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A Genève Angela Gheorghiu, trop peu, trop tard

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Genève. Grand Théâtre. 13-V-2015. W.A. Mozart (1756-1791) : Ouverture de « Le Nozze di Figaro ». Georg Friedrich Händel (1685-1759) : Lascia ch’io pianga. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Che farò senza Euridice. Georges Bizet (1838-1875) : Farandole de L’Alésienne, Habanera. Pietro Mascagni (1863-1941) : Son pochi fiori. Anton Dvorak (1841-1904) : Air à la Lune. Georges Bizet (1838-1875) : Extrait de Carmen (acte I, scène 2). Jules Massenet (1842-1912) : Adieu, notre petite table. Giacomo Puccini (1858-1924) : Tu che di gel sei cinta, O mio babbino caro. Piotr Illitch Tchaïkowski (1840-1893) : Polonaise. Alfredo Catalani (1854-1893) : Ebben ? Ne andrò lontana. Francesco Paolo Tosti (1846-1916) : Ideale. Angela Gheorghiu, soprano. Orchestre de la Suisse Romande, Tiberiu Soare, direction musicale.

On l'attendait depuis longtemps. Certains allaient même jusqu'à désespérer que la diva ne vienne jamais à Genève. Pourtant, toute auréolée de sa réputation, la soprano s'est posée dans le Grand Théâtre de Genève pour ce qui devait être l'événement de la saison.

AGUOn espérait une artiste, on a vu une chanteuse. Certes la voix de la soprano reste toujours aussi belle. On en apprécie sa rondeur, sa chaleur. Mais ce sont là ses caractéristiques naturelles. Ce qu'on espère d'une soliste d'une telle renommée, c'est une manière de se montrer, d'entraîner le public dans l'enthousiasme, dans l'émotion. Or, tout ce qui fait l'art de la soprano roumaine était absent.

Déjà, par le choix des œuvres, on sent ce récital construit sur l'économie vocale. Comme dans un Grand Prix automobile, avec l'air d'Almirena (Lascia ch'io pianga) tiré de Rinaldo de Händel, s'offre un « tour de chauffe ». Sauf peut-être que dans le sport automobile, on roule à trois cents kilomètres à l'heure, alors qu'ici on trottine !

Passé ce premier moment qui permet à l'amateur de se rendre compte que cet aria, aussi bien qu'il a été chanté, n'est pas du ressort de Mme Gheorghiu. Certes les sons sont beaux, la voix ne tremble pas, mais l'esprit n'y est pas. Tout au plus entend-on une lamentation excessive et maniérée.

Puis plantée derrière un lutrin hissé à la hauteur de son visage (pauvres spectateurs des premiers rangs qui n'ont vu d'elle que sa robe !), démontrant au passage son impréparation inacceptable à ce récital, Angela Gheorghiu offre sa succession d'airs sans qu'une quelconque émotion artistique ne transparaisse. Comme pour combler un manque évident de présence, la soprano minaude, grimace, s'évente, cabotine comme si elle cherchait à s'approprier la sympathie du public. Vocalement, la voix semble manquer de puissance. A se demander comment Angela Gheorghiu se fait entendre des 4'000 spectateurs du Metropolitan Opera de New-York ! Il faudra attendre l'ultime note de l' « Air à la Lune » de Rusalka, avant l'entracte, pour entendre, un court instant, la pleine voix de la soprano.

A la reprise, vêtue d'une robe de satin bleue remplaçant celle de mousseline jaune de la première partie, toujours cachée par son lutrin, Angela Gheorghiu reprend la pondération mesurée de son récital. Puis, pour chanter l'Habanera de Carmen, nouveau changement de robe, rouge celle-ci comme « pour faire espagnol ». Malgré ce défilé de mode, le chant manque de caractère. Angela Gheorghiu n'est pas le personnage, même ses déhanchements n'ont pas le caractère fougueux de la gitane.

Elle termine son récital avec le célèbre « Ebben ? Ne andrò lontana » de La Wally de Catalani. Alors qu'on est déjà dans l'idée de ranger sa déception, on assiste soudain à un petit miracle. La soprano roumaine se réveille soudain et offre cet air avec une voix ample, puissante, où surgit l'Angela Gheorghiu de ses prestations discographiques et de ses succès scéniques. Tout au plus retrouvera-t-on un autre moment d'émotion avec dans un bis d'« Ideale » de Tosti, mais ce sera tout. Malheureusement, c'est trop peu et c'est trop tard !

Faudrait-il trouver des excuses à l'ennui que la soprano a distillé aux amateurs d'art lyrique ? Une déjà longue carrière de prima donna (elle chante depuis plus de vingt ans) ? Une méforme passagère ? Rien de cela, sinon une détestable attitude de diva ou une légèreté dans la préparation de ce récital face à un rendez-vous de peut-être moindre importance à ses yeux que ceux de La Scala de Milan, du Covent Garden de Londres ou de l'Opéra Bastille de Paris. Peut-être peut-on comprendre que la prestation particulièrement discutable de l' ait pu la déstabiliser. Non pas que l'orchestre n'ait pas donné le meilleur de lui-même mais, la direction du chef était totalement inexistante. Avec un manque total d'impulsion rythmique, des approximations, le chef roumain mettait toute son attention au service d'Angela Gheorghiu afin de lui permettre de briller avec ses « ralentamenti » et ses sons filés.

Même si le public semblait comblé, la déception de ce rendez-vous manqué s'entendait dans les mots des nombreux amateurs d'opéra venus écouter celle qu'on considère comme l'une des plus grandes sopranos actuelle.

Crédit photographique: © Cosmin Gogu

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