Jubilations romantiques à quatre mains à Rochemontès
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Seilh, Orangerie du château de Rochemontès. 12 IV 2015. Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n° 9 en mi mineur « du Nouveau Monde » ; Gioachino Rossini (1792-1868) : ouverture de l’Italiana in Algeri (transcription de Richard Kleinmichel) ; Il Barbiere di Siviglia (transcription d’Arnold Schoenberg) : ouverture, duo « All’ idea di quel metallo », duo « Dunque io son, tu non m’inganni ? » ; ouverture de Guillaume Tell (transcription de Louis Moreau Gottschalk). Duo Solot : Stéphanie Salmin et Pierre Solot, piano.
Pour ses concerts champêtres dans ce cadre superbe de la campagne toulousaine, Catherine Kauffmann-Saint-Martin a le chic pour composer des programmes originaux tout en présentant de jeunes artistes rares sur les scènes hexagonales.
En ce beau dimanche printanier, il s'agissait du duo belge à quatre mains composé de Stéphanie Salmin et Pierre Solot, en couple à la scène comme à la ville. Ce jeune duo formé en 2009 écume avec gourmandise et enthousiasme le répertoire à quatre mains, mais ils plongent avec une égale volupté dans des transcriptions d'œuvres composées pour l'orchestre et pour la voix, sans crainte des défis techniques imposés par l'exercice. Et le programme du jour est audacieux, avec rien moins que la transcription par le compositeur lui-même de la célèbre Symphonie « du Nouveau Monde » de Dvořák et des transcriptions d'extraits d'opéras de Rossini. Ces dernières faisaient d'ailleurs l'objet de leur premier disque publié en 2011 (Pavane).
Composée en hommage aux États-Unis qui avaient accueilli Dvořák entre 1893 et 1896, la Symphonie n° 9 est de loin sa plus célèbre, et, même si elle se souvient de quelques thèmes traditionnels américains, elle demeure un fleuron de la musique tchèque. Bien qu'il fût magnifiquement accueilli comme professeur au conservatoire New-York, Dvořák ressentit la nostalgie de son pays, ce qui transparaît dans l'œuvre. Il expliqua avoir étudié des mélodies indiennes et tenté de transcrire leur esprit dans sa nouvelle symphonie. C'est ainsi que la célébrissime cantilène du 2e mouvement, qui fut reprise en chanson, notamment par un certain Bob Dylan, évoque des fumerolles indiennes.
On sait que les transcriptions ou « réductions » étaient destinées à faire circuler les œuvres jusque dans les foyers, mais celle de la Symphonie n° 9 requiert des pianistes non seulement aguerris, mais virtuoses, tant la musique est dense pour restituer toute la richesse orchestrale.
Avec l'énergie de leur jeunesse et un engagement impressionnant, Stéphanie Salmin et Pierre Solot transmettent pleinement l'esprit symphonique, clarifiant moult détails par la finesse et la coloration de leur toucher. Ils soulignent même certains aspects que l'orchestration rend parfois moins audibles. La cantilène de cor anglais du Largo paraît ici en suspension avec toute sa force émotionnelle, et l'on pourrait croire que c'est écrit pour le piano, tant la transcription de Dvořák est précise. Le Scherzo vigoureux mène progressivement à un Finale éblouissant, qui brasse les thèmes de l'œuvre de façon cyclique avec celui du mouvement propre. Ce tour de force pianistique, qu'ils viennent d'enregistrer, laisse le public saisi.
Le ton est plus léger, mais la virtuosité tout aussi présente, dans la seconde partie consacrée à des transcriptions de Rossini. La musique du « cygne de Pesaro » est ici restituée de façon brillante et riante à travers les plumes acérées de compositeurs inattendus comme Arnold Schoenberg, qui livre une étonnante vision de l'Ouverture et de deux airs du Barbier de Séville, où le piano se fait très proche des voix sans les imiter. Dans l'Ouverture de Guillaume Tell, transcrite par Louis Moreau Gottschalk, le souffle de l'épopée helvétique devient cinématographique, avec de fines ornementations de Stéphanie Salmin dans le fameux « Ranz des vaches », cet hymne suisse bis.
Devant l'enthousiasme du public, le couple le gratifia d'un gracieux Tea for two dans une version toute de connivence, à la fois vigoureuse et nostalgique.
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Seilh, Orangerie du château de Rochemontès. 12 IV 2015. Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n° 9 en mi mineur « du Nouveau Monde » ; Gioachino Rossini (1792-1868) : ouverture de l’Italiana in Algeri (transcription de Richard Kleinmichel) ; Il Barbiere di Siviglia (transcription d’Arnold Schoenberg) : ouverture, duo « All’ idea di quel metallo », duo « Dunque io son, tu non m’inganni ? » ; ouverture de Guillaume Tell (transcription de Louis Moreau Gottschalk). Duo Solot : Stéphanie Salmin et Pierre Solot, piano.