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Aurélie Dupont, danseuse étoile du Ballet de l'Opéra de Paris, fera ses adieux le 18 mai sur la scène de Garnier dans le rôle titre de L'histoire de Manon. Filmé par Cédric Klapisch, la soirée sera retransmise en direct dans des cinémas en France et en Europe, et diffusée le 30 mai sur France 3.
« Les rôles qui m'ont marqué sont ceux des tragédies. J'adore quand on meurt à la fin d'un ballet ! »
ResMusica : A la rentrée, vous allez devenir maître de ballet à l'Opéra de Paris, pourquoi cette décision ?
Aurélie Dupont : Je ne me voyais plus à l'Opéra après ma retraite de danseuse. Au moment où j'avais presque décidé de sauter le pas, Benjamin Millepied m'a proposé ce poste et j'ai accepté, parce que c'est lui. Je remercie Benjamin de m'offrir ce magnifique cadeau qui m'attend. Maître de ballet, cela consiste à faire travailler les solistes individuellement ou en adage. Je vais me servir de ce que j'ai appris et des rencontres avec tous les chorégraphes avec lesquels j'ai travaillé pour découvrir des jeunes et les aider à travailler l'endurance, la personnalité, l'histoire de leur personnage.
RM : Vous faites vos adieux dans le rôle de Manon. Que signifie-t-il pour vous ?
Aurélie Dupont : Ce rôle est lourd de sens à mes yeux. Peu de temps après ma nomination comme étoile, qui a changé ma vie, j'ai dû subir une opération du genou. J'ai arrêté de danser pendant un an et demi et je suis revenue sur scène dans L'histoire de Manon. Encore aujourd'hui, dans mon costume, je suis Manon, 15 ans et je m'investis complètement dans le rôle. Mon approche de l'interprétation a changé avec Internet, qui me permet de voir vingt Manon, si je le souhaite. Par exemple, je m'inspire plus de la folie de Makarova, ce qu'elle est, mais pas ce qu'elle fait.
RM : Quels sont les grands rôles qui ont marqué votre carrière ?
Aurélie Dupont : Toutes les tragédies ! J'adore quand on meurt à la fin d'un ballet… Ce qui compte dans la tragédie, c'est l'espace temps que l'on doit faire sentir au public, jusqu'à la mort de l'héroïne. Plus largement, ce sont toutes les rencontres humaines et chorégraphiques. Les grands chorégraphes sont souvent les plus sympathiques et ceux qui ont le plus de choses à dire. Il y a eu Ohad Naharin, quand j'étais très jeune ; Angelin Preljocaj, le premier à m'avoir confié un grand rôle ; Mats Ek ; Wayne McGregor ; Sasha Waltz, devenue une amie proche ; Benjamin Millepied et bien sûr, Pina Bausch.
RM : Votre rencontre avec Pina Bausch est un de vos souvenirs le plus fort, pourquoi ?
Aurélie Dupont : Pina Bausch est arrivée dans ma carrière à un moment où j'avais des doutes. Elle m'a levé de ces doutes en me choisissant pour le rôle de l'élue dans Le Sacre du printemps. Elle m'a dit qu'elle m'avait choisi pour mes faiblesses. Enfin, je me trouvais face à quelqu'un qui me voyait mieux que personne, qui me mettait à nue. A l'époque, j'étais une espèce de guerrière, murée derrière une technique irréprochable afin de rester intouchable. Lorsque Pina Bausch m'a tendu les bras, j'ai pensé que si j'acceptais de baisser la garde, je pourrais me délivrer de ce carcan dans lequel j'étais enfermée. J'avais 22 ans. J'ai pris le risque et je ne le regrette pas.
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