progression dans une seconde soirée s'ouvrant par le très difficile Thème et Variations de Balanchine: en à peine une vingtaine de minutes, toute la panoplie du registre classique est exploité. Le gagnant premier est Daniil Simkin, effarant de facilité dans sa variation et dans son partenariat avec Isabelle Boylston; cette dernière est une figure en devenir du style de Balanchine, avec des développés très intelligents, une facilité de compréhension dans les épaulements et dans les directions. Le corps de ballet est d'une très belle teneur et pourrait gagner encore en spontanéité comme il est capable de l'appliquer dans le reste de la soirée, qui se poursuit par le Jardin aux Lilas. Veronika Part, personnifiant un Episode du Passé, y déploie ses origines russes et utilise un dos et des bras issus de l'Ecole Vaganova, face à Hee Seo, plus placide et intériorisée que dans les Sylphides. On retrouve Cory Stearns, mannequin en plus de son métier de danseur et qui est le faire-valoir séduisant dans le rôle de l'amant. Enfin, la soirée se termine, comme parallèle à Fancy Free (qui se passe en temps de guerre à New York), par un autre épisode de l'histoire américaine, celle des cow-boys dans le sud-ouest des Etats-Unis et de leurs divertissements. Questionnant également la place de la femme dans ces temps pionniers de la constitution fédérale, la pièce fait sourire, n'ayant pour seule prétention que d'attirer une certaine sympathie. Misty Copeland y parvient parfaitement dans le rôle de la cow-girl en pantalon qui n'arrive pas à faire tourner les yeux des garçons sur elle, si ce n'est quand elle s'habille comme les filles convenables doivent s'habiller et se coiffer; et c'est ainsi qu'elle finit par se faire aimer… Cette pièce est à prendre comme l'élaboration d'un langage chorégraphique propre à un pays qui trouve là une manière de se forger une identité interne.
Deux soirées très semblables dans les plans qu'elles empruntent, dans la réflexion qui ont présidé à leur assemblage et qui proclament la qualité d'une troupe qui se légitime et ne se compare pas.
Crédits photographiques :Gillian Murphy and Marcelo Gomes in Pillar of Fire. © Gene Schiavone; Scene de Theme and Variations. © The George Balanchine Trust. Photo: Gene Schiavone.
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New York. Metropolitan Opera House. 11-V-2015. Les Sylphides. Chorégraphie: Michel Fokine. Musique: Frédéric Chopin, orchestration par Benjamin Britten; avec Isabelle Boylston (Mazurka), Hee Seo (Prélude et pas de deux), Thomas Foster (Mazurka et Pas de deux), Melanie Hamrick (Valse). Pillar of Fire. Chorégraphie: Antony Tudor. Musique: Arnold Schoenberg. Avec Gillian Murphy (Hagar), Marcelo Gomes (le Jeune Homme), Stella Abrera (la Soeur aînée), Cassandra Trenary (la Cadette). Chef d’orchestre: Ormsby Wilkins. Fancy Free. Chorégraphie: Jerome Robbins. Musique: Leonard Bernstein. Avec Herman Cornejo, Cory Stearns, Marcelo Gomes. Chef d’orchestre: Davis LaMarche.
16-V-2015. Theme et Variations. Chorégraphie: George Balanchine. Musique: P. I. Tchaïkovsky. Avec Isabelle Boylston, Daniil Simkin. Chef d’orchestre: Ormsby Wilkins. Jardin aux Lilas. Chorégraphie: Antony Tudor. Musique: Ernest Chausson (« Poème »). Avec Hee Seo (Caroline), Cory Stearns (son amant), Veronika Part (un Episode de son passé), Roman Zhurbin (L’homme qu’elle doit épouser). Rodeo. Chorégraphie: Agnes De Mille. Musique: Aaron Copland. Avec Misty Copeland (Cowgirl), Grant DeLong, Craig Salstein, Lauren Post. Chef d’orchestre: David LaMarche.