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Munich. Nationaltheater. 25-V-2015. Alban Berg (1885-1935) : Lulu, opéra en trois actes sur un livret du compositeur d’après Frank Wedekind. Mise en scène et décors : Dmitri Tcherniakov. Costumes : Elena Zaytseva. Avec : Marlis Petersen (Lulu) ; Daniela Sindram (Gräfin Geschwitz) ; Rachael Wilson (Eine Theatergarderobiere, Ein Gymnasiast, Ein Groom) ; Christian Rieger (Medizinalrat, Bankier, Professor) ; Rainer Trost (Der Maler, Ein Neger) ; Bo Skovhus (Dr. Schön, Jack the Ripper) ; Matthias Klink (Alwa) ; Martin Winkler (ein Tierbändiger, Ein Athlet) ; Pavlo Hunka (Schigolch) ; Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Der Prinz, Der Kammerdiener, Der Marquis)… Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière ; direction : Kirill Petrenko.
Amère déception pour la nouvelle production de Lulu à Munich par Dmitri Tcherniakov, musicalement comme scéniquement loin du but.
Parfois, les dieux semblent veiller sur une production : avec une telle réunion de talents, pense-t-on, que pourrait-il arriver qui puisse tout gâcher ? Et pourtant, les promesses de la fiche de distribution sont parfois réduites à néant par la réalité de la scène : c'est ce qui est arrivé à la nouvelle production de Lulu de Berg à l'Opéra de Munich.
Dmitri Tcherniakov est un des plus grands metteurs en scène lyriques de notre temps, et il l'a prouvé à Munich avec Khovanchtchina et Dialogues des Carmélites, deux productions qui n'ont pas fait l'unanimité, mais avaient une force expressive et interprétative unique. Cette Lulu engoncée dans un décor unique qui offre peu de possibilités de jeu doit se contenter d'une direction d'acteurs en front de scène qui n'est pas sans intérêt, ni sans variations par rapport aux attentes : cette Lulu tourmentée et peu coutumière des séductions faciles aurait pu séduire si quelque chose était venu donner du sens à l'histoire. Une direction d'acteurs ne fait pas une mise en scène, pas plus qu'un joli décor – un labyrinthe de verre qui oblige les chanteurs à rester en avant-scène ; il sert en partie à un jeu de reflets, mais on y aura vu surtout un des écrans vidéos qui retransmettent la direction du chef, reflété à l'infini pendant presque tout le spectacle.
Le chef, justement : on a suffisamment fait l'éloge ici de Kirill Petrenko pour pouvoir dire franchement que, ce soir, rien n'allait ou presque en fosse. Lorsque l'orchestre parle seul, notamment dans ce qui correspond à la suite orchestrale, la maîtrise de Petrenko est totale, avec des cordes d'une beauté surnaturelle ; quand il s'agit de soutenir les chanteurs, de donner sa force au flux vif-argent du dialogue, la fosse paraît aux abonnés absents, et sans ce soutien ce que chantent les solistes semble purement arbitraire. Lulu ne vit que pas sa force théâtrale, mais l'orchestre plus que nulle part ailleurs est essentiel à ce théâtre ; en cette triste soirée, il ne joue que rarement son rôle.
Est-ce à dire que la faiblesse générale de la distribution est le produit de cette absence de soutien ? Sans doute en partie. Seul le Schigolch peu sénile de Pavlo Hunka parvient à convaincre, et dans une moindre mesure Daniela Sindram (Geschwitz) ; même Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, dans ses différents rôles de caractère, reste très loin de la silhouette inoubliable de son Mime. Les deux ténors Rainer Trost et Matthias Klink manquent cruellement de brio, et Bo Skovhus en Dr. Schön est simplement aux abonnés absents – la comparaison avec Michael Volle dans une récente représentation berlinoise est cruelle. Marlis Petersen, qui a chanté le rôle-titre à de nombreuses reprises et le reprendra prochainement au Met, est elle aussi particulièrement éteinte, mais au-delà du timbre mat et des notes à peu près en place (ce qui, il y a quelques années, était l'exception chez les titulaires de ce rôle terrible !), son incarnation reste à l'image du spectacle, sans vigueur ni personnalité. On comprend difficilement le texte faute d'une diction claire, et les aigus sont systématiquement criés.
Il a plu pendant le soir de la première : cette fête qu'aurait dû être cette Lulu pleine de promesses est bel et bien tombée à l'eau.
Crédits photographiques : © Lulu/Nationaltheater-Bayerische Staatsoper
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Munich. Nationaltheater. 25-V-2015. Alban Berg (1885-1935) : Lulu, opéra en trois actes sur un livret du compositeur d’après Frank Wedekind. Mise en scène et décors : Dmitri Tcherniakov. Costumes : Elena Zaytseva. Avec : Marlis Petersen (Lulu) ; Daniela Sindram (Gräfin Geschwitz) ; Rachael Wilson (Eine Theatergarderobiere, Ein Gymnasiast, Ein Groom) ; Christian Rieger (Medizinalrat, Bankier, Professor) ; Rainer Trost (Der Maler, Ein Neger) ; Bo Skovhus (Dr. Schön, Jack the Ripper) ; Matthias Klink (Alwa) ; Martin Winkler (ein Tierbändiger, Ein Athlet) ; Pavlo Hunka (Schigolch) ; Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Der Prinz, Der Kammerdiener, Der Marquis)… Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière ; direction : Kirill Petrenko.
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